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AMMONITES


comme nom de personne ; aussi trouve-t-on quelquefois le déterminatif personnel placé devant Amman. Cf. E. Schrader, Die Keilinsehriften und das Alte Testament, Giessen, 1883, p. 141.

Le rationalisme n’a pas manqué non plus de voir dans l’origine incestueuse d’Ammon un mythe ethnographique, fruit de la haine nationale qui ne cessa d’exister entre les Israélites et les descendants de Lot. Cf. Reuss, L’Histoire Sainte et la Loi, 1. 1, p. 363. Mais à cette affirmation gratuite, destinée uniquement à infirmer l’authenticité et la véracité du récit mosaïque, nous répondrons en rappelant l’origine des enfants de Juda, la plus importante des tribus d’Israël, origine qui n’est guère plus honorable, et qui cependant n’en est pas moins racontée dans le même livre. Gen., xxxviii. Cette haine du reste existait si peu au début, que Dieu ne voulut rien donner à son peuple de la terre des enfants de Moab et d’Ammon, parce qu’ils étaient fils de Lot, c’est-à-dire du même sang que les enfants d’Abraham. Deut., Il, 9, 19. La moitié du pays d’Ammon que posséda la tribu de Gad, Jos., xiii, 24-25, ne fut pas conquise en violation de cette défense : elle fut prise sur Séhon, roi des Amorrhéens et par conséquent, après avoir fait partie du territoire d’Ammon, elle ne lui appartenait plus lors de la conquête israélite.

Du récit de la Genèse ressort l'étroite parenté qui unissait Israël aux Moabites et aux Ammonites. D’un autre côté, l’union très intime des deux tribus sœurs apparaît d’un bout à l’autre de leur histoire. Souvent nommées ensemble, II Par., xx, 1, Sophon., ii, 8, elles sont accusées toutes deux d’avoir appelé Balaam pour maudire le peuple de Dieu, Deut., xxiii, 3-4, alors que le récit détaillé de l'événement ne mentionne pas Ammon. Num., xxii, xxm. Dans la réponse de Jephté au roi d’Ammon, les allusions à Moab sont continuelles, Jud., XI, 15, 18, 25 ; Chamos, le dieu de Moab, Num., xxi, 29, y est appelé « ton dieu », Jud., xi, 24. Le pays de l’Arnon au Jaboc, que le roi ammonite appelle « ma terre », Jud., xi, 13, est donné ailleurs comme ayant appartenu à un « roi de Moab ». Num., xxi, 26.

II. Histoire. — Pour s'établir à l’est de la mer Morte et du Jourdain, les Ammonites eurent à vaincre une race de Rephaïm ou géants, « qu’ils appelaient Zomzommim. » Deut., ii, 20-21. Vaincus eux-mêmes plus tard par les Amorrhéens, ils furent refoulés vers l’est. Num., xxi, 24 ; Jud., xi, 13, 19-22. Voir Ammon 4. Depuis ce temps, leur histoire ne fut plus qu’une longue suite d’hostilités contre le peuple d’Israël. Au moment de l’exode, ils lui refusèrent des vivres dans le désert, Deut., xxiii, 4, et, de concert avec les Moabites, firent appel contre lui aux perfides conseils et aux malédictions de Balaam. Deut., xxiii, 4, et II Esdr., xiii, 2. C’est pour cela qu’ils furent, comme leurs frères, exclus du droit de cité dans Israël, Deut., xxiii, 3 ; fait d’autant plus remarquable, que les Iduméens, qui s'étaient également opposés au passage des Hébreux, Num., xx, 18-21, mais n’avaient pas cherché à maudire la race de Jacob, pouvaient être admis, « à la troisième génération, dans rassemblée du Seigneur. » Deut., xxiii, 7, 8. Cependant Dieu défendit à son peuple de faire la guerre aux Ammonites, lui ordonnant de respecter la terre qu’il avait donnée aux fils de Lot. Deut., Il, 19. Ceux-ci n’eurent pas les mêmes égards pour la terre d’Israël.

Au temps d’Aod, ils se firent les alliés d'Églon, roi de Moab, pour opprimer les Hébreux. Jud., iii, 13. Mais bientôt, se sentant assez forts pour triompher seuls, ils revinrent à la charge. Poussés par l’amour de la guerre et du pillage, et aussi par le désir de reprendre ce beau pays de Galaad, qu’ils avaient autrefois possédé en partie, ils l’envahirent, malgré les montagnes qui le défendent. Depuis leur sortie d’Egypte, les Israélites n’avaient pas rencontré de plus cruels ennemis. Pénétrant dans cette contrée fertile, « y fixant leurs tentes avec de grands cris, » Jud., x, 17, les fils d’Ammon « broyèrent, suivant

l'énergique expression de l’hébreu, et brisèrent violemment » les tribus qui l’occupaient. Jud., x, 8. Traversant même le Jourdain, ils poursuivirent leurs incursions et étendirent leurs ravages jusqu’au milieu de Juda, de Benjamin et d'Éphraïm. Jud., x, 9. Jephté, choisi par les tribus transjordaniennes pour repousser les pillards, ne voulut entreprendre la guerre qu’après avoir épuisé tous les moyens de conciliation avec des adversaires qu’il redoutait. Deux fois il envoya des ambassadeurs aux Ammonites pour leur demander quels étaient leurs griefs. Les négociations diplomatiques ayant échoué, il fallut en venir aux mains. Les enfants d’Ammon furent complètement battus. Vingt villes furent saccagées, depuis Aroër (voir Aroer 2) jusqu'à Minnith et Abel (voir Abel-Keramîm). Jud., xi, 1-33.

Cet échec cependant n’avait pas complètement ruiné leurs armes ; car, très peu de temps après l'élection de Saùl, nous voyons Naas, leur roi, mettre le siège devant Jabès Galaad. Peut-être voulait-il faire revivre les prétentions de son peuple sur un pays bien convoité, ou plutôt, si l’on en juge par la menace qu’il fit aux habitants de leur arracher l'œil droit, voulait-il venger la défaite infligée par Jephté. Ne pouvant sans doute emporter immédiatement la ville de vive force, et ne comptant pas qu’elle pût être secourue, il lui accorda un délai de sept jours. Mais Saûl, arrivant avec des troupes considérables, attaqua le camp ennemi de trois côtés à la fois. Surpris tout à coup, à une heure matinale, les Ammonites sans défiance furent battus jusqu’en plein midi, et complètement dispersés. I Reg., XI, 1-11. Ce ne fut pas le seul exploit accompli contre eux par Saùl. I Reg., xiv, 47.

Tout en combattant le premier roi d’Israël, Naas traitait David avec bienveillance. II Reg., x, 2. Quels services lui rendit-il ? On ne le sait pas au juste. Il est probable que le roi d’Ammon, comme celui de Moab, IReg., xxii, 3-4, et celui de Geth, I Reg., xxvii, n’avait vu en David fugitif que l’ennemi de Saûl, et comme tel l’avait couvert de sa protection. Mais l’amitié cessa quand le persécuté devint maître de tout Israël. Déjà entre celui-ci et Moab l’alliance était brisée. II Reg., viii, 2. David néanmoins, gardant toujours au cœur la reconnaissance envers Naas, envoya, lorsqu’il eut appris sa mort, porter ses condoléances à son fils Hanon. La haine alors se réveilla chez les princes ammonites, qui jetèrent des soupçons dans l’esprit du roi et lui représentèrent les ambassadeurs comme des espions. Hanon leur fit subir un traitement ignominieux. Mais, voyant qu’ils avaient fait injure à David, les fils d’Ammon enrôlèrent à prix d’argent, — moyennant mille talents, I Par., xix, 6, — les Syriens de Rohob et de Soba avec vingt mille fantassins, mille hommes de Maacha, et douze mille d’Istob. Outre l’infanterie, il y avait dans l’armée des chars et de la cavalerie. II Reg., x, 18 ; I Par., XIX, 6-7. En présence d’une ligue aussi formidable, David envoya un chef expérimenté, Joab, avec toute l’armée des braves (hébreu : gibbôrim), c’est-à-dire la troupe d'élite. Les Ammonites se déployèrent devant Rabbath, leur capitale, pendant que les Araméens étaient disséminés dans la plaine. Pris entre deux adversaires, Joab, en habile capitaine, divisa ses troupes en deux corps ; puis, avec ses soldats d'élite, se porta lui-même contre les Syriens, tandis qu’Abisaï attaquait la ville. Les alliés se débandèrent, et, à cette vue, les Ammonites se renfermèrent dans leurs murs. Joab, sans chercher à les y forcer, rentra à Jérusalem. Cf. II Reg., x, 1-14 ; I Par., xix, 1-15. La guerre reprit au printemps. Les Israélites ravagèrent le pays d’Ammon et assiégèrent Rabbath. II Reg., xi, 1 ; I Par., xx, 1. Joab, s' étant emparé de la ville basse, appelée « ville des eaux », voulut laisser à David l’honneur de prendre la citadelle. Maître de la capitale, David ceignit le magnifique diadème du roi vaincu, recueillit un riche butin, et exerça de dures représailles envers les hommes armés (il est probable qu’il ne s’agit que de ceux-là) : les uns furent sciés, les autres mis sous des