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AFFINITÉ

le mariage entre consanguins jusqu'à un certain degré, voir Consanguinité, ainsi l’affinité empêche le mariage entre alliés. C’est cet effet que nous allons examiner.

I. Affinité dans la loi de Moïse. — 1° Degrés d’affinité qui empêchent le mariage. Les empêchements de mariage causés par l’affinité sont exprimés dans deux passages du Lévitique, xviii, 8, 14-16, 18 ; xx, 11-12, 14, 19-21. Quelques auteurs, Rosenmüller, In Lev., xviii, 6, et d’autres qu’il cite, ont prétendu que ces textes du Lévitique ne visent pas les mariages incestueux avec les personnes y désignées, mais seulement les actes coupables avec ces mêmes personnes. Cette opinion n’a pas besoin d'être réfutée. Les mots hébraïques gillâh ʿérvaṭ ʾiššâh, que les Septante ont traduits littéralement par ceux-ci : ἀσχημοσύνην γυναικὸς ἀποκαλύπτειν, regardent aussi bien les relations matrimoniales que les actes coupables, comme on le voit, soit par le sens naturel des mots, soit par l’application qu’en fait l’auteur sacré. Lev., xviii, 17-19. Aussi l’opinion universelle des commentateurs catholiques et des rabbins, et l’opinion commune des auteurs protestants, tels que Michælis, Mosaisches Recht, § 102, t. III, p. 225-226, est que les passages cités du Lévitique expriment des empêchements de mariage. C’est aussi ce qu’a déclaré, quoique incidemment, le concile de Trente : « Si quelqu’un dit qu’il n’y a pas d’autres degrés de consanguinité et d’affinité pouvant empêcher le mariage, que ceux qui sont exprimés dans le Lévitique, … qu’il soit anathème, » Sess. xxiv, can. 3. Or voici, d’après le Lévitique, quels sont les degrés d’affinité qui empêchent le mariage. En ligne directe : 1° le mariage est défendu entre un homme et la femme de son père, noverca, « belle-mère, » soit que le père ait plusieurs femmes, comme cela était permis aux Hébreux, soit qu’après la mort de sa première femme il en ait pris une seconde, Lev., xviii, 8 ; xx, 11 ; 2° le mariage est défendu entre un homme et la fille de sa femme que celle-ci aurait eue d’un premier mari, « bellefille, » privigna, Lev., xviii, 17 ; xx, 14 ; 3° entre un homme et la petite-fille de sa femme, proprivigna, Lev., xviii, 17 ; xx, 14 ; 4° entre un homme et la mère de sa femme, « belle-mère, » socrus, Lev., xx, 14 ; cf. Deut., xxvii, 23 ; 5° entre un homme et la femme de son fils, « bru, » nurus, Lev., xviii, 15 ; xx, 12. En ligne collatérale : 6° le mariage est défendu entre un homme et la femme de son oncle paternel, uxor patrui, Lev., xviii, 14 ; xx, 20 ; 7° entre un homme et la femme de son frère, Lev., xviii, 16 ; xx, 21, sauf le cas du lévirat. Voir ce mot. Ainsi une femme ne peut épouser successivement deux frères ; si cependant ceux-ci ne sont que demi-frères, du côté de la mère seulement, Michælis pense qu’alors la femme peut les épouser successivement tous les deux, Mosaisches Recht, § 116, t. II, p. 307 ; 8° enfin le mariage est défendu entre un homme et la sœur de sa femme, Lev., xviii, 18, mais seulement pendant la vie de la première femme, comme le porte expressément le texte cité ; en sorte qu’un Juif, alors même que la polygamie était permise, ne pouvait épouser simultanément deux sœurs (ce qui pourtant paraît avoir été permis avant Moïse, comme nous le voyons par l’exemple de Jacob, qui épousa simultanément deux sœurs, Lia et Rachel, Gen., xxix), mais seulement successivement. Cette restriction montre que la cause de cette prohibition n’est pas l’affinité, qui, une lois contractée, demeure, mais une autre raison que signale l’auteur sacré, Lev., xviii, 18 : « Vous ne prendrez pas la sœur de votre femme, qui serait ainsi sa rivale. » Deux femmes du même mari sont toujours rivales ; c’est une des funestes conséquences de la polygamie ; mais si le législateur hébreu a toléré ce mal pour deux étrangères, il n’a pas voulu le tolérer pour deux sœurs, à cause de l’affection naturelle qu’elles doivent se porter. Les rabbins font remarquer avec soin que, si un Juif pouvait épouser successivement les deux sœurs, ce mot < successivement » signifie après la mort de la première, et non pas après la répudiation de la première, car le texte sacré dit expressément que le mariage est défendu avec la seconde, du vivant de la première ; autrement le désir d'épouser la seconde aurait pu provoquer la répudiation de la première. Hottinger, Juris Hebræorum Leges, 1. ccvi, p. 299.

Tels sont les huit cas dans lesquels le mariage est défendu entre alliés par la loi mosaïque. Il est un neuvième cas, sur lesquels les auteurs se sont partagés. Nous venons de dire, sous le n° 6, que le mariage est défendu avec la femme de l’oncle paternel, uxor patrui ; est-il aussi défendu avec la femme de l’oncle maternel, uxor avunculi ? C’est ce que disent, avec saint Augustin, Quæst. in Hept., iii, 76, t. xxxiv, col. 710, un grand nombre de commentateurs qui l’ont vu dans la Vulgate, Lev., xx, 20 : « Vous ne prendrez pas la femme de votre oncle paternel ou maternel, patrui vel avunculi. » Mais ces mots, vel avunculi, ne sont pas dans le texte hébraïque ; celui-ci porte simplement dôdâh, « femme du frère du père. » Gesenius, Thésaurus, p. 324. On ne voit pas davantage ces mots dans le Pentateuque samaritain, ni dans la paraphrase chaldaïque, ni dans les versions syriaque et arabe ; aussi saint Jérôme, qui a maintenu dans la Vulgate les mots indiqués, vel avunculi, a bien soin d’avertir qu’ils ne sont pas dans le texte hébraïque. Div. Biblioth., in Lev. xx, t. xxviii, col. 326. Nous croyons donc que la loi de Moïse ne défend pas ce mariage ; l’auteur de la Vulgate a ajouté ou maintenu ces deux mots : vel avunculi, parce qu’il a cru que, la femme de l’oncle maternel se trouvant au même degré de parenté que celle de l’oncle paternel, l’analogie l’obligeait à regarder comme défendu le mariage avec la première aussi bien que le mariage avec la seconde. Mais ici l’argument a pari n’a aucune force, soit parce que nous ne devons pas étendre au delà du sens naturel des mots les lois prohibitives, et surtout pénales, odia restringenda ; soit parce que la similitude de parenté n’est pas une raison pour étendre les empêchements de mariage, comme nous le voyons dans le même chapitre du Lévitique, qui défend à une femme d'épouser deux frères (sauf le cas du lévirat), tandis qu’il permet à un homme d'épouser successivement les deux sœurs. Du reste, au fond, dans notre cas la parité n’est qu’apparente ; comme nous le dirons tout à l’heure, la raison principale pour laquelle Moïse a défendu le mariage entre alliés, et en particulier avec la femme de l’oncle paternel, c’est la fréquence des rapports que les alliés peuvent avoir ensemble, et spécialement le neveu avec son oncle paternel, et par suite avec sa femme ; ces rapports quotidiens créent un danger qu’il a fallu écarter, en prohibant le mariage entre le neveu et la veuve de son oncle paternel. Or il n’en est pas de même avec l’oncle maternel et sa femme ; ceux-ci appartiennent à une famille toute différente, qui n’a presque pas de rapports avec celle du neveu ; le danger n’existant pas, la précaution était inutile. Voilà pourquoi les auteurs qui paraissent avoir étudié le plus à fond le droit matrimonial mosaïque n’hésitent pas à déclarer que, de par la loi de Moïse, le mariage dont nous parlons n’est pas défendu. C’est l’opinion universelle des rabbins, particulièrement de Maimonide, traité Isurê-Bia, c. Il (lequel même, appliquant jusqu’au bout le principe odia restringenda, n’entend pas le mot dôd, « frère du père, » de ses frères utérins, mais seulement de ses frères germains) ; c’est aussi l’opinion de Saalschütz, Das Mosaische Recht, k. 105, p. 782 ; de Hottinger, Juris Hebræorum Leges, 1. ce ; de Selden, Uxor hebraica, Francfort-sur-1'Oder, 1673, p. 5 ; de Michælis, soit dans son Mosaisches Recht, § 117, t. ii, p. 312-313, soit dans une dissertation spéciale ayant pour titre Abhandlung von den Ehegesetzen Mosis, welche die Heiraten in die nahe Freundschaft untersagen, 2e édit., Gœttingue, 1768, § 103.

Nous ne faisons que mentionner le cas suivant, qui a fait difficulté pour quelques auteurs : Pierre et Jeanne se marient, ayant d’un premier mariage, l’un un fils, l’autre une fille ; ce fils et cette fille peuvent-ils, d’après la loi de Moïse, se marier ? Non, disent ces auteurs, au moins quand la nouvelle union des parents a donné des enfants à la