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AMORRHÉENS

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tante en ont même fait le nom propre 'A(ioppaïoi. Les Amorrhéens auraient ainsi été les « Highlanders » de la Palestine, ou habitants des pays hauts, tandis que les Chananéens proprement dits en auraient été les « Néerlandais » ou habitants des pays bas. Cette explication semble appuyée par certains passages de rÉcriture. Ainsi les explorateurs envoyés par Moïse pour examiner la Terre Promise, revinrent en disant : « Amalec habite au midi, l’Héthéen et le Jébuséen et l’Amorrhéen dans les montagnes ; le Chananéen habite près de la mer (la plaine des Philistins) et du Jourdain (vallée du Ghôr). » Num., xm, 30. Nous lisons dans Josué, v, 1 : « Lorsque tous les rois des Amorrhéens qui habitaient au delà du Jourdain, vers la plage occidentale, et tous les rois de Chanaan qui possédaient les contrées voisines de la grande mer, eurent appris que le Seigneur avait desséché les flots du Jourdain, etc. » Cf. Deut., i, 44 ; Jos., x, 6 ; xi, 3. De là l’expression de « montagne des Amorrhéens » employée pour désigner le massif méridional de la Palestine. Deut., i, 7, 20.

Il est bon cependant de ne presser ni l'étymologie ni les textes, et il faut reconnaître à ce mot Amorrhéen un sens large et un sens strict, qu’il est important de distinguer pour ne pas prêter de contradictions aux auteurs sacrés. Comment se fait-il, en effet, que les Chananéens de Num., xiv, 45, sont appelés Amorrhéens, Deut., i, 44 ; que la ville d’Hébron est attribuée aux Amorrhéens, Jos., x, 5, tandis qu’elle appartenait aux Chananéens d’après Jud., i, 10 ; que 1' ce hévéen » de Gen., xxxiv, 2, devient amorrhéen, Gen., xlviii, 22, etc.? Ces difficultés tombent d’elles-mêmes, si l’on assigne au mot Amorrhéen la triple signification suivante, qui ressort du reste tout naturellement des différents passages où nous le lisons dans l’Ancien Testament.

1° Il a le sens général de Chananéen. Après la conquête de la Terre Promise, Josué, dans un dernier discours, demande au peuple s’il entend préférer au Seigneur « les dieux de ces Amorrhéens dont il occupe la terre ». Jos., xxiv, 15, 18 ; Jud., vi, 10. Sous Samuel on fait remarquer qu'à une certaine époque « la paix existait entre Israël et l’Amorrhéen ». I Reg., vii, 14, etc. Ce sens large est surtout employé quand il s’agit des idoles et de l’impiété des peuples vaincus par Israël, et dont il ne suivit que trop souvent les funestes exemples. III Reg., xxi, 26 ; IV Reg., xxi, 11 ; Ezech., xvi, 3, 45. Il est possible du reste que ce nom, appliqué d’abord à une tribu ou à une région déterminées, ait pris plus tard dans l’usage une plus grande extension, et ait fini par désigner l’ensemble des populations chananéennes ; c’est ainsi que les Alemanni ont donné leur nom à l’Allemagne, et que le continent africain doit le sien à la province septentrionale d’Afrique. Cette explication est d’autant plus admissible, que les Amorrhéens paraissent avoir été le plus important des peuples chananéens.

2° Ce nom indique plus strictement les principaux habitants de la Palestine méridionale. Avant comme pendant la conquête, nous voyons les Amorrhéens établis sur les points les plus avantageux de la contrée, à Asasonthamar ou Engaddi, dominant ainsi tout le rivage occidental de la mer Morte, Gen., xiv, 7 ; à Hébron, Gen., xiv, 13 ; à Lachis, à Jérimoth et à Églon, Jos., x, 5, dominant la Sephéla, et défendant l’accès de leurs montagnes. Ils sont mentionnés avec les Héthéens et les Jébuséens comme occupant le sud de Chanaan. Num., .xm, 30. Il est à remarquer d’ailleurs que, dans les vingt endroits où l'Écriture énumère les différents peuples de ce pays, elle distingue formellement l’Amorrhéen du Chananéen. Cf. Gen., xv, 21 Exod., iii, 8 ; xiii, 5 ; xxiii, 23 ; xxxiii, 2 ; xxxiv, 11 Num., xiii, 30 ; Deut., vii, 1 ; xx, 17 ; Jos., iii, 10 ; v, 1 ix, 1 ; xi, 3 ; xii, 8 ; xxiv, 11 ; Jud., iii, 5 ; I Esdr., ix, 1 IIEsdr., ix, 8 ; Judith, v, 20.

3° Enfin ce nom désigne positivement les deux royaumes de Séhon et d’Og, « les deux ro13 des Amorrhéens, » à

l’orient de la mer Morte et du Jourdain. Deut., iii, 8, 9 ; iv, 46, 47 ; Jos., ii, 10 ; ix, 10 ; xxiv, 12.

II. Pays. — Le pays des Amorrhéens, appelé par Jo~ sèphe t] 'AjiupÏTtç, Ant. jud., TV, vii, 3 ; tj 'Ajtopaîa, ibid., V, i, 1, était connu des Égyptiens sous le nom

de I ^t-f - ~, Amar, ou encore Amaûr. Cf.

P. Pierret, Vocabulaire hiéroglyphique, Paris, 1876, p. 24. Il comprenait deux contrées distinctes, de chaque côté du Jourdain. Voir la carte (fig. 122).

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122. — Carte du pays des Amorrhéens.

1° Pays cisjordanien. La première mention qui est faite des Amorrhéens, Gen., xiv, 7, nous les montre occupant, à l’ouest de la mer Morte, le territoire d’Asasonthamar, c’est-à-dire, d’après II Par., xx, 2, Engaddi, ville célèbre par ses vignes, Cant, i, 13, ses palmiers et son baume. Josèphe, Ant. jud., IX, i, 2. Plus haut, dans cette gracieuse vallée qui, entre deux chaînes de vertes collines, parsemées de bouquets d’oliviers, porte la ville d’Hébron, Abraham en rencontrait qui se faisaient ses alliés. Gen., xiv, 13. Au moment de la conquête, l'Écriture parle des cinq rois amorrhéens de Jérusalem, d’Hébron, de Jérimoth (Khirbet -Yarmouk, au nord-est de Beit-Djibrin), de Lachis (Oumm el-Lakis), etd'Églon (Khirbetvdjlàn, située, comme la précédente, à l’ouest de Beit-Djibrin). Jos., x, 5. Une partie de la tribu campait même aux environs d’Accaron (Akir) et de Joppé (Jaffa), puisqu’elle refoula les Danites dans la montagne. Jud., i, 34. Enfin leur frontière s'étendait, au midi, jusqu'à « la montée du Scorpion » (voir Acrabim), Jud., i, 36, et allait peut-être, au nord, jusque vers Sichem. Gen., xlviii, 22.

Les Amorrhéens occupaient ainsi principalement ce qu’on appelle les montagnes de Judée. Cette contrée, qui comprend le double versant de la Méditerranée et de la mer Morte avec une partie de celui du Jourdain, commence, du côté de l’ouest, par une région basse, formant comme le premier étage du massif orographique, et composée de collines peu élevées, séparées par de grandes