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ÂME

iii, 16 ; iv, 1 ; vii, 16 ; viii, 10, 14 ; ix, 11 ; x, 5 ; Job., xxi, 7-29 et passim. Leurs réponses ne pouvaient avoir la précision de celles que nous donnons à cette question ; car il y avait loin des lueurs de vérité qu’ils entrevoyaient au grand jour qu’il nous est donné de contempler dans l'Église de Jésus-Christ. Ils ne pouvaient point non plus résoudre le problème comme nous, en disant que le juste entre au ciel aussitôt après sa mort ; car, au temps où ils étaient rédigés, le Messie qui devait ouvrir le ciel était encore éloigné et imparfaitement connu. Ce qu’ils affirment sans cesse, c’est que les événements que Dieu permet ne sauraient être contraires à sa justice et à sa bonté. Ils font observer parfois que si le juste souffre, il n’est point tout à fait sans péché, Ps. xxxvii, 5 ; xxxix, 13 ; cxlii, 1, 2 ; Job, vii, 20 ; ix, 17-21 ; x, 14 ; xiii, 26 ; xix, 6, ou que le méchant qui jouit est réservé à de grands châtiments. Ps. x ; Job, xxi, 30. Dieu, dit le Psalmiste, jugera les peuples et les impies, Ps. I, 5 ; ix, 8-9 ; xlix, 3-4 ; lxxxi, 8 ; xcv, 13 ; cix, 6 ; cxlii, 2 ; il rendra à chacun selon ses œuvres, Ps. lxi, 13 ; sa bonté est éternelle, et il délivrera l’âme des justes du šeʾôl. Ps. xv, 9, 10 ; xvi, 15 ; xl viii, 15-16 ; lxxii. Enfin les Psaumes annoncent à maintes reprises le Messie libérateur. L’Ecclésiaste rappelle à chaque instant que c’est au jugement de Dieu, sur les bonnes et les mauvaises actions des hommes qu’il faut s’en rapporter. Job déclare qu’il espérera en Dieu, alors même que celui - ci le ferait mourir ; car Dieu sera son sauveur. Job, xiii, 15-16. Il regarde le šeʾôl comme un lieu où l’on peut échapper aux coups de la justice de Dieu et attendre l’heure de sa miséricorde. Job, xiv, 13 ; cf. xvi, 18-21. « Je sais, dit-il, xix, 23-27, que mon vengeur est vivant et qu’il se tiendra le dernier sur la poussière, et que de ce squelette recouvert de sa peau, que de ma chair je verrai Dieu. Moi-même je le verrai ; mes yeux le verront, et non un autre ; mes reins se consument dans cette attente. » (Traduction sur l’hébreu.) Cependant le saint patriarche avoue qu’il ne connaît point tous les desseins de la Providence divine, ni toutes les ressources de la puissance de Jéhovah. Job, xxxviii-xlii. Les Proverbes proclament à leur tour que le juste meurt avec confiance et que son espérance ne sera point confondue. Prov., xiv, 32 ; xxiii, 18 ; xxiv, 14.

3° Les protocanoniques historiques s’expriment sur la mort dans les mêmes termes que le Pentateuque. Signalons en outre l'évocation de l’ombre de Samuel, qui vient annoncer à Saül quel sera son sort, I Reg., xxviii ; trois résurrections opérées par Élie, III Reg., xvii, 19-23, et par Elisée, IV Reg., iv, 29-36, et xiii, 21 ; enfin l’enlèvement d'Élie au ciel dans un char de feu, IV Reg., ii, événements on ne peut plus significatifs pour montrer la foi des Hébreux en la vie future.

4° Les livres des Prophètes développent toutes les données précédentes. La mort continue à être regardée comme un châtiment et un objet d’effroi. Toutes les âmes descendent dans le šeʾôl, mais elles n’y subissent pas toutes le même sort ; il y a dans cette prison des parties plus profondes où sont plongés les ennemis de Dieu. Is., xiv, 15. Le royaume du Messie est annoncé en termes magnifiques et consolants. Dieu viendra vers son peuple. Il jugera toutes les nations. Il apportera le salut pour toujours. On ne connaîtra plus ni imperfections, ni souffrances. Dieu rassemblera ses serviteurs, les enfants d’Israël, du milieu des peuples étrangers. Il rétablira Jérusalem. Il fera avec Israël une nouvelle alliance. Il mettra en lui son esprit ; il le comblera de biens pour l'éternité. Osée, vi, 3, Isaïe, xxvi, 19-21, Ezéchiel, xxxvii, 1-14, prédisent ou décrivent la résurrection des enfants de Jacob que Dieu arrachera au šeʾôl. Daniel, xii, 1-3, annonce la résurrection de la chair et la vie éternelle des saints au jour du salut. Tous les prophètes proclament comme une loi que le juste vivra et que le pécheur mourra.

5° Les deutérocanoniques de l’Ancien Testament, en particulier le livre de Tobie, le second livre des Mâchabées et la Sagesse, mettent dans une plus grande lumière encore les récompenses que Dieu réserve aux justes après la mort. Le second livre des Machabées, xii, 46, enseigne que les prières des vivants peuvent contribuer à délivrer les morts des peines de l’autre vie. La Sagesse présente la mort comme l’effet du péché, et l’immortalité comme l’effet de la vertu et de l’union à Dieu. C’est bien l’aspect sous lequel la mort et la vie nous ont apparu dans les premières pages de la Genèse. Notre livre en tire ces conséquences, que les pécheurs subiront la mort éternelle, à moins que la Sagesse ne les délivre du péché, comme elle en a délivré notre premier père, et que les justes vivront à jamais. Les souffrances de l’homme de bien ne sont donc qu’une épreuve ; sa mort est un bien. Si Dieu l’appelle à lui à la fleur de l'âge, c’est pour le soustraire au péril du péché.

Ainsi s’est élucidé peu à peu ce problème difficile de la destinée de l’homme déchu et condamné à la mort, problème auquel se mêlait intimement celui de la nature etdes destinées de l'âme. L’obstacle au salut et à la vie était le péché dont tous les hommes portaient le joug. Il fallait donc un libérateur à tous. C’est pour cela que la question des destinées de l’individu se confondait avec celle du salut du genre humain et de la venue du Messie. La mort du corps était la conséquence du péché : c’est pour cela que la résurrection du corps était envisagée comme la conséquence de la délivrance de l'âme.

Ces données avaient été élucidées sous leurs diverses, faces par Job, par l’Ecclésiaste, par les prophètes, par les deutérocanoniques ; mais la vérité complète ne s’en était pas encore clairement dégagée au moment de la naissance de Jésus-Christ. La plupart des Juifs de son temps, attribuant au royaume messianique un caractère plus charnel que moral, ne saisissaient pas la manière dont les âmes seraient délivrées du péché, et dont tous les peuples participeraient au salut. En outre, si l’on met à part ceux qui avec Philon parlaient en philosophes disciples de Platon, plutôt qu’en croyants disciples de Moïse, ces Juifs ne séparaient point la question de l’immortalité de l'âme de celle de la résurrection des corps. Les pharisiens affirmaient la résurrection et l’immortalité ; les sadducéens niaient l’une et l’autre. Les questions qu’ils posent à Jésus-Christ au sujet de la vie future montrent en outre que ces deux vérités, qu’ils trouvaient affirmées dans les Saints Livres, restaient pour eux enveloppées de mystères impénétrables.

6° La venue de Jésus-Christ et les enseignements du Nouveau Testament ont pu seuls dissiper ces ténèbres. C’est par ses humiliations et sa mort que Jésus de Nazareth est venu nous sauver. Le salut consiste donc dans la régénération des âmes et non dans un empire temporel ; il n’est pas restreint aux enfants d’Abraham selon la chair ; mais il s’applique à tous les croyants, qui deviennent le nouveau peuple de Dieu et forment l'Église, la nouvelle Jérusalem. Le premier avènement du Messie rédempteur sera suivi, à la fin des temps, d’un second avènement glorieux et triomphant. Le premier avènement mérite à tous, les hommes la vie de la grâce, il ouvre à toutes les âmes justes les portes du ciel pour l'éternité ; mais ce n’est qu’au second avènement que les corps ressusciteront, et que les élus iront en corps et en âme régner avec Dieu. Ces enseignements sont affirmés à plusieurs reprises dans l'Évangile, les Épîtres des Apôtres et l’Apocalypse. Cependant il fallut quelques siècles pour les dégager d’une façon incontestée des données de l’Ancien Testament qu’ils précisaient.

L’opinion que le Christ devait avoir sur la terre, avec les justes ressuscités, un règne temporel de mille ans, eut des partisans non seulement parmi les hérétiques, mais encore parmi les pères de l'Église. Cette erreur est connue sous le nom de millénarisme (voir ce mot). De plus on se demanda pendant assez longtemps si les âmes.