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AMORRHEENS


plaines et admirablement disposées pour servir de forteresses. Au-dessus, les sommets les plus élevés, aujourd’hui assez arides et de forme généralement conique, sont séparés par d'étroits ravins, dont quelques-uns sont très profonds, où se précipitent dans la saison des pluies de rapides torrents. Moins fertile naturellement que le reste de la Palestine, ce pays était néanmoins riche en pâturages, en blé, en fruits et surtout en vin.

2° Pays transjordanien. Les Amorrhéens, à l’est du Jourdain, formaient deux royaumes. Au midi, celui de Séhon, compris entre l’Arnon, le Jaboc et le Jourdain, se trouvait comme dans une presqu'île, suivant la juste comparaison de Josèphe, Ant. jud., IV, v, 2. Il avait pour capitale Hésébon (Hesbdn). Num., xxi, 24-26 ; Deut., ii, 26-37 ; Jos., xil, 2-3. Celui du nord, capitale Édraï (aujourd’hui Der'ât), était situé, d’un côté, entre le Jaboc et l’Hermon ; de l’autre, entre le Jourdain et le Djebel Hauràn, confinant à la Syrie de Damas. Il portait le nom de royaume de Basan, et était gouverné par Og, « de la race des géants, et qui habitait à Astaroth et à Édraï. » Jos., xli, 4 ; Num., xxi, 33. Il comprenait ainsi la moitié du pays de Galaad, Jos., xii, 5 ; la Gaulanitide, le Djaulân actuel, « la région d’Argob (c’est-à-dire le Ledjah actuel, l’ancienne Trachonitide, suivant certains auteurs, ou la plaine du Hauràn, En-Nouqra, selon d’autres), avec ses soixante villes. » Voir Argob. « Toutes les villes étaient munies de murs très hauts, de portes et de traverses, sans compter d’innombrables villes qui n’avaient pas de murs. » Deut., m, 4, 5. Selcha ou Salécha (aujourd’hui Salkhad) était un des forts avancés du côté de l’est. Deut., iii, 10 ; Jos., xii, 5.

Ces deux royaumes, dans leur ensemble, s'étendaient ainsi depuis l’Arnon jusqu’au grand Hermon. Deut., iii, 8 ; Jos., xii, 1. Tout ce pays est un immense plateau, de 750 à 900 mètres d’altitude au-dessus de la Méditerranée, n’ayant l’apparence de montagne que par sa berge occidentale, qui descend en gradins vers le lac de Tibériade et le Jourdain, et tombe à pic dans la mer Morte. Il est coupé, dans toute son épaisseur, par trois grands torrents : le Yarmouk (Chéri’at el-Mandhoûr), le Jaboc (Nahr Zerqa) et l’Arnon (Ouadi el-Modjib), qui divisent les hautes terres en fragments inégaux. En outre, des ouadis secondaires ravinent profondément les massifs rocheux et les sculptent en promontoires des formes les plus variées, mais dont le sommet, çà et là revêtu de laves basaltiques, semble de loin se confondre en une table uniforme, à peine dépassée par quelques pointes pyramidales. Cf. E. Reclus, Asie antérieure, p. 708. La contrée septentrionale, le Djaulàn, n’a que des tells, buttes ou monts isolés, alignés du nord au sud, et échelonnés du côté du Jourdain. Un large fossé, le Yarmouk, dont les branches s'étendent au nord jusqu’au versant oriental de l’Hermon, et à l’est jusqu’au Djebel Hauran, la sépare d’un pays plus montueux, l’Adjloun, bien arrosé par les affluents directs du Jourdain, et parsemé de prairies comme la Galilée n’en eut jamais dans ses plus beaux temps. Le Jaboc vient ensuite couper en deux les anciens monts de Galaad, décrivant dans sa course une demi-ellipse d’environ 110 kilomètres. Enfin du Jaboc à l’Arnon s'étend le Belka avec ses magnifiques pâturages, ses collines boisées, ses villes nombreuses, ses monuments mégalithiques. Voir Ammon, Moab, Galaad, Basan.

La région dont nous venons de décrire la physionomie générale se termine au nord-est par l’Auranitide ou le Hauran, pays remarquable autant par sa nature géologique que par le nombre infini et l’aspect tout particulier des sites ruinés qu’il renferme. Il se divise en trois parties distinctes. C’est d’abord un massif de montagnes volcaîiques, le Djebel Hauran, semblable à la chaîne des Puys 3' Auvergne. Plusieurs cônes, rouges comme les blocs calcinés sortis des fours, « s’alignent sur une longueur de dix kilomètres en une batterie de volcans ; c’est de là que sont sorties les énormes coulées qui forment une mer de

laves, l’Argob des Hébreux, s’allongeant vers le nord-ouest, dans la direction de Damas. » E. Reclus, ouv. cité, p. 699. Cette seconde partie, ou Ledjah, n’est ainsi qu’une vaste nappe de matières fondues, qui s’est craquelée dans tous les sens en se refroidissant, coupée par des crevasses profondes et un labyrinthe de défilés. Enfin « la pente du Hauran », En-Nouqrat él-Haurân, forme, à l’ouest, une plaine fertile, ondulée et parfois bien cultivée, couverte de villes.

Au dire des voyageurs qui ont exploré cet étrange pays, c’est bien celui d’un peuple de géants, la contrée des Rephaïm ; et les nombreux monuments que le temps y a conservés sont les perpétuels témoins de la véracité du récit biblique. Parmi les anciennes habitations qu’il renferme, on peut en distinguer quatre sortes : 1° Les demeures des troglodytes, c’est-à-dire des grottes artificielles de 9 à 10 mètres de long sur 6 mètres de large et 3 mètres de haut, précédées d’une petite cour où l’on avait accès par une porte de pierre. 2° Des villages souterrains, dans lesquels on pénétrait par une tranchée profonde, qui se continuait par des passages ou rues de 5 à 7 mètres de large, flanquées d’habitations souterraines. On en trouve précisément un semblable à Der’at (Édraï), une des résidences d’Og, roi de Basan. Cf. G. Schumacher, Across the Jordan, Londres, 1880, p. 135-148, plan, p. 136. 3° Des chambres creusées dans la surface du plateau rocheux et couvertes d’une solide voûte en pierre. 4° Enfin des maisons de pierre construites en blocs de basalte parfaitement taillés. Cf. J. G. "YVetzstein, Reisebericht ùber Hauran und die Trachonen, Berlin, 1860, p. 44 et suiv.

Quoique abandonnées et désertes depuis des siècles, les villes et bourgades de ce pays se sont bien conservées. Leur nombre et leurs ruines répondent à la description qu’en fait la Sainte Écriture. « Quelque mystérieux et incroyable que cela paraisse, dit J. L. Porter, j’ai vu de mes propres yeux que cela est littéralement vrai. Les cités sont encore là aujourd’hui. Quelques-unes portent encore les anciens noms mentionnés dans la Bible. » The Giant citiesof Bashan, Londres, 1872, p. 13. Qu’il nous suffise de citer Salkhad, Bosra, Der’at, El-Qanaouât (Canath), Chaqqa, El-Mousmiyéh. Cette multitude de villes et de villages, debout au milieu de ces tristes solitudes, a quelque chose de fantastique et de désolé, qui fait sur l'àme du voyageur une impression indéfinissable. La conservation de ces cités primitives s’explique par la nature de leur construction. Les maisons sont faites en blocs épais de pierres basaltiques, et les portes elles-mêmes sont formées d’une seule dalle de six pieds de haut et d’un pied d'épaisseur, roulant sur deux forts pivots taillés dans la dalle même et insérés dans l'épaisseur des parois.

M. Maspero, d’après Brugsch, dit qu’une des tribus amorrhéennes « avait poussé jusque dans la vallée de l’Oronte, et s’appuyait sur la célèbre Qodshou (Cadès) ». Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 4e édit., Paris, 1886, p. 185. Ne pouvant décrire ici que dans ses grandes lignes le territoire des Amorrhéens à l’est du Jourdain, nous renvoyons pour les détails aux ouvrages suivants : C. R. Condcr, Heth and Moab, Londres, 1889, p. 106-156, 178-196 ; H. B. Tristram, The Land of Moab, Londres, 1874 ; G. Schumacher, Across the Jordan, Londres, 1886 ; J. L. Porter, The Giant cities of Bashan, Londres, 1872 ; p. 9-97 ; J. G. Wetzstein, ouv. cité ; G. Schumacher, The Jaulân, Londres, 1888, ou dans la Zeitschrift des Deutschen Palàstina-Vereins, Leipzig, t. ix, 1886. Outre la carte ci-jointe, voir celles des tribus de Rubex, de Gad et de Masassé oriental.

III. Histoire. — Les renseignements qui nous restent sur les Amorrhéens cisjordaniens avant l’arrivée des Israélites sont peu nombreux. Ceux qui habitaient Asasonthamar ou Engaddi furent battus par Chodorlahomor et ses alliés. Gen., xiv, 7. Déjà Abraham avait trouvé des amis parmi ceux d’Hébron. Gen., xiv, 13. Unis aux Amalécites,