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AFFIXES — AFRIQUE


maire hébraïque les préfixes et les suffixes. Voir ces deux mots.

AFFRANCHI. AtfepTÎvo ; , àirtÀe158£po « ; Vulgate : libertus, libertinus, Act., vi, 9 ; I Cor., vil, 22. Il est parlé deux fois des affranchis dans le Nouveau Testament. Dans les Actes, il est question d’une synagogue des affranchis, qui est désignée dans le texte par le mot latin grécisé X16epTtvoi. Dans la seconde Épitre aux Corinthiens, empruntant une comparaison au droit romain, saint Paul dit que les esclaves sont devenus des « affranchis du Seigneur ». Dans ce second passage, le mot grec employé est àcnsÀtûÔÉpoç, et le mot latin libertus. Ces deux termes, libertinus et libertus, désignent le même individu considéré à deux points de vue différents. C’est à tort, en effet, que certains auteurs ont supposé que le mot libertus s’appliquait à l’affranchi lui-même, et le mot libertinus au fils de l’affranchi. Il n’en est rien. Libertinus est l’affranchi par opposition à ïingenuus, homme de naissance libre ; le libertus est l’affranchi dans ses rapports avec son patron. On dit Marcus homo libertinus, et Marcus Marci libertus. Parmi les Juifs qui avaient été esclaves après les guerres de Pompée, et qui avaient ensuite été rendus à la liberté, un certain nombre avait probablement fondé une synagogue particulière à Jérusalem. Quelquesuns d’entre eux devaient être fort riches, ce qui n’a pas lieu de nous étonner, car les affranchis opulents n'étaient pas rares. Ces affranchis sont mentionnés par Philon, Legatio ad Caium, xxiii, et par Tacite, Ann., ii, 85. La plupart d’entre eux, après leur affranchissement, s'étaient d’abord fixés à Rome ; puis ils avaient été chassés d’Italie, et quelques-uns relégués en Sardaigne, par un sénatusconsulte, sous le règne de Tibère. Josèphe, Ant. jud., XVIII, iii, 5 ; Suétone, Tibère, xxxvi ; Tacite, Ann., ii, 85. Cf. Philon, Légat, ad Caium, xxiv. Quant à la pensée que quelques commentateurs ont eue de faire du mot libertinus le nom des habitants de la ville d’Afrique Libertum, elle ne repose sur aucun fondement. — Dans le passage de l'Épltre aux Corinthiens où saint Paul appelle les esclaves « affranchis de Dieu », il veut rappeler que JésusChrist a affranchi tous les hommes ; qu’il n’y a plus dans l’Eglise ni esclaves ni hommes libres, mais des frères tous égaux. Cf. Gal., iii, 28 ; v, 13. Il veut rappeler aussi que les chrétiens ont à l'égard de JésusChrist à remplir les devoirs des affranchis envers leur patron, devoirs que la loi romaine exprimait par ces deux mots : obsequium et officium. Les affranchis portaient le nom gentilice, c’està-dire le nom de famille de leur patron. C’est ainsi que l’on trouve plusieurs fois dans le Nouveau Testament des Cornelii. Act., x, 1, 3, 17, 22, etc. C'étaient des affranchis ou des fils d’affranchis qui avaient été esclaves de membres de cette gens illustre.

Bibliographie. — H. Lemonnier, Élude historique sur la condition privée des affranchis aux trois premiers siècles de l’empire romain, in-8°, Paris, 1887 ; Walter, Rômische Geschichte, 1. 1, § 105-106 ; M. Voigt, Ueber die Clientel und Libertinitàl, dans les Berichle der kônigl. sàchs. Gesellschafl der Wissenschaflen, Histor.- Philol. Classe, 1878, p. 147-220 ; Mispoulet, Les institutions politiques des Romains, Paris, 1883, t. ii, p. 161 et suiv. ; Th. Mommsen, Dos rômische Gastrecht und die rômische Clientel, dans Sybel, Historische Zeischrift, 1. 1, p. 319-390 ; Id., Libertini servi, dans Eph. Epigr., iv, p. 246 ; Leist, Das rômische Patronatrecht, Erlangen, 1879 ; BouchéLeclercq, Manuel des institutions romaines, in-8°, Paris, 1886, p. 352. E. Beublier.

AFRICAIN JULES. Voir Jules l’Africain.

    1. AFRICUS##

AFRICUS, nom du vent du sud dans la Vulgate. Ps. lxxvii, 26. Par suite, ce mot désigne aussi le midi comme point cardinal. Jos., xviii, 14 ; Is., xxi, 1 ; Ezech., XX, 46 ; Act., xxvii, 12. Dans ce dernier passage, Africus

signifie exactement sud-ouest. Le vent du midi s’appelle en latin Africus, parce qu’en Italie il vient d’Afrique. Voir Vent.

    1. AFRIQUE##

AFRIQUE, une des parties du monde, dont la Vulgate emploie deux fois le nom : Isaïe, lxvi, 19, et Nahum, iii, 9. Dans le premier passage, le texte massorétique porte Fûl ou Pûl ; dans le second, Fût ou Pût. Quels pays indiquent ces deux mots ? La traduction de saint Jérôme est-elle exacte ? C’est ce qu’il faut rechercher, après une question préliminaire de critique textuelle.

Le nom de Pûl ne se trouve qu’en ce seul endroit de l'Écriture, Is., lxvi, 19 ; aussi un grand nombre d’auteurs, croyant à une faute de copiste, lisent Pût, comme dans Nahum, iii, 9. Le texte massorétique a pour lui l’unanimité des manuscrits (Kennicott et de Rossi ne relèvent aucune variante) et l’accord des plus anciennes versions, paraphrase chaldaïque (Pûlâè), versions syriaque et arabe (Pûl), à l’exception toutefois des Septante. Ces derniers, en effet, portent généralement 4>oûS, ce qui suppose la lecture primitive Phout. 1] est cependant juste de remarquer avec Gesenius, Thésaurus linguss liebrseæ p. 1094, que le grec <t>OYA a pu très facilement, par erreur de copiste, se changer en $OTA. Mais les raisons suivantes, tirées du contexte et des endroits parallèles, n’en favorisent pas moins la leçon des traducteurs grecs. C’est d’abord l’association de Pût et de Lùd, qu’on trouve en trois autres passages des Livres Saints, Jer., x.lvi, 9 ; Ezech., xxvii, 10 ; xxx, 5 ; d’où l’on conclut qu’il faut également lire ici Pût ve-Lûd. Ensuite la place qu’occupe le mot en question dans le texte d’Isaïe, auprès de ceux de Loud, Thubal et Javan, nous reporte naturellement à la table ethnographique de la Genèse, x, 6, reproduite 1 Par., i, 8, où Pût est mentionné parmi les descendants de Cham. Il s’agit donc, dans la nomenclature du prophète, de peuples importants et bien connus, quoique éloignés des Hébreux. Or jusqu'à présent aucune nation se rapportant certainement à Pûl n’a pu être indiquée, tandis que les descendants de Pût sont assez bien connus. Enfin leur désignation comme auxiliaires de l’Egypte, et archers semblables aux Lydiens, paraît, suivant Riehm, donner raison au texte des Septante. Cf. Riehm, liandwôrterbuch des Bibl. Altertums, 1884, t. ii, p. 1208.

Parmi ceux qui admettent la leçon Pûl, Bochart, Phaleg, t. iv, p. 26, et J. D. Michælis, Spicileg., t. i, p. 256 ; t. ii, p. 114, identifient ce nom avec celui de l’Ile de Phila ; , en Egypte (copte : Pelak, Pilak) : opinion difficile à soutenir au point de vue philologique, la racine étant lak : copte lak', fasligium, extremitas, cf. Am. Peyron, Lexicon ling. copt., Turin, 1835, p. 80 ; hiéroglyphes : Aa-lek, P-ââ-rk, (Pi)lak, Pierret, Vocabulaire hiéroglyphique, Paris, 1876, p. 9, 147, 318, d’après Brugsch. Knobel, Vôlkertafel, p. 94, voit ici VApulie ou l’Italie inférieure, que les Juifs du moyen âge appelaient Pûl ; mais du moyen âge à l'époque d’Isaïe, il y a trop loin pour que la conclusion soit valable. Enfin quelques-uns vont jusqu'à chercher ce peuple dans les Foulah, Poul ou Peuls, qui habitent aujourd’hui en grande partie l’immense bassin du Niger et le bassin du Sénégal, c’est-à-dire toute la moitié occidentale du Soudan. G. F. Re, Dizionario di erudizione biblica, au mot Africa ; Archivio di Letteratura bïb.ed orient., Turin, 1883, p. 255. Cette opinion repose uniquement sur la ressemblance de nom. D’ailleurs, si l’on accepte le sentiment très vraisemblable de H. Barth, qui assigne aux Foulah pour patrie originelle les oasis du sud du Maroc, on retrouve dans cette nation les Leucæthiopiens de Pline, habitant au sud des Gétules de la Mauritanie, entre les Liby- Égyptiens au nord et la Nigritie au sud. Cf. H. Barth, Sammlung und Bearbeitung centralafrikanischer Vokabularien, Gotha, 1862-1864, p. cxi-clxviu et 1-296. Nous avons ainsi une branche de cette race chamitique, qui a peuplé tout le nord de l’Afrique, ce qui nous ramène à l’opinion suivante.