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AGGÉE

elle-même habitée de nouveau ; et, celle-ci repeuplée, c'était Israël vivant de sa vie propre, vie sociale indépendante, et par conséquent pouvant au temps marqué donner naissance au Christ, selon les promesses faites à Abraham et à David. Or Aggée remplit cette mission pour sa part en secouant les Juifs de leur torpeur, en les animant au travail, malgré le réveil d’anciennes hostilités, I Esdr., v, 1-17, et en faisant des prophéties qui annonçaient au nouveau temple une gloire prochaine, la venue du Messie comprise dans la conversion des Gentils, et assuraient au trône humilié de David une perpétuité que son état présent ne permettait pas de prévoir. Tel est le sens de la vocation et de la mission d’Aggée. Voir J. Knabenbauer, In Prophetas minores, t. ii, p. 170-173. Cf. F. Keil, Die zwölf kleinen Propheten, Leipzig, 1873, p. 492, 493 ; P. Schegg, Geschichte der letzten Propheten, Ratisbonne, 1854, t. ii, p. 153-160.

III. Analyse de la prophétie d'Aggée. — Nous avons de lui, dans le petit livre qu’il a laissé, quatre prophéties datées, dont voici le sujet : — 1° Il engage Zorobabel, Josué le grand prêtre et le peuple à reprendre les travaux du temple. Qu’ils ne disent pas que le temps n’est pas venu ; il est venu, au contraire. Si la moisson a été médiocre, si la famine s’est fait sentir, si la sécheresse a frappé le pays, c’est qu’ils ont négligé la reconstruction de la maison de Dieu. Qu’ils s’y mettent enfin, et Dieu sera avec eux. Aggée est écouté par la jeune colonie, qui reprend l'œuvre abandonnée. La prophétie est datée du premier jour du sixième mois de la seconde année de Darius ; on peut y voir un exorde, i, 3 ; un corps de sujet, i, 4-11, et une note historique sur l’effet produit, i, 12- ii, 1°. — 2° Il console Zorobabel, Josué et le peuple, et affermit leur âme ; ils s’attristent de voir la médiocrité du nouveau temple : par rapport à l’ancien, « il est comme s’il n'était pas, » Qu’ils se consolent. Le Dieu des armées n’en sera pas moins fidèle à l’alliance, et il fera luire sous peu les temps messianiques où ce temple recevra par les adorations des Gentils une gloire supérieure à sa gloire passée. La prophétie, qui comprend un exorde, ii, 1b-3, et la prédiction même, ii, 4-10, eut lieu le vingt-et-unième jour du septième mois, en pleine fête des Tabernacles. — 3° Il montre, par deux décisions tirées de la loi rituelle, comment Dieu a dû, malgré les sacrifices qu’ils lui offrent, punir et châtier les Juils. Ils ont négligé les travaux du temple, c’est pourquoi il y a eu parmi eux disette de blé, de vin et d’huile ; ils les ont repris : désormais Dieu les bénira. Prophétie, ii, 11-20, prononcée le vingt-quatrième jour du neuvième mois. — 4° Enfin autre prophétie faite le même jour. Aggée s’adresse à Zorobabel, l'élu de Dieu. Il lui prédit que le Dieu des armées le protégera et le mettra comme un anneau à son doigt, le jour où il bouleversera le ciel et la terre et renversera les empires avec ce qui fait leur force et leur gloire, 21-24.

IV. Authenticité de la prophétie. — Il n’est pas douteux qu’Aggée lui-même ne soit l’auteur inspiré des quatre prophéties dont il s’agit. Qu’il les ait écrites et rédigées, c’est ce que prouvent et la tradition tant juive que chrétienne, sans exception, et le livre même : par son contenu, en effet, il ne répugne aucunement à cette attribution ; au contraire, il semble l’exiger ; car le style, les pensées qu’on y remarque conviennent au temps et à la condition du prophète. Qu’il les ait écrites par inspiration, saint Paul, sans parler des deux auteurs de l’Ecclésiastique, xlix, 13, cf. Agg., ii, 24, et d’Esdras, I Esdr., v, 1 ; vi, 14, le dit suffisamment ; il cite, Heb., xii, 27, comme manifestement inspiré un verset célèbre de notre petit écrit, Agg., ii, 7 : « Encore une fois. » Toute la tradition, du reste, est constante à cet égard. — Le texte primitif n’a pas été altéré. S’il est divergent dans les manuscrits, ces divergences sont rares, dix ou douze en tout, et encore sont-elles de celles qui viennent de copistes. J. Knabenbauer, ouvr. cit., p. 177, 181, 182, 185, 190 ; de Rossi, Variæ lectiones, Vet. Test., t iii, p. 210 ; Supplementa, p. 92. Quant aux versions, elles ne diffèrent pas essentiellement du texte, et en établissent-ainsi l’intégrité dogmatique. La Vulgate est très fidèle : très peu d’additions et d’omissions ; une traduction précisant parfois un sens plus large dans l’original ; exemple : bâ’û ḥémdaṭ, « venient desiderium », ii, 7 (Vulgate : « veniet desideratus, » ii, 8). Moins littérale est la version grecque : on y voit plus d’additions, ii, 10-15, plus d’omissions dont une, II, 6 (5), très considérable ; plus de traductions inexactes ou forcées, plusieurs mauvaises leçons, comme 1, 13, bemale’âkê, ἐν ἀγγέλοις, au lieu de bemale'âkûṭ, « in legatione, » etc. Assez fidèle est la version syriaque ; notons seulement deux mois que ses auteurs ont lu autrement que ne porte l’hébreu actuel : ḥêréb, « glaive, » au lieu de ḥôrêb, « sécheresse, » i, 11, et héby’û ou iâby’û, « pour qu’ils apportent, » au lieu de ûbâ’û, « et ils viendront, » ii, (7). Le Targum, qui est, comme on sait, de Jonathan-ben-Uziel, rend moins le texte qu’il ne le paraphrase, selon son habitude. En somme, l’examen des versions fait voir que leurs auteurs avaient sous les yeux un texte hébreu identique à celui que nous avons. Voir à ce sujet L. Reinke, Der Prophet Haggai, p. 23 et suiv. L’hébreu pur, sans chaldaïsmes, — quelques-uns en signalent cependant quelques traces, — est la langue de ce petit livre. Le style en est simple et grave. Il ne dépasse pas cependant le niveau d’une bonne prose : on dirait celui d’un homme qui fait effort pour parler une langue qu’il sait, mais qui tend à tomber. Quelques interrogations, i, 4, 9 ; ii, 4(3), 13(12), 14(13), 20 (19), brisent la monotonie des phrases. Avec les pensées, le style s'élève et devient rythmique, i, 6, 9-11 ; ii, 5-7 (6-8) ; 22, 23 (21, 22). Une de ses particularités est de condenser en un mot final toute l’idée qui précède, i, 2°, 12 b ; ii, &, « ne craignez pas, » (5°), 'al ṭîrâ'û ; 2Ob, « à partir de ce jour, je bénirai, » ( 19 b), min hayyôm hazzéh ’abârêk. Expressions favorites d’Aggée : i, 5, 7, 11, 16, 19, « appliquez vos cœurs ; » ii, 5, 8, 9, 10, 12, 24, « dit le Dieu des armées ; » i, 12, 14 ; ii, 3, 5, « Zorobabel, Jésus, et le reste du peuple. » Répétition des mots : « esprit, » i, 14 ; « prends courage, » ii, 5, dans le même verset. — Ajoutons que le livre n’est pas exactement divisé : le premier oracle doit finir ii, 1, certainement, ou du moins ii, 1*, après les mots « le sixième mois ». Le reste fait partie du second oracle : le texte hébreu et la critique l’exigent ainsi. Cf. J. Knabenbauer, ouvr. cit., p. 183.

V. Psaumes attribués à Aggée. — On attribue en outre à Aggée, comme à Zacharie du reste, les psaumes cxi et cxlv, qui portent ces noms dans le titre. Mais c’est à tort ; car ni l’hébreu, ni les autres versions, ni la tradition, ne justifient cette attribution. La présence de ces noms a plutôt ici un sens liturgique ; elle indiquerait, selon plusieurs, que c’est par ces prophètes que les psaumes dont il s’agit ont été appliqués au service religieux après l’exil. Suivant le pseudo-Épiphane, De Vitis prophetarum, t. xi.ni, col. 411, c’est Aggée qui aurait le premier chanté Alléluia dans le second temple. D’où l’inscription : « Alléluia. Du retour d’Aggée et de Zacharie. » Cette explication convient également pour les Septante, où les psaumes cxxxvii, CXLV-CXLVIH ont ces mêmes noms, et pour la Peschito, qui les porte dans les psaumes cxxv, cxxvï, clxv-cxlviii. On a dit aussi qu’Aggée avait écrit une partie du livre actuel d’Esdras, I Esdr., iii, 2-vi, 22 ; ce n’est pas probable, parce que cette partie n’est pas de son style.

VI. Prophéties messianiques d’Aggée. — Il y a deux prophéties messianiques dans le livre d’Aggée : — 1° Dans la première, Agg., ii, 1M0, le prophète prédit au nouveau temple une gloire supérieure à celle de l’ancien. En voici la traduction d’après l’hébreu, ii, 7-8 :

Ainsi parle le Dieu des armées,
Encore une fois, et c’est dans peu, et j'ébranlerai le ciel, la
terre, la mer et les continents ;
J'ébranlerai tous les peuples,
Et elles viendront, les richesses de tous les peuples,
Et je remplirai de gloire cette maison,
Dit le Dieu des armées ;