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AILE — AIN

insectes à celui des chars de guerre. La femme qui symbolise l'Église, xii, 14, a deux ailes d’un grand aigle pour échapper à son persécuteur et s’enfuir dans le désert où elle est à l’abri de sa rage. — L’art chrétien, s’inspirant de ces visions des prophètes, représente les anges avec deux ailes, pour exprimer la rapidité avec laquelle ces messagers célestes exécutent les ordres de Dieu. C’est sans doute une raison esthétique qui ne leur fait donner que deux ailes, quoique les Séraphins et les Chérubins en eussent davantage.

F. Vigouroux.

1. AÏN, hébreu : עין, ʿayin, mot qui signifie « source ». Il entre dans la composition d’un certain nombre de noms de lieux tirant leur dénomination des eaux qui y prenaient naissance. Rarement le mot « Ain » est employé tout court, comme Jos., xix, 7 ; xxi, 16 (et xv, 32, où la Vulgate écrit Aen, au lieu d’Aïn), pour désigner une ville de Siméon ; comme Num., xxxiv, 11 (Vulgate : fontem Daphnim, le mot « Daphnim » est ajouté au texte original), pour désigner une localité de la Palestine septentrionale (une source du Jourdain ou une autre source célèbre, d’après divers commentateurs) ; comme probablement Ænnon, Aïvwv, Joa., iii, 23, qui semble être un adjectif, rwy, 'ênôn, dérivé de 'ayin, et signifier « un lieu abondant en sources ». Ordinairement le mot 'ayin est suivi d’un autre qui le complète et le précise. Comme l’orthographe de notre Vulgate a altéré la forme primitive, nous donnons ici l'énumération des noms géographiques qui commencent par 'ayin, en les faisant suivre de la transcription adoptée par notre Bible latine : 1° ʿEn Gedî ("-ayin devient 'en, parce qu’il est à l'état construit), dans le désert de Juda ; Engaddi. — 2° ʿEn-gannîm, ville de Juda ; Engannim. — 3° ʿEn-gannîm, ville d’Issachar ; Engannim. — 4° ʿEn Dôr, ville de Manassé ; Endor. — 5° ʿEn Ḥaddâh, ville d’Issachar ; Enhadda. — 6° ʿEn Hâsôr, ville de Nephthali ; Enhasor. — 7° ʿEn Bîârôd, près du mont Gelboé (peut-être un simple nom de source, non de localité) ; fontem Harad. — 8° ʿEn Mišpât, la même ville que Cadès ; fontem Misphat. — 9° ʿEn 'Êglaïm, ville au nord de la mer Morte ; Engallim. — 10° ʿEn Šéméš, sur la limite des tribus de Juda et de Benjamin ; Fons Solis, Ensemes. Voir aussi Enaim. — Outre ces noms de lieux, quelques sources ont aussi un nom propre dans l’Ancien Testament : 11° ʿEn Rôgel, près de Jérusalem ; Fons Rogel. — 2° ʿEn Tannîm, également près de Jérusalem ; Fons Draconis. — 3° ʿEn Ṭapûaḥ, fontaine de la ville de Taphua ; Fons Taphuæ, etc. — Voir, à leur place respective, selon l’orthographe de la Vulgate, chacun de ces noms propres.

2. AÏN (hébreu : 'Ayin ; Septante : Ἤν, I Par., iv, 32 ; Vulgate : Aen, Jos., xv, 32 ; 1 Par., iv, 32 ; Ain, Jos., xrx, 7 ; xxi, 16), ville méridionale de la tribu de Juda, Jos., xv, 32 ; attribuée plus tard à celle de Siméon, Jos., xix, 7 ; I Par., iv, 32 ; et donnée aux enfants d’Aaron, Jos., xxi, 16 (dans la liste des villes lévitiques, I Par., vi, 59, on trouve Asan au lieu de 'Ayin). Le texte original du second livre d’Esdras, XI, 29, joint Ain à Rimmon, qui, dans tous les autres passages (excepté Jos., xxi, 16), suit immédiatement, deux fois même sans le vav conjonctif, Jos., xix, 7 ; I Par., iv, 32 ; il en forme ainsi un mot composé, 'Ên-Rimmôn. Les Septante ont fait de même dans d’autres endroits en traduisant : Ἐρωμώθ, Jos., xv, 32 ; Ἐρεμμὼν, Jos., xix, 7, contraction évidente de 'Ên-Rimmôn. D’ailleurs ce mot 'Ain, à l'état construit 'En, est souvent uni à d’autres noms, et indique quelque fontaine remarquable, située dans le lieu ainsi déterminé ou dans le voisinage, par exemple, Engaddi, Jos., xv, 62 ; Engannim, Jos., xix, 21 ; Endor, Jos., xvii, 11, etc. Cette union des deux mots a fait supposer à certains auteurs que les deux localités étaient si rapprochées l’une de l’autre, qu’elles ont fini, dans la suite des temps, par n’en plus former qu’une seule. Quoi qu’il en soit, nous pouvons approximativement déterminer la position d’Ain d’après celle de Rimmon, qu’on identifie généralement avec Khirbet Oumm er-Roumâmin, à trois heures au nord de Bersabée, sur la route de Beit-Djibrin (Eleuthéropolis).

C’est donc dans les environs de l’ancienne Rimmon qu’il faut chercher Aïn. Or, suivant quelques critiques, l’emplacement en serait marqué par un puits antique, très fréquenté des Bédouins, et situé à une demi-heure au sud de la ville actuelle. Robinson avait d’abord cru la retrouver bien plus à l’est, dans les ruines de Ghuwein (Rhoueîn ech-Charkiéh ou Rhoueîn er-Rharbiéh), dont le nom est un diminutif correspondant à l’hébreu 'Ain. Biblical Researches in Palestine, 1re édit., 1841, t. ii, p. 625, note 2. Mais plus tard, 2e édit., 1856, t. ii, p. 204, note 1, il identifie ces ruines avec Anim de Juda, Jos., XV, 50, tout en reconnaissant que le nom arabe correspond mieux à l’hébreu 'Ain ; et, en effet, la première lettre aïn, étant remplacée par le ghaïn (r grasseyé), comme dans Gaza (hébreu : 'Azza ; arabe : Ghazzëh ou Rkazzéh), les autres sont semblables. M. Victor Guérin avoue qu’il est permis de choisir, pour l’identification de Rhoueîn, entre ces trois villes : Aroër, Aïn et Ajiim, bien que sa préférence se porte sur la première. Description de la Palestine, Judée, t. iii, p. 193. Il nous est difficile cependant de voir comme lui une corruption de l’hébreu 'Arô'êr dans la dénomination arabe de Rhoueîn. Nous croyons en somme que, si cette dernière localité ne marque pas l’emplacement certain d’Aïh, il faut le chercher non loin de là, dans certaines limites indiquées d’un côté par Rimmon (Khirbet Oumm er-Roumâmin), et les villes sacerdotales de Jéther (Khirbet 'Attir) et Esthemo (Semou’a). Jos., xxi, 14. Voir Anim.

3. AÏN (hébreu : lâ'âyin, avec la préposition et l’article ; Septante : ἐπὶ πήγας, « aux sources ; » Vulgate : contra fontem Daphnim), endroit mentionné par Moïse, Num., xxxiv, 11, comme formant une des limites orientales de la Terre Sainte. Plusieurs anciens manuscrits de la Vulgate omettent le mot Daphnim, qui n’est sans doute qu’une glose empruntée aux commentaires de saint Jérôme. Le saint docteur, en effet, identifiant Rebla, Num., xxxiv, 11, avec Antioche de Syrie, en conclut que « la fontaine » indiquée ici est celle de Daphné, dans le célèbre bois sacré qui était aux portes de la grande cité. Comment, in Ezech., t. xxv, col. 478. Ce qui était donné comme une simple explication aura été plus tard interpolé dans le texte par quelque copiste. Cf. C. Vercellone, Varias lectiones Vulgatæ latinæ, Rome, 1860, 1. 1, p. 475. D’ailleurs l’identification proposée par saint Jérôme est absolument inadmissible, car les frontières de la Terre Sainte ne se sont jamais étendues si loin.

L’emplacement d’Ain est d’autant plus difficile à fixer, que les noms qui précèdent, v. 9, 10, présentent eux-mêmes une assez grande obscurité. Cet endroit semble appelé dans le texte à déterminer la position de Rébla, qui se trouvait « à l’orient ». Mais s’agit-il bien ici de la ville identifiée avec une localité du même nom, Ribléh, située sur la rive orientale de l’Oronte, à une certaine distance au-dessus de Homs ? Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. iii, p. 542-546 ; J. L. Porter, Five years in Damascus, Londres, 1855, t. ii, p. 335-336. S’il en était ainsi, Ain serait, suivant plusieurs auteurs, Ain el-Asi, une des principales sources de l’Oronte, à quatre ou cinq lieues au sud-ouest de Ribléh. Cette hypothèse, il faut le dire, soulève plusieurs objections. Et d’abord, la situation de Ribléh ne parait guère s’accorder avec l’ensemble des limites décrites Num., xxxiv, 9-11 : c’est porter bien haut le territoire des neuf tribus et demie qui se partagèrent l’occident de la Terre Promise. Num., xxxiv, 13. Et puis, quoique l’auteur sacré trace à grands traits cette délimitation orientale, il y a une fameuse lacune de ce point au lac de Cénéreth ou de Génésareth, qui vient immédiatement après. Enfin la distance d’Ain el-Asi à Ribléh, et la direction, qui est plutôt