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AMORRHËENS

ils repoussèrent la première invasion que, du désert, les Hébreux tentèrent dans le pays de Chanaan malgré l’ordre formel de Dieu : « Ils poursuivirent ceux-ci comme les abeilles ont coutume de poursuivre. » Deut., i, 43-44. Attirés par les riches contrées qui s'étendent à l’est de la mer Morte et du Jourdain, ils y fondèrent les deux royaumes dont nous avons parlé. Num., xxi, 26.

Les Israélites, arrivés au torrent d’Arnon, qui séparait les Moabites des Amorrhéens, se virent obligés de traverser du sud au nord le territoire de Séhon. Ils lui envoyèrent donc des messagers pour lui demander la permission de passer, promettant « de ne pas se détourner dans les champs et dans les vignes, de ne pas boire l’eau des puits, mais de l’acheter à prix d’argent, comme tous les aliments dont ils auraient besoin, enfin de marcher par la route royale (le Derb es-Soultân, expression encore employée en Orient) jusqu'à ce qu’ils eussent franchi les frontières ». Num., xxi, 22 ; Deut., ii, 26-29 ; Jud., xi, 19. Sourd à des propositions si raisonnables, le roi leur refusa le passage, et, rassemblant son armée, marcha contre eux dans le désert. La bataille eut lieu à Jasa. Num., xxi, 23 ; Deut., ii, 32. Dieu, qui avait défendu à son peuple d’entrer en lutte avec les Iduméens, les Moabites et les Ammonites, Deut., ii, 5, 9, 19, parce qu’ils lui étaient unis par les liens du sang, lui ordonna d’attaquer les Amorrhéens et de s’emparer de leur pays. Deut., ii, 24. Les tribus chananéennes étaient, en effet, vouées à l’extermination à cause de leurs iniquités. Gen., xv, 16. La défaite de Séhon fut complète. Frappé sans quartier avec tout son peuple, il vit tomber entre les mains des Israélites le territoire qu’il avait lui-même enlevé aux enfants de Moab et d’Ammon. Num., xxi, 24-20 ; Deut., ii, 33-37. Josèphe donne de la bataille un récit plus détaillé, Ant. jud., IV, v, 2. Cette première conquête des Hébreux et surtout la prise d’Hésébon, capitale du royaume, donnèrent lieu à un chant dont quelques strophes nous ont été conservées. Num., xxi, 27-30. Séhon eut peut-être pour alliés les Madianites avec leurs cinq chefs, appelés ses vassaux. Jos., xiii, 21 ; Num., xxxi, 8. L’occupation de Jazer, ville importante, située au nord d’Hésébon et à l’ouest de Rabbath - Ammon, vint compléter pour Israël la conquête du premier royaume amorrhéen, en lui préparant la voie pour s’emparer du royaume septentrional.

S’avançant au delà du Jaboc, dans le pays de Galaad, les vainqueurs entrèrent sur les domaines d’Og, roi de Basan. Celui-ci vint à leur rencontre avec tout son peuple, et leur présenta la bataille à Édraï. Battu comme Séhon, il laissa aux conquérants les riches contrées que nous avons décrites. Num., xxi, 33-35 ; Deut., iii, 1-7. Moïse distribua les terres des deux rois amorrhéens aux tribus de Ruben, de Gad, et à la demi-tribu de Manassé. Num., xxxii, 33 ; Jos., xiii, 8-13.

Quand les Hébreux eurent franchi le Jourdain, pris la ville de Jéricho, dont la chute entraîna celle de Haï, de Béthel, de Sichem même, au cœur du pays, les Chananéens qui habitaient le sud furent remplis d’effroi en présence de ces succès et au bruit des prodiges que Dieu avait opérés en faveur de son peuple. Jos., v, 1. Pour arrêter les progrès des envahisseurs, les rois le plus immédiatement menacés se coalisèrent. Le plus puissant d’entre eux, Adonisédec, roi de Jérusalem, se mettant à leur tête, appela Oham, roi d’Hébron ; Pharam, roi de Jérimoth ; Japhia, roi de Lachis, et Dabir, roi d'Églon, non pas pour attaquer Josué lui-même, mais bien les Gabaouites, qui s'étaient volontairement soumis à ce dernier. Ils vinrent camper autour de la ville de Gabaon et l’assiégèrent. Prévenu du danger que couraient ses alliés, Josué, encore à Galgala, forçant la marche de ses troupes, arriva dans une seule nuit, et tomba à l’improviste sur les Amorrhéens confédérés. Au lever du soleil, les Israélites étaient au pied des montagnes de Gabaon. Pleins d’ardeur et forts de la protection divine, ils mirent les ennemis en fuite et en firent un grand carnage. Ceux-ci avaient pris la direction de l’ouest pour gagner, après un certain détour, la plaine de Saron. La débandade, commencée sur la longue montée qui va de Gabaon à Béthoron-le-Haut (Beit-‘Our el-Fôqa), s’acheva sur la descente qui conduit à Béthoron-le-Bas (Beit-Our et-Taḥta). Une grêle de pierres, lancée par le ciel, fit plus de victimes que l'épée des Israélites. Arrivé au sommet du défilé où se trouve Béthoron-le-Haut, Josué vit au-dessous de lui l’armée amorrhéenne fuyant en toute hâte et dans la plus grande confusion. C’est à ce moment solennel qu’il prononça ces paroles mémorables : « Soleil, arrête-toi sur Gabaon ; et toi, lune, dans la vallée d’Aïalon. » Et le soleil fut immobile et la lune s’arrêta, jusqu'à ce que le peuple se fût vengé de ses ennemis. Les cinq rois confédérés s'étaient enfuis et cachés dans une caverne de Macéda, probablement sur les dernières pentes des montagnes, au bord de la Sephéla. Josué les fit saisir et mettre à mort ; puis, après avoir exposé jusqu’au soir leurs cadavres suspendus à cinq poteaux, il les jeta dans la caverne où ils s'étaient cachés, et plaça de grandes pierres à l’entrée de la grotte. Jos., x, 1-27. La manière dont le vainqueur traite les rois vaincus était commune dans l’antiquité. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., Paris, 1889, t. iii, p. 187, n. 2. La défaite des princes amorrhéens mit d’un seul coup entre les mains des Hébreux la partie de Chanaan qui s'étend des montagnes d'Éphraïm au désert du midi. Jos., x, 28-42.


123. — Tête d’Amorrhéen. Bristish Museum.

Vaincus, les Amorrhéens, aussi bien que les autres Chananéens, ne furent pas complètement exterminés. Ils demeurèrent au milieu des Israélites, qui s’unirent à eux par des mariages et trop souvent se laissèrent aller à imiter leur idolâtrie. Jud., iii, 5-7. Salomon leur imposa des tributs et des corvées. III Reg., ix, 20-21 ; II Par., vin, 7-8. Après la captivité, les Juifs eurent avec eux des liaisons qu’Esdras s’appliqua à briser. I Esdr., ix, 1-2 ; x.

Les monuments égyptiens mentionnent quelques victoires des Pharaons sur les Amorrhéens, principalement sur ceux de la vallée de l’Oronte, sous Séti Ier et Ramsès II. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 4e édit., p. 214-215, 220 ; F. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., Paris, 1882, t. ii, p. 232.

IV. Mœurs, religion, langue.

La Bible n’indique aucun caractère particulier qui distingue les Amorrhéens des autres peuples chananéens. Le prophète Amos, les prenant en quelque sorte pour types de ces derniers, compare leur taille à celle des cèdres, et leur force à celle du chêne, ii, 9, rappelant, par cette hyperbole poétique, l’impression qu’ils avaient produite sur les explorateurs