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AGGÉE — AGGI

Car l’argent, c’est à moi, et l’or, c’est a moi,
Dit le Dieu des armées ;
Plus grande sera la dernière gloire de cette maison que la première,
Dit le Dieu des armées ;
Et en ce lieu je donnerai la paix,
Dit le Dieu des armées.

On s’accorde à tenir la prophétie pour messianique. On se divise quand il s’agit de l’interpréter et de l’appliquer. Nous l’entendons dans son sens le plus large. Selon nous, il faut y voir : 1° une commotion universelle du ciel et de la terre ; 2° puis un ébranlement général de toutes les nations venant successivement au temple et à l'Église dont il est la figure, avec des présents, et 3° enfin une grande manifestation de la gloire promise à ce temple par l’effusion des grâces et des dons surnaturels, dont le mot « paix messianique » est le résumé. Autrement, c’est la prédiction de l’origine, du progrès et de la consommation du royaume de Dieu au milieu des bouleversements de la nature et du monde moral, à partir du premier siècle chrétien jusqu'à la fin du monde, et au delà dans l'éternité. Que cette prédiction ait cette largeur de sens, c’est ce que prouvent le contexte, les textes parallèles et l’histoire : le contexte, car les termes employés sont très étendus, et ce n’est cas la mention du temple nouveau, — puisqu’il figure l'Église universelle et immortelle, — qui peut les restreindre ; les textes parallèles, car les trois idées exprimées ici, — idées messianiques du reste, — se trouvent déjà ailleurs, Joël, ii, 30, 31 ; Is., xxiv, 19-23 ; li, 16 ; lxv, 17 ; lxvi, 22 ; ii, 12 et suiv. ; xix, 21 ; Mich., v, 10 ; Is., lx, 5-7, 11 ; ii, 2 et suiv. ; xiv, 1 ; xlix, 17 et suiv. ; lx, 4-16 ; Mich., iv, 1 ; Is., ix, 6 (cf. Gen., xlix, 10) ; Ps. lxxi ; Is., ix, 7 ; Mich., v, 1, etc. ; l’histoire : elle témoigne, en effet, que l'Église s’est ainsi établie. Préparée dès le temps d’Aggée, car on peut considérer les quatre siècles qui suivirent comme un prélude, elle s’est fondée et développée dans les miracles et les commotions physiques et politiques, commotions qui finiront au dernier jour, quand le ciel et la terre passeront pour faire place à de nouveaux cieux et à une terre nouvelle. II Petr., iii, 10, 13. D’autre part, les peuples se sont ébranlés peu à peu et sont entrés en foule dans l'Église. Ils y entrent encore, y apportant des adorations et des présents. Elle-même enfin a été glorifiée d’abord dans le temple nouveau, où Jésus-Christ a parlé, enseigné, opéré des miracles ; puis dans le monde entier, par les biens de la grâce et les espérances célestes qu’elle y répand. Telle est l’extension que nous donnons à cette prophétie. Il serait trop long d’exposer les autres opinions sur cet objet. On les trouvera dans L. Reinke, ouvr. cit., p. 77 et suiv., et dans J. Knabenbauer, ouvr. cit., t. ii, p. 190, 199.

Voici quelques explications du texte : 1° dans Agg., il, 7°, les versions anciennes diffèrent. À nous en tenir à l’hébreu, nous pensons qu’il faut traduire : « Encore une fois, [le temps] est court, » et cette traduction se justifie par la grammaire et en partie par les Septante. — 2° Agg., ii, 8° : Et veniet desideratus cunctis gentibus, « et le désiré de toutes les nations viendra. » Ainsi traduit la Vulgate, que suit une certaine tradition. L’hébreu actuel se traduit autrement. Il porte ûbâʾû ḥémdaṭ kol haggôïm ; mot à mot ; et venient desiderium omnium gentium, « et viendront le désir de toutes les nations, » Desiderium, « le désir, » s’entend au sens collectif de ce que désirent tous les peuples ; je veux dire les richesses, les choses précieuses. Telle est l’opinion du P. Knabenbauer. Et il l’appuie sur les Septante, le chaldéen et le syriaque, sur le contexte, ii, 8, sur un endroit parallèle, Is., lx, 5, et surtout sur le mot ḥémdaṭ, sujet singulier du pluriel bâʾ-û, « ils viendront. » Nous souscrivons à cette opinion. Le seul inconvénient qu’elle offre est la suppression d’un argument messianique communément donné. Mais, outre que la prophétie ne cesse pas pour cela de se rapporter au temps du Messie, quoique non à sa per sonne, du moins directement, la vérité doit toujours prévaloir sur l’intérêt de l’apologétique. — 3° Agg., ii, 10° L’hébreu peut être rendu comme dans la Vulgate ; il peut aussi se traduire par « major erit gloria domus istius novissima quam prima ». Le temple, en ce cas, serait pris en général, comme un ensemble, et ce qui serait mis en comparaison, ce ne sont pas alors les deux temples, mais les deux gloires, celle de l’origine et celle de la fin d’un seul et même temple. On a l’avantage, dans ce dernier sens, d'écarter la discussion si vieille de l’identité matérielle existant entre le temple de Zorobabel et le temple d’Hérode. Cf. Pusey, The minor Prophets, 1875, p. 497. Voir, sur toute cette prophétie : J. Knabenbauer, ouvr. cit., t. ii, p. 183-199 ; L. Reinke, ouvr. cit., p. 68 et suiv. ; J. Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum, t. i, p. 515-524 ; F. Keil, Die zwölf kleinen Propheten, 2e édit., p. 501-514 [très substantiel].

2° La seconde prophétie messianique, Agg., ii, 21-24, concerne Zorobabel, à qui Dieu promet son appui et sa faveur. Plusieurs attribuent à cet oracle un sens littéral et un sens spirituel. Au sens littéral, il s’entendrait, selon eux, de ce prince devenu parmi les troubles de son temps l'élu de Dieu, comme l’anneau de sa main, Eccli., xlix, 14. Au sens spirituel, il se rapporterait au Messie, dont Zorobabel fut par plus d’un trait la figure. Mais d’autres ne pensent pas ainsi. Il n’y aurait, disent-ils, en cet oracle qu’une seule espèce de sens, le sens littéral, qui se rapporterait en somme aux chefs du peuple de Dieu, et notamment au Messie. Je le crois volontiers, car : 1° l’unité étroite des versets qui le composent, 2° la largeur de sens qui en caractérise les mots, et 3° l’histoire connue s’opposent à ce qu’on l’explique du seul Zorobabel, et exigent, au contraire, qu’on l’interprète de la race de David, et spécialement du Messie. Réalisé partiellement en Zorobabel et dans tous les princes de sa lignée, cet oracle a atteint son suprême accomplissement en Jésus, fils de David par Zorobabel, Matth., i, 12 ; Luc, iii, 27. Les empires sont tombés successivement pour lui ouvrir la voie ; ils tombent encore. Dans toutes ces ruines, il fonde lui-même son royaume, le royaume de David son père, qui doit durer éternellement. Dan., ii, 44 ; Heb., xii, 28. Il est ainsi sous la protection de Dieu, qui en a fait, par l’union hypostatique, comme l’anneau de sa main, et cela « parce que je l’ai choisi », dit le Dieu des armées, ki bekâ bâḥarṭi. Cf. F. Keil, Die zwölf kleinen Propheten, p. 521 et suiv. ; J. Knabenbauer, ouvr. cit., t. ii, p. 208 et suiv.

VII. Auteurs principaux ayant spécialement écrit sur Aggée. — J. Elkius, Comment. super Hagg. prophet., in-4°, Salignac, 1538 (texte hébreu, version grecque, Vulgate) ; G. Wicelius, Enarratio in Haggæum, in-8°, Mayence, 1541 ; * J. Mercier, Scholia et versio ad prophet. Haggæum, Paris, 1551 ; J. J. Grynæus, Commentatio in Haggæum, in-8o, Genève, 1581 ; "Tarnov, In Haggæum comment., Rostock, 1624 ; *H. Varenius, Exercitationes dux in Haggæum, Rostock, 1648, et Trifolium propheticum, seu Très prophetæ explicati, ibid., 1662 ; * H. Reinbeck, Exercitationes in prophet. Hagg., in-4o, Brunswick, 1692 ; * D. Pfeffinger, Notæ in prophet. Haggæum, in-4o, Strasbourg, 1703 ; *F. Woken, Adnotationes exegeticæ in prophetiam Haggæi. Adduntur vindiciæ historicæ, Leipzig, 1719 ; *N. Heplen, Vaticinia Haggæi vertit, illustravit, Lund, 1799 ; *J. G. Scheibel, Observationes criticæ et exegeticæ ad vaticinia Hagg., cum prolegomenis, in-4°, Breslau, 1822 ; *A. Kohler, Die Weissagung Haggai’s, Erlangen, 1860 ; L. Reinke, Der prophet Haggai, in-8°, Munster, 1868 ; *W. Pressel, Commentar zu die Schriften des prophet. Haggai, Sacharya und Maleachi, Gotha, 1870 ; * T. T. Perowne, Haggai and Zechariah, in- 12, Cambridge, 1888.

E. Philippe.

AGGI (hébreu : Haggi, « joyeux, en fête ; » Septante : Ἀγγίς), second fils de Gad et petit-fils de Jacob, Num.,