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AFFINITÉ — AFFIXES

prescriptions qui seraient d’ailleurs de droit naturel ; et encore, dans ce cas, l’obligation vient du droit naturel, et non de la loi mosaïque ; l'Église, du reste, a pu renouveler de sa propre autorité quelques-unes des prescriptions de la loi mosaïque, qui dans ce cas obligent tous les chrétiens, mais seulement en vertu de l’autorité de l’Église. Dès lors nous pouvons tirer les conclusions suivantes : 1° les empêchements d’affinité que nous avons exposés n’obligent pas l'Église par eux-mêmes ; 2° les empêchements d’affinité en ligne directe, étant très probablement de droit naturel comme prohibants, sinon comme dirimants, obligent l'Église ; 3° l'Église est seule juge de savoir si et jusqu'à quel point ces empêchements sont de droit naturel ; 4° en dehors des empêchements de droit naturel, nous ne devons admettre que ceux qui ont été expressément établis par l'Église.

Dans le Nouveau Testament, nous trouvons deux faits qui se rapportent à l’affinité. 1° Mariage d’Hérode Antipas avec la femme de son frère. Matth., xiv, 3-4 ; Marc, vi, 17-18 ; Luc, iii, 19. Ce mariage était illicite à deux points de vue : 1. C'était un mariage adultérin : Hérodiade avait pour mari Hérode Philippe, frère d' Antipas ; lorsque Antipas épousa cette femme, Philippe vivait encore ; quelques auteurs ont nié ce fait, comme Tertullien, Adv. Marcionem, iv, 34, t. ii, col. 443 ; saint Jean Chrysostome, Hom. xlviii in Matth., t. lviii, col. 490 ; Théophylacte (avec quelque hésitation), In Matth. xiv, t. cxxiii, col. 295 ; mais on ne peut guère le révoquer en doute à cause du témoignage exprès de Josèphe, qui dit qu’Hérodiade se sépara de son mari « encore vivant », Ant. jud., XVIII, v, 4, témoignage cité, reproduit et accepté par Eusèbe, H. È., i, xi, t. XX, col. 114 ; par Origène, qui signale et rejette l’opinion contraire, Tom. x in Matth., 21, t. xiii, col. 891 ; par saint Jérôme, In Matth., xiv, 3-4, t. xxvi, col. 97 ; par saint Basile de Séleucie, Orat. xviii, t. lxxxv, col. 227 ; par Euthymius Zigabène, In Matth. xiv, t. cxxix, col. 426, etc. Aussi la plupart des commentateurs, soit catholiques, soit protestants, regardent comme adultérin le mariage d’Antipas avec Hérodiade. — 2. De plus, ce mariage était incestueux et violait les lois de l’affinité. Hérodiade était la femme de Philippe, frère d’Antipas. Or, nous l’avons vii, d’après la loi mosaïque, un homme ne pouvait épouser la femme de son frère que dans le cas du lévirat, c’est-à-dire quand ce frère était mort, et sans enfants. Philippe n'était pas mort, et, de plus, il avait eu d' Hérodiade une fille appelée Salomé, Josèphe, Ant. jud., XVIII, v, 4, celle-là même qui dansa devant Hérode. Matth., xiv, 6. Aussi les auteurs qui pensent que Philippe était mort lorsque Hérodiade épousa Antipas, disent que ce mariage était néanmoins coupable, comme contraire à la loi de Moïse, puisque Philippe n'était pas mort sans enfants ; dans toutes les hypothèses, ce mariage était donc incestueux. On ne peut pas objecter, pour justifier Antipas, que, n'étant pas Juif, il n'était pas soumis à la loi de Moïse ; car, quoi qu’il en soit de la question de savoir si les Hérode étaient prosélytes, au moins de la porte, question très débattue (cf. Selden, De jure naturæ, V, xxi-xxii, p. 679-691), toutefois Antipas était soumis aux lois de Moïse, au moins sur les empêchements de mariage provenant de la parenté, puisque, comme nous l’avons dit, d’après Lev., xviii, 26, Dieu voulut que non seulement les Juifs, mais encore les étrangers qui vivaient parmi eux, fussent soumis à ces lois. — 3. Quelques auteurs ajoutent un troisième grief contre ce mariage : Hérodiade, disent-ils, était la nièce d’Antipas ; car elle était fille d’Aristobule, et celui-ci et Antipas étaient frères, comme étant tous deux fils d’Hérode le Grand. Or il était défendu aux Juifs d'épouser leur nièce. Nous ne pensons pas que le mariage d’Antipas avec Hérodiade fût illicite à ce point de vue ; en effet, s’il était défendu aux Juifs d'épouser leur nièce, c'était en vertu, non pas précisément de la loi mosaïque, mais des traditions rabbiniques (voir Consanguinité), lesquelles peut-être n'étaient as encore établies à cette époque comme elles le furent plus tard, et dans tous les cas n’atteignaient probablement pas les étrangers. C’est donc surtout comme adultérin et comme violant les lois mosaïques sur l’affinité, que le mariage d’Antipas fut accusé et condamné par saint Jean-Baptiste avec cette constance et cette fermeté qui lui valurent la palme du martyre.

Inceste à Corinthe. I Cor., v, 1. « C’est un bruit constant, dit saint Paul aux Corinthiens, qu’il s’est commis un crime parmi vous, et un tel crime, qu’on n’entend pas dire qu’il s’en commette de semblable parmi les païens, jusque-là qu’un de vous ait la femme de son père. » D’après le sens naturel des mots, il s’agit ici non pas d’un crime transitoire, quoi qu’en disent quelques commentateurs, par exemple Krause, In I Cor., v, 1 ; mais d’un mariage, que le coupable a prétendu faire ; c’est ce que signifient les mots ἔχεῖν γυναῖκα « avoir, posséder une femme » d’une manière permanente. Dans la Sainte Écriture, cette expression « avoir une femme » s’entend du mari, et par conséquent d’un mariage, au moins prétendu ou putatif ; rappelons-nous les mots de Jean-Baptiste à Hérode : « Il ne vous est pas permis d’avoir, ἔχεῖν, la femme de votre frère, » qui s’entendent du mariage, comme on le voit par Marc, vi, 17-18. La même expression « avoir une femme », et l’expression corrélative « avoir un homme », ont le même sens, c’est-à-dire s’entendent du mariage. Matth., xxii, 28 ; Marc, xii, 23 ; Luc, xx, 28, 33 ; Joa., iv, 17-18 ; I Cor., vii, 12-13 ; Gal., iv, 27, etc. Telle est l’interprétation commune, surtout parmi les auteurs modernes, auxquels est venu se joindre Cornely, Comm. in I Cor., Paris, 1890, p. 119-120. Le mariage que le chrétien de Corinthe avait attenté était avec la femme de son père, c’est-à-dire avec sa belle-mère. Les Hébreux n’avaient pas de mot particulier pour désigner la belle-mère dans ce sens précis ; ils disaient « femme du père » ; c’est l’expression que nous trouvons Lev., xviii, 8, 11 ; xx, 11 ; Deut., xxii, 30 (xxiii, 1) ; xxvii, 20, etc. Saint Paul l’emploie également pour mieux rappeler la loi du Lévitique. Or saint Paul déclare, ou plutôt suppose, que ce mariage est gravement illicite ; il éclate en indignation contre le coupable, et même contre les Corinthiens, qui le toléraient dans leurs assemblées ; puis il livre le criminel à Satan, c’est-à-dire qu’il l’excommunie, afin de le ramener, par la rigueur de cette peine, à une salutaire pénitence. I Cor., v, 1-5. De ce fait, nous pouvons conclure que saint Paul déclare défendu aux chrétiens le mariage avec la belle-mère. S’il était certain que le père du coupable fût mort, quand son fils a contracté ce mariage incestueux, ainsi que le soutiennent plusieurs auteurs, par exemple, Michælis, Einleitung in das N. T., Briefe an die Corinther, II, notre conclusion n’aurait pas besoin de preuve. Mais, d’après II Cor., vil, 12, l’opinion de la survivance du père est plus probable, et par conséquent le mariage du fils fut aussi un adultère : ce qui suffisait pour attirer toutes les sévérités de saint Paul. Toutefois, même dans ce cas, nous pouvons maintenir notre conclusion : en effet, l’Apôtre présente le mariage en question surtout comme incestueux ; il ajoute qu’un tel mariage est inouï même chez les païens, ce qui malheureusement n'était pas vrai des mariages adultérins ; c’est donc surtout comme incestueux que saint Paul présente, condamne et punit ce mariage ; il le regardait donc, même sous ce rapport, comme défendu aux chrétiens.

En dehors de ce cas, nous ne trouvons pas d’autre empêchement de mariage, provenant de l’affinité, porté dans le Nouveau Testament pour les chrétiens ; mais l'Église légiféra bientôt sur cette matière, et établit non seulement les empêchements du Lévitique, mais plusieurs autres : Conciles d’Elvire, c. 61 ; d’Ancyre, c 25 ; de Néocésarée, c. 2 ; Decr. Grat., c. xxxv, q. ii et iii ; Decr. Greg., De consang. et affin.

S. Many.

AFFIXES, nom par lequel on désigne dans la gram-