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AMAMA — AMAN

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tance à l’étude des langues sacrées. L’auteur se proposait de donner à son ouvrage deux parties renfermant chacune trois livres, mais la mort l’empêcha de réaliser son dessein. Le livre quatrième fut ajouté à la deuxième édition, publiée en 1656. Amama, en défendant les textes originaux dans cet ouvrage un peu confus, dépassa la mesure. Il est d’une sévérité outrée et injuste contre l’édition de la Vulgate publiée par Sixte V et Clément VIII. Il critique spécialement la version des livres historiques, des Psaumes et des écrits de Salomon. Dans le livre qui fut publié après sa mort, la traduction d’Isaîe et celle de Jérémie sont critiquées d’une manière analogue. Amama publia aussi une collation de la version hollandaise de la Bible avec les textes originaux, Bybelsche Conferencie, Amsterdam, ’1 023, et une grammaire hébraïque, Amsterdam, 1625. Voir W. Orme, Bibliotheca bïblica, p. 10-11.

AMAN (hébreu : Hâmân, nom d’origine persane, « estimé ; >> Septante : ’Au.àv), premier ministre d’Assuérus (identifié avec Xerxès I er, fils de Darius, voir Assuérus), lils d’Amadathi l’Agagite, c’est-à-dire originaire de la province d’Agag, en Médie. Voir Agaoite. Aman n’était donc pas d’origine perse, comme l’a soutenu Eichhorn, en s’appuyant sur cette raison que chez les Perses la loi s’opposait à ce qu’un étranger fût élevé à une dignité comme celle de premier ministre. Einleitung, t. iii, p. 653. C’est là une affirmation sans fondement, car les rois de Perse, comme tous les monarques orientaux, étaient des despotes dont la volonté faisait loi contre la loi même. De nombreux documents les montrent, au contraire, distribuant les dignités selon leur fantaisie. Baumgarten, De fide libri Estheri, p. 26. La Médie faisait d’ailleurs partie de l’empire perse.

Ce fut la douzième année du règne d’Assuérus, ou peu auparavant (vers 473 avant J.-C), qu’Aman fut élevé à la dignité de premier ministre, car c’est à cette époque qu’il prit en haine Mardochée, dont la fière attitude le blessa profondément. Or Mardochée lui refusa les honneurs auxquels il prétendait, dès le début de son élévation, et l’on ne peut douter que. le favori royal n’ait formé immédiatement ses projets de vengeance et arrêté contre les Juifs une action d’éclat. Esth., iii, 7. Cf.-Netcleiy.Die Bûcher Esdras, Nehemias und Esther, Munster, 1877, p. 102. Au même temps Mardochée avait découvert et révélé un complot tramé contre la vie du roi par deux eunuques, et Aman, qui était leur ami, peut-être leur complice, en avait conçu contre le Juif une nouvelle animosité. Esth., xii, 3-6. L’exégèse rationaliste et protestante a voulu voir une contradiction entre ce dernier passage et celui où le refus d’adoration de la part de Mardochée est donné comme la cause de la colère d’Aman, Esth., iii, 4-5, comme si une double cause n’avait pu concourir à développer dans le premier ministre d’Assuérus l’esprit de vengeance. Ces deux récits se complètent, loin de se contredire.

En effet, Assuérus, à qui ses sujets rendaient hommage en fléchissant le genou, selon l’usage persan (Hérodote, vin, 136), avait voulu qu’Aman partageât avec lui cet honneur. Mais cette volonté, devant laquelle tout pliait, était venue se briser contre la résolution d’un Juif obscur, Mardochée, dont la noble fierté n’avait pas voulu se soumettre à ce servilisme répugnant. Non qu’il fût interdit aux Juifs de rendre hommage à des hommes en fléchissant le genou, ou même en se prosternant, le front dans la poussière. II Rog., xiv, 4 ; xviii, 28 ; III Reg., i, 16. Ce que Mardochée tenait comme interdit à son honneur, c’était la prestation à un indigne ministre de cet hommage, réservé aux souverains. Aman, en jurant de se venger, voulut étendre le châtiment à toute la nation de Mardochée : il résolut donc de l’exterminer en masse. Esth., iii, 6. Selon nos idées et nos mœurs empreintes de l’esprit chrétien, cette prétention paraît, de la part d’Aman, si exorbitante de cruauté et d’orgueil, que des rationalistes modernes en ont voulu conclure que cette histoire n’est

qu’une fable ; mais les analogies sont là pour témoigner en faveur du caractère historique de ce récit. Mithridate, roi du Pont, sans autre raison que la haine de Rome, ne porta-t-il pas contre tous les Romains résidant dans son royaume un édit de mort, à la suite duquel, selon Plutarque, Vil. paraU., SijUa, x, cent cinquante mille sujets de la République furent massacrés dans le même jour ?

C’est au mois de nisan, le premier de l’année, qni correspond à la fin de notre mois de mars et au commencement d’avril, qu’Aman se mit à l’œuvre. Assuérus comptait onze ans accomplis de règne, on était en 473. Superstitieux comme tous les Perses, et imbu du préjugé, très répandu alors, qu’il existait des jours fastes et des jours néfastes, Aman fit tirer au sort, par quelque devin, l’époque à laquelle devrait se faire l’exécution, et cela, avant même d’en conférer avec le roi, tellement il se sentait maître dans le royaume. Cette opération des sorts est désignée dans le texte hébreu par deux mots dont l’un est l’explication de l’autre : pur hû’haggôrâl. « Il jeta le sort (pur), c’est-à-dire le gôrâl. » Le premier de ces termes n’est pas un mot hébreu, ce qui a amené l’anteur d’Esther à le faire suivre du mot explicatif gôrâl, qui désigne toujours dans la Bible l’opération dont il est question ici. Lev., xvi, 8-10 ; Ezech., xxiv, 6 ; Jon., i, 7, etc. Au contraire, le mot pur, qui est persan et répond au persan moderne behr (la part, le sort), ne se trouve nulle part ailleurs dans l’Écriture. L’hébreu et les Septante sont plus explicites que la Vulgate sur la manière dont ce. sort fut conduit. On y lit : « Et il jeta le sort de jour en jour et de mois en mois ; » Septante : xat ËXaês v-Xïipou ; f^ipocv ki r^tpi.z xa [J.T, va £x ix-rfiôf. Esth., iii, 7. D’après cela, on tira d’abord le jour du mois, puis le mois lui-même.

— Le jour amené par le sort fut le treizième, Esth., iii, 13, et le mois fut le douzième, Esth., iii, 7, qui est celui d’adar, répondant à notre fin février et commencement de mars. Ainsi la Providence avait conduit l’opération de telle sorte que les Juifs eussent tout le temps nécessaire pour parer le coup et échapper aux projets sanguinaires d’Aman. L’époque du massacre ainsi déterminée, il fallut obtenir la sanction d’Assuérus ; Aman, pour se l’assurer plus aisément, l’acheta.. Que le roi signât l’édit, et il s’engageait à verser dans le trésor royal, fort épuisé, dix mille talents (talents d’argent d’après l’hébreu, les Septante et le chaldéen), Esth., iii, 9, somme considérable, bien que notre ignorance de la valeur exacte du talent, chez les Perses, nous empêche d’en déterminer l’équivalent en notre monnaie. Xerxès (Assuérus) venait de terminer malheureusement son expédition on Grèce (480-479), il avait besoin d’argent. Ce détail montre que les Juifs pendant la captivité avaient prospéré, puisque Aman se faisait fort de tirer d’eux une somme aussi considérable. Cf. Tob., iv, 21-22. Le roi cependant voulut se montrer encore plus généreux que son ministre ; car, après lui avoir passé au doigt son anneau ou sceau royal, en signe du plein pouvoir qu’il lui donnait de décréter et de sceller ce qu’il voudrait contre les Juifs, il lui abandonna les dix mille talents, comme gratification de l’important service qu’il rendait au royaume. Aman triomphait.

Rédiger l’édit, en faire des copies et des traductions, Esth., iii, 12, et les expédier aux gouverneurs des cent vingt-sept medtnôt, Esth., i, 1, 22 ; viii, 9 ; cf. Dan., in, 2, 3, ou subdivisions de l’empire, fut l’affaire do quelques jours. Hérodote, viii, 98, parle de la rapidité avec laquelle se faisait chez les Perses la transmission des ordres royaux aux contrées les plus éloignées, par une organisation merveilleuse de courriers et de relais, dont l’institution remontait à Cyrus. Brisson, De regio Persaritm apparatu, 1710, p. 311-315. En moins de deux mois, tous les gouverneurs avaient reçu l’ordre d’Aman ; mais ils devaient attendre neuf mois environ avant de l’exécuter. C’était bien contre son gré que le cruel ministre laissait s’écouler un si long temps avant le massacre ; mais sa superstition l’emportait sur ses désirs de ven-