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AGRICULTURE CHEZ LES HÉBREUX


ses fruits, parce que Dieu ouvrira le trésor de ses pluies et de sa rosée ; mais, s’il ne l’observe pas, il sera maudit dans son champ et dans ses greniers, maudit dans ses bœufs et dans ses brebis ; le ciel sera pour lui sec comme l’airain, et la terre dure et stérile comme le fer ; il n’aura point d’autre pluie que la cendre et la poussière ; les vers et les sauterelles dévoreront tout ce que produiront ses champs. Deut., xxviii, 11-42. Ces promesses et ces menaces furent toujours présentes à la mémoire d’Israël, voir III Reg., viii, 35-36, etc., et l’amour des biens de la terre et l’intérêt propre firent ainsi de l’agriculture un des moyens les plus puissants de conserver la vraie religion.

Tous les Hébreux furent d’ailleurs personnellement intéressés à avoir de bonnes récoltes, car tous eurent des terres à cultiver. Moïse promulgua, en effet, une loi agraire, fondée sur la division du sol en parties égales pour chaque famille. Afin d’opérer le partage conformément à cette loi, un recensement général eut lieu immédiatement avant l’entrée dans la Terre Promise. Il donna un chiffre rond de six cent mille copartageants. D’après les calculs divers qui ont été faits, chacun reçut en moyenne de six à dix hectares de terrain ; toutefois, comme les limites réelles du pays conquis par les Israélites sont fort mal connues, nous sommes hors d'état de nous rendre compte avec certitude de la superficie moyenne de terre qui fut répartie à chaque tribu et à chaque membre des douze tribus.

Un autre point important de la législation mosaïque, destiné à faire de l’agriculture la grande occupation nationale et le moyen d’attacher tous les Hébreux au sol qui les nourrissait, c’est que, par l’ordre de Dieu, la propriété fut inaliénable. Lev., xxv, 10, 13 ; cꝟ. 8-16, 23-35. Comme des besoins urgents pouvaient contraindre le propriétaire à céder son champ afin de se procurer des ressources indispensables, il ne lui était pas interdit de le vendre ; mais cette vente n'était que temporaire, et le champ revenait à son propriétaire à l’année jubilaire. Voir Jubilaire (Année), Propriété. Afin de restreindre d’ailleurs les ventes dans la mesure du possible, le législateur prévenait l’accroissement et l’accumulation des dettes en interdisant l’intérêt, Lev., xxv, 37, etc., et en annulant ces dettes tous les sept ans, à l’année sabbatique ( voir ce mot). Deut., xv, 2-3. Plus tard, les prophètes s'élevaient contre les riches qui « ajoutaient champ à champ ». Is., v, 8. On sait combien sévèrement Dieu punit, en la personne de Jézabel et d’Achab, la violation des lois de la propriété, faite au préjudice de Naboth. III Reg., xxi ; IV Reg., ix, 21, 25-26, 35. Les bornes qui séparaient et distinguaient les champs durent rester telles qu’elles avaient été primitivement placées. Deut., xix, 14. Voir Bornes.

Grâce à la législation mosaïque, l’agriculture fut ainsi l’occupation presque exclusive des Israélites jusqu'à la captivité de Babylone. Au retour de la captivité, elle demeura encore l’occupation principale, quoique beaucoup d’entre eux s’adonnassent à partir de cette époque au négoce et à l’industrie. Cf. Eccli., vii, 16.

IV. Produits agricoles. — Les principales espèces de grains cultivées en Palestine étaient le froment et l’orge, Deut., viii, 8 ; II Sam. (II Reg.), xvii, 28 ; cf. Ezech., iv, 9, etc., auxquels il faut joindre le millet. Ezech., iv, 9. L’avoine n’est jamais mentionnée dans l'Écriture, non plus que le seigle, qui aujourd’hui encore est à peine connu en Syrie. Les terres les plus fertiles produisaient soixante et même cent pour un, mais la moyenne paraît avoir été de trente pour un. Gen., xxvi, 12 ; Matth., xiii, 8.

Parmi les légumes qu’on recueillait dans la Terre Sainte, on remarque les lentilles, II Sam. (II Reg.), xxiii, 11, etc., « t les fèves, H Sam. (II Reg.), xvii, 28 ; parmi les plantes aromatiques, la nigelle et le cumin, Is., xxviii, 25 ; parmi les plantes potagères, les concombres et les citrouilles. Cf. Is., i, 8. Les oignons, les poireaux, les aulx, les melons, ne sont jamais nommés parmi les productions de la terre de Chanaan ; mais on ne saurait douter qu’ils

ne fussent cultivés, quoique les écrivains bibliques n’aient pas eu occasion d’en parler. Le lin devait être un objet assez important de culture, Job., ii, 6, à cause de l’usage qu’on en faisait pour tisser les vêtements, Prov., xxxi, 13. Le cotonnier n’est pas très rare aujourd’hui en Syrie, mais on ignore depuis quelle époque il y est connu.

La vigne était une des principales richesses de la Palestine, et on la cultivait avec le plus grand soin, cf. Is., v, 2 ; Matth., xxi, 33, ainsi que l’olivier, qui donnait de l’huile en abondance, Deut., viii, 8 ; I Par., xxvii, 28 ; Jud., ix, 8-9 ; III Reg., v, 11, et le figuier, qui est encore aujourd’hui très commun dans certaines parties du pays, où il Jorme des vergers fort étendus. Deut., viii, 8 ; 1Il Reg., iv, 25 ; Zach., iii, 10 ; Luc, xiii, 6-9. Dans les endroits propices, on plantait aussi le grenadier, Deut., viii, 8, dont le fruit est fort apprécié dans les pays chauds ; le sycomore, Amos, vii, 14, qui produit une grande partie de l’année des figues dont les gens pauvres faisaient leur nourriture ; le palmier, l’un des arbres les plus estimés de l’Orient, mais qui ne pouvait prospérer et produire ses dattes que dans certaines parties de la Terre Sainte, cf. Jud., iv, 5 ; Deut., xxxiv, 3, etc ; l’amandier, cf. Jer., i, 11-12 (texte hébreu) ; le baumier. Ezech., xxvii, 17, etc. L’oranger, qui fait aujourd’hui l’orgueil et la richesse de Jaffa, n’avait pas été encore acclimaté dans l’antiquité en Palestine. Voir Selah Merrill, Fruit Culture in Palestine (United States' Consular Reports, n° 45), Washington, 1884, p. 51 et suiv. ; 0. Ankel, Grundzûge der Landesnatur des Westjordanlandes, in-8°, Francfortsur-le-Main, 1887, p. 1Il et suiv.

Tout en faisant produire à la terre des récoltes variées, on ne négligeait pas l'élève des troupeaux, cette précieuse ressource de l’agriculteur, qui trouve là un moyen de se nourrir et de se vêtir. I Par., xxvii, 29-31, etc. Les Israélites, comme les Orientaux de nos jours, mangeaient peu de viande, mais ils faisaient une grande consommation de lait et de beurre ; la toison de leurs brebis servait à leurs femmes pour tisser les étoffes et fabriquer des vêtements, Prov., xxxi, 13, 19 ; les bœufs et les ânes étaient leurs auxiliaires dans les travaux de la campagne. L’excédent de leur récolte en blé, en olives, en raisins, en toisons, etc., leur fournissait le moyen d’acheter par échange, soit auprès de leurs compatriotes, soit auprès des caravanes qui traversaient leur pays, soit enfin auprès de leurs voisins, les Phéniciens ou les Philistins, les objets de nécessité ou de luxe qu’ils désiraient se procurer. Ezech., xxvii, 17 ; cf. Prov., xxxi, 22, 24 ; I Esdr., m, 7, etc. Voir Commerce, Industrie.

V. Mode de culture. — Les Israélites cultivaient en général leurs terres avec beaucoup de soin, et les rendaient très productives. Elles étaient pour la plupart très fertiles, comme elles le sont encore aujourd’hui là où la négligence et l’incurie n’ont pas produit leur résultat funeste. Voir Cl. R. Conder, The fertility of ancient Palestine, dans le Survey of Western Palestine, Spécial Papers, part, ii, p. 195 et suiv.

On remuait la terre avec la houe, Is., vii, 25, et quand le terrain le permettait, lorsqu’il était uni ou à pente douce, le bœuf et l'âne étaient aussi communément employés, en Palestine comme en Egypte (fig. 46-48), pour les travaux des champs. Cf. Deut., xxii, 10 ; Is., xxx, 24, etc. On préparait avec la houe ou avec la charrue le terrain qu’on voulait ensemencer. La quantité de terre labourée en un jour par une paire de bœufs s’appelait sémed. I Sam., xiv, 14. On faisait travailler quelquefois plusieurs paires de bœufs dans le même champ. I (III) Reg., xix, 19. Voir Labourage. La herse complétait l'œuvre de la charrue, Is., xxviii, 24 ; Job, xxxix, 10, brisait les mottes et rendait le sol uni pour recevoir la semence. Voir Herse. La manière d’ensemencer variait selon la nature de la semence. Voir Semailles. La loi interdisait de semer dans le même champ deux espèces différentes de plantes. Lev., six, 19. On trempait dans l’eau certaines semences,