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AGAPES — AGAR


donne saint Paul. I Cor., xi, 20-29. Le repas qui faisait partie de « la Cène du Seigneur », Kupioxôv fietitvov, était devenu, dans l'Église de Corinthe, l’occasion d’abus graves, une cause de divisions, au lieu d'être un principe d’union et de charité. L’Apôtre réprouve les abus, mais ne sup. prime pas le repas, y. 33, tout en faisant bien ressortir que le rite religieux où se donnent le corps et le sang de Notre -Seigneur est l’objet principal de la réunion. Grâce à ces instructions si précises, qui furent écrites par saint Paul à l’occasion des désordres de Corinthe, nous pouvons comprendre les allusions et les indications rapides qui nous montrent le même usage dès l’origine dans l’Eglise de Jérusalem, Act., ii, 46, ou en d’autres Églises, à Philippes, par exemple, lors du passage de saint Paul, Act., xx, 7, 11, où la réunion a lieu le dimanche.

De plus, nous voyons qu’aux temps apostoliques le nom d’agapes était déjà donné à ces repas ; qu’il était devenu familier aux communautés chrétiennes, au point que saint Jude dans son Épitre, t- 12, signalait aux fidèles certains hérétiques comme « des récifs dans vos agapes » ', ol Iv Taï ; àycmït ; ifiùv aittXriSeç. (Dans laVulgate : hi sunt in epulis suis maculée ; au lieu de ûiuôv, elle suit la leçon aÙTûv de certains manuscrits, leçon moins bien garantie, et elle ne rend pas exactement le sens du mot rare <jitiXâSe< :  : l’allusion est perdue.) On trouve une allusion du même genre dans II Petr., ii, 13, si l’on s’en tient au texte d’anciens manuscrits (B, etc.), qu’a suivi ici le traducteur latin. Saint Pierre parle aussi d’hérétiques dangereux, qui se mêlent aux assemblées chrétiennes : bi Talc àyàntau ; a’jtûv auveutoxo’jgievoi ùgiîv, « dans leurs agapes, prenant repas avec vous. » ( La Vulgate traduit : in conviviis suis luxuriantes [?] vobiscum ; mais elle a bien lu Iv tbîç àyduiaic, et non Iv Taïç àitâtai !  ; que porte le texte grec reçu.)

Au sortir de l'âge apostolique, au début du u" siècle, dans les Églises d’Asie, la célébration de l’Eucharistie reste encore si bien liée avec l’agape, que celle-ci sert à la désigner ; on le voit dans la lettre de saint Ignace, Ad Smyrn., 8, t. v, col. 713 : « Il n’est permis, sans l'évêque, dit-il, ni de baptiser, ni de faire l’agape. » Il n’est pas douteux qu’il parle de l’Eucharistie, surtout quand, au n° 7, il dit en parlant de ceux qui s’en abstiennent : « Il leur importait de faire l’agape, pour qu’ils eussent part à la résurrection. »

Vers la même époque, la fameuse lettre de Pline, Epist., 1. x, n. 97, édit. Didot, 1881, p. 713-714, nous montre aussi que les fidèles de Bithynie célébraient ces repas communs ; de plus, elle nous permet, je crois, de saisir une des causes qui amenèrent à séparer l’Eucharistie du repas. Le légat impérial rapporte que les chrétiens se réunissaient auparavant, à jour fixe, une première fois de très bonne heure, itato die ante lucem, dans un but uniquement religieux, pour dire un chant au Christ, comme s’il eût été Dieu, carmenque Christo, quasi Deo, dicere secum invicem ; puis de nouveau, le soir sans doute, pour faire un repas ; mais il constate que, pour obéir à son édit, les chrétiens ont renoncé à ce repas. Quod ipsum facere desisse post edictum meum quo secundutn mandata tua hetserias esse vetueram. Soit que la réunion du matin, ne tombant pas sous les interdictions relatives aux hétairies, restât permise, ou soit qu’elle pût plus facilement échapper à la surveillance, on y transporta le rite essentiellement religieux, l’Eucharistie, dont le repas n'était que l’accompagnement accessoire. Au milieu du il* siècle, la première apologie de saint Justin, n° » 65-67, t. vi, col. 428 « t suiv., suppose que la séparation est achevée ; elle décrit le service religieux du dimanche, dans lequel l’Eucharistie occupe la place principale., et il n’est plus question du repas.

Au delà de cette époque, l’histoire des agapes ne fournit rien qui puisse éclairer les choses de la Bible. U nous suffit d’avoir constaté que les agapes ne furent pas, chez les premiers chrétiens, une simple imitation des repas communs, très fréquents chez les païens ; mais qu’on se proposa surtout au début de représenter aussi complè tement que possible la Cène du Seigneur où le repas avait précédé le rite religieux nouveau, l’Eucharistie ( Ê(t816vt< « >v àuTûv, Matth., XXVI, 26 ; Marc, xiv, 22 ; ietol to 8e17rvrj<iai, Luc, xxil, 20 ; I Cor., xi, 25). Le rite accessoire, même séparé de l’Eucharistie, demeura pour les chrétiens un moyen de pratiquer la charité mutuelle, tant qu’on fut fidèle à l’idée première de l’institution. Nec sacrificia eorum (paganorum) vertimus in agapes…, agapes nostrse pauperes pascunt sive frugibus, sive carnibus, disait saint Augustin contre ceux qui déjà cherchaient à rattacher l’usage chrétien aux cérémonies païennes. Contra Faust., xx, 20, cꝟ. 4, t. XLn, col. 370-383. Mais il est bon de remarquer que ces repas communs étaient fréquents chez les païens : aux funérailles, accompagnées de festins religieux où l’on mangeait les mets sacrificiels dans le lieu consacré à l’idole, Iv ècStiàeuo, I Cor., viii, 10 ; dans les réunions de certaines confréries ou hétairies, dont quelques-unes n’avaient d’autre but que de s’assembler à certains jours pour manger en commun. Ils étaient aussi connus chez les Juifs, puisqu’il y avait des repas funèbres dans les temps anciens, d’après Jérémie, xvi, 5, 7 ; cf. Osée, ix, 14, et plus tard Josèphe, Bell, jud., II, i, 1 ; Antiq. jud., XVIII, viii, 4 ; et que les restes des victimes ou des offrandes étaient consommés en commun dans le temple, cf. Deut., xiv, 23, 26, surtout à certaines fêtes. Ces coutumes juives et païennes expliquent comment fut accepté facilement et comment se répandit un usage qui était dans les mœurs de l'époque, et qui nous paraîtrait aujourd’hui très extraordinaire. Voir Bingham, Works, t. v, p. 289 ; Augusti, Handbuch der christlichen Archàologie, t. i, Abth. i, 2, Leipzig, 1836-1837 ; Drescher, De veterum Christianorum agapis, in-8°, Giessen, 1824.

J. Thomas.

AGAR (hébreu : Hâgâr) était une esclave égyptienne au service de Saraï. Peut-être avait-elle été donnée à Abram par le pharaon qui avait enlevé son épouse. Gen., xii, 16. Le choix dont elle fut l’objet permet de supposer qu’elle avait de grandes qualités, et qu’elle partageait la foi de ses maîtres, S. Chrysostome, Hom. xxxviii in Genesim, 1, t. mi, col. 351. Saraï, désespérant de devenir mère et dans le dessein d’avoir une postérité, offrit à son mari son esclave comme femme. Elle la substituait à ellemême auprès de lui. Ayant conçu, l’esclave dédaigna l'épouse stérile. Celle-ci rendit Abram responsable de la conduite superbe et outrageante d’Agar. Pour échapper à ses reproches, Abram réduisit l’esclave à sa condition première. La domination de la maîtresse se fit durement sentir, et Agar, ne se résignant pas à son nouveau sort, prit la fuite. Assise auprès d’une source du désert d’Arabie, elle fut visitée par un ange. Il lui ordonna de retourner chez sa maltresse et de s’humilier sous sa main. Le fils qu’elle portait dans son sein sera, ajouta-t-il, belliqueux, et sa nombreuse postérité s'établira à l’orient des autres descendants d' Abram. Agar appela le lieu de la vision « le puits du Vivant qui me voit ». De retour chez Abram, elle donna naissance à un fils qui fut nommé lsmaël. Gen., xvi.

Après la naissance d’Isaac, Agar dut quitter une seconde fois la maison de son époux. Sara, ayant vu lsmaël se railler d’Isaac, obligea le patriarche à chasser l’esclave et son fils. Dieu ayant donné son consentement à cette mesure rigoureuse, tout en renouvelant la promesse d’une nombreuse postérité pour l’expulsé, Abraham plaça du pain et de l’eau sur l'épaule d’Agar, lui remit lsmaël et la renvoya. Voir Abraham 1. Elle erra dans le désert de Bersabée. La provision d’eau épuisée, l’infortunée mère laissa son fils sous un arbrisseau, et s'éloigna pour ne pas assister à son agonie. Die s’assit à la distance d’une portée de trait, lui tournant le dos, et éclata en sanglots. La vaix d’Ismaël, qui pleurait et priait, fat entendue du ciel. Un ange, appelant Agar, la consola et lui ordonna de ne pas abandonner son fils, souche d’une nombreuse descendance. Alors Dieu ouvrit ses yeux aveuglés par la douleur : un puits était là ; elle y emplit son outre et fit boire l’en-