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AMANDIER

manger ainsi à Jaffa au commencement de mars. Le bois d’amandier est dur, d’une belle couleur, susceptible d’être poli. Il produit une gomme jaunâtre, qu’on emploie quelquefois à la place de la gomme arabique. — Parmi les espèces d’amandier, on distingue celui du Levant, Amydalus orientalis ou Amydalus argentea, dit vulgairement Amandier satiné, Amandier argenté, à cause de ses feuilles cotonneuses et argentées.

L’amandier porte en hébreu deux noms différents : celui de lûz et celui de šâqêd. Dans le premier passage de l’Écriture où il est nommé, Gen., xxx, 37, il est appelé lûz ; c’est du moins l’interprétation la plus commune, confirmée par la langue arabe, où amandier se dit aussi lauz. Quelques traducteurs rendent le mot hébreu lûz par noisetier, mais avec peu de vraisemblance.

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112. — Fleurs, feuilles et fruit de l’amandier.

La Genèse raconte que Jacob, pendant qu’il gardait les troupeaux de Laban, obtenait des agneaux de la couleur qu’il voulait, en plaçant des baguettes en partie pelées de divers arbres dans les canaux où allaient boire les brebis qui étaient près de concevoir. Gen., xxx, 35-43. Le lûz est un des trois arbres mentionnés dans cette circonstance. Ce mot ne reparaît plus dans la Bible hébraïque que comme nom propre. La ville de Béthel, avant d’être ainsi désignée, s’appelait Luz (Luza) ou « l’Amandier », Jos., xviii, 13 ; Jud., 1, 23 ; probablement à cause de quelque arbre remarquable de cette espèce qui croissait en ce lieu, ou à cause de l’abondance de ses amandiers. Le Chananéen qui livra la ville de Luza ou Luz aux Israélites, s’étant réfugié dans le pays des Héthéens, y bâtit une ville à laquelle il donna le même nom. Jud., i, 26.

Le second nom de l’amandier dans l’Écriture, qui paraît avoir été plus usité que le précédent, puisqu’on le lit dans tous les autres passages où il est question de cet arbre, est šâqêd. Il vient du verbe šâqad, qui signifie « veiller, se hâter », parce que l’amandier fleurit avant tous les autres arbres, et semble ainsi s’éveiller tandis que les autres dorment encore leur sommeil d’hiver. Le prophète Jérémie, dans sa première vision, i, 11, voit « un rameau d’amandier », qui est l’emblème de la vigilance et du zèle, à cause de la floraison hâtive de cet arbre. Ce passage renferme une allusion à l’étymologie de šâqêd. « Que vois-tu ? demande Dieu à son prophète. — Je vois un rameau d’amandier. — Tu as bien vu, lui réplique le Seigneur, parce que je me hâte (šôqêd) d’exécuter ma parole. » Jer., i, 11-12. La Vulgate, pour conserver le jeu de mots, a traduit : « Je vois une verge vigilante (virgam vigilantem). » Et le Seigneur lui répond : « Tu as bien vu, parce que je veillerai (vigilabo) sur ma parole afin que je l’accomplisse. »

Il n’y a rien d’étonnant qu’un arbre commun en Palestine, remarquable entre tous comme étant le premier à fleurir, et produisant des fruits très appréciés, y portât deux noms différents. Il est néanmoins possible que lûz soit un nom antique, qui a été supplanté plus tard en Palestine par celui de šâqêd, puisque ce dernier se trouve partout dans l’Ancien Testament, excepté dans le plus ancien passage de la Genèse. Rosenmüller y voit une autre différence : il suppose que lûz désigne l’amandier sauvage, et šâqêd l’amandier cultivé. Handbuch der biblischen Alterthumskunde, t. iv, part, i, p. 264. Encore aujourd’hui on trouve l’un et l’autre en Palestine. L’amandier sauvage croît sur le mont Carmel ; l’amandier cultivé est, avec le pêcher, une des beautés de Naplouse, l’antique Sichem. Quand, au commencement du printemps, les (leurs roses du pêcher se mêlent aux fleurs relativement blanches de l’amandier, on ne peut rien voir de plus gracieux.

L’amande a toujours été considérée comme l’un des fruits les plus estimés de la terre, de Chanaan. Voir Amande. Quelques savants ont pensé que l’amandier n’était pas cultivé en Égypte du temps de Joseph, puisque Jacob y envoyait les fruits de cet arbre. W. H. Groser, Scripture natural History, 1888, p. 88. La raison n’est pas absolument concluante, car rien n’empêche d’importer dans un pays les fruits qu’il produit lui-même, surtout lorsque ceux qui viennent de l’étranger sont « excellents ». Gen., xliii, 11. Quoi qu’il en soit, l’amandier a été connu au moins plus tard en Égypte. M. Brugsch croit avoir trouvé son nom sous la forme Modèle:Égyptien, neṣ. Aegypt. Wôrterbuch, Suppl., p. 713. Cf. Ch. E. Noldenke, Ueber die in altägyptischen Texten erwähnten Baume, 1886, p. 143. Il est vrai d’ailleurs que l’amandier a été importé de l’Asie occidentale en Egypte, comme plus tard en Grèce et en Italie.

En dehors des passages déjà rapportés, l’amandier n’est nommé qu’une autre fois dans l’Écriture : c’est dans l’Ecclésiaste, où, dans la célèbre description de la vieillesse, nous lisons, xii, 5 : « L’amandier fleurira, » c’est-à-dire, d’après l’interprétation commune, la tête du vieillard se couvrira de cheveux blancs, par allusion aux fleurs de l’amandier, qui au moment de sa floraison, n’ayant encore aucune feuille, paraît tout blanc. Gesenius, Thesaurus linguæ hebrææ, p. 1473, et un certain nombre de commentateurs à sa suite, rejettent cette explication, en disant que la fleur de l’amandier est rose, et ils traduisent : « (Le vieillard) méprise l’amande, » parce que, n’ayant plus de dents, il ne peut la manger. La raison sur laquelle s’appuient ces interprètes pour condamner le sens adopté par les anciennes versions et par la plupart des exégètes est fausse : il suffit d’avoir vu des amandiers en pleine fleur dans les pays où ils croissent en grand nombre, pour reconnaître que la comparaison que fait l’Ecclésiaste avec les cheveux blancs du vieillard est naturelle et fondée ; car à une certaine distance ces arbres fleuris ont l’aspect tout blanc, à la différence des champs de pêchers, qui paraissent tout roses. La fleur de l’amandier, d’un rose tendre et clair avant d’être tout à fait éclose, est pour la plus grande partie blanche quand elle est entièrement ouverte, et blanchit de plus en plus jusqu’au moment où elle tombe. Voir Celsius, Hierobotanicon, l. 1, p. 253, 297 ; Loudon, Arboretum et fruticetum Britannicum, Londres, 1838, t. ii, p. 673 ; Strumpf, Handbuch der Arzneimittellehre, Berlin, 1848, t. i, p. 93 ; Leng, Botanik, p. 705.

F. Vigouroux.