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ADULTÈRE

Chez un certain nombre de peuples, l’adultère a été on est encore un crime capital, comme il l’était chez les Hébreux. Dans l’empire romain, la célèbre loi Julia de adulteriis, portée par Auguste, ne punissait pas ce crime de la peine de mort, Pauli Sent. lib. II, t. xxvi, de adulteriis ; mais Constantin porta cette peine, L., Quamvis, 30, C, ad Leg. Juliam de adult. D’après Voet, in Pand. ad Leg. Juliam de adult., n° 10, et de Transactionibus, n° 18, la peine de mort avait existé contre l’adultère avant Constantin, qui n’avait fait que la confirmer. Justinien supprima cette peine pour la femme coupable, Auth. Sed hodie, C, ad L. Juliam de adult., sub L. 30, mais la maintint contre le complice. La peine de mort est restée longtemps en usage dans plusieurs États chrétiens. Chez les Arabes, la peine de mort n’est pas expressément portée contre l’adultère par le Koran, chap. iv, 19 ; xxiv, 1-10 ; dans les premiers temps du mahométisme, la peine fut une prison perpétuelle. Mais bientôt la tradition antique, venue des Israélites, reprit le dessus, et la peine de mort par la lapidation fut portée, pourvu toutefois que le crime fût prouvé par quatre témoins. G. Sale, Observations sur le mahométisme, sect. vi ; Kasimirski, Le Koran, traduction française, note au v. 19, ch. iv. La peine de mort fut également en usage chez les Lydiens, les Goths, les Lombards, les Bourguignons. Cf. Zepper, Legum Mosaicarum forensium explanatio, 1714, I, x, note ; Selden, Uxor hebraica, 1673, III, xi, xii. Chez les Indiens, la peine de mort était portée contre l’adultère dans un très grand nombre de cas. Voir Lois de Manou, viii, art. 359, 371, 372, etc., dans Pauthier, Les livres sacrés de l’Orient, Paris, 1841, p. 417-418. De nos jours, cette peine existe encore chez plusieurs peuples, par exemple, en Afrique, chez les peuples voisins de l’Abyssinie, Voyage dans l’intérieur de l’Afrique, par Damberger, Paris, an IX, t. ii, p. 89 ; chez les Hottentots, Voyage au Japon par le cap de Bonne-Espérance, par Thunberg, Paris, an iv, t. 1, p. 405. Il n’y a donc rien d'étonnant que Moïse ait porté la même peine contre la femme adultère et son complice, et même, comme nous le dirons bientôt, il n’a pas eu à porter, mais seulement à confirmer cette peine. — Sur l'épreuve à laquelle était soumise la femme soupçonnée d’adultère, voir Eaux de jalousie.

Extension de cette peine. La peine de mort était portée non seulement contre le crime d’adultère proprement dit, mais encore contre deux autres fautes que la loi de Moïse assimile à ce crime, parce que, en effet, elles pouvaient en avoir les funestes conséquences. La première était la faute commise par une fiancée avec un autre homme que son fiancé, Deut., xxii, 23-27 ; on en voit facilement la raison : c’est que les fiançailles chez les Juifs imposaient les obligations du mariage. Cf. Josèphe, Ant. jud., IV, iii. La seconde était la faute d’une veuve qui, en vertu de la loi du lévirat, était destinée au frère ou plus proche parent de son mari défunt. Si cette veuve avait commerce avec un autre homme que le parent qui devait l'épouser un jour, ce crime était réputé adultère ; car la loi du lévirat créait, pour ainsi dire, entre elle et son parent des fiançailles légales. Gen., xxxviii, 24.

Genre de cette peine. Comment s’exécutait la peine de mort portée contre l’adultère ? Était-ce par la strangulation ou la lapidation ? Nous n’insisterions pas sur ce point, si quelques auteurs, soutenant que le coupable était mis à mort par la strangulation, n’en prenaient occasion de dire que l’histoire de la femme adultère, racontée par saint Jean, viii, 3-11, est apocryphe, parce que l’auteur suppose que le genre de mort dans ce cas était la lapidation. La Mischna, traité Sanhédrin, c. x, n° 1, enseigne que la femme adultère et son complice devaient périr par la strangulation ; la raison qu’en donnent les rabbins, c’est que, lorsque la loi de Moïse ne spécifie pas le genre de mort, mais se contente de dire : Tel criminel sera puni de mort, il faut choisir le genre de mort le plus doux, c’est-à-dire la strangulation. Or les deux textes qui frappent de mort l’adultère, Lev., xx, 10 ; Deut., xxii, 22, se contentent de dire : « Que les deux meurent, que l’un et l’autre meurent ; » donc le genre de mort est la strangulation. Cette opinion est soutenue par un grand nombre de rabbins, en particulier Maïmonide, Halach. Melakim, c. ix, § 7. '

À ces raisons nous opposons les courtes observations qui suivent : 1° D’abord la règle posée par les rabbins n’est pas exacte. En effet, dans la Loi de Moïse, Exod., xxxi, 14-15 ; xxxv, 2, il est dit simplement que le profanateur du jour du sabbat « sera puni de mort ». Or nous voyons, Num., xv, 32-36, qu’un profanateur du jour du sabbat fut, en effet, mis à mort, mais non par la strangulation, comme voudrait la Mischna ; mais bien par la lapidation, comme le texte le dit en toutes lettres, et cela par l’ordre de Dieu, infaillible interprète de sa loi. — 2° La strangulation n’est pas connue dans la loi de Moïse ; il n’en est nulle part question dans la Bible. On ne peut en découvrir aucun vestige dans l’historien Josèphe. Voir Peine. — 3° Deut., xxii, 23-27, la faute commise par une fiancée avec un étranger était punie de la lapidation, comme le porte expressément ce texte. Comment voudrait-on que le véritable adultère fût puni d’une peine moindre, c’est-à-dire de la strangulation ? Ce serait, à une ligne de distance, une contradiction manifeste dans les lois de Moïse. — 4° Le passage d'Ézéchiel, xvi, 38-40, suppose assez clairement que le supplice de l’adultère n'était pas la strangulation, mais la lapidation. Cf. Ezech., xxiii, 45-47. Aussi saint Jérôme, qui était si bien au courant des mœurs judaïques, assigne la lapidation comme étant la peine de l’adultère : « Afin qu’elle [Marie] ne fût pas lapidée comme adultère, » In Matth., i, 18, t. xxvi, col. 24. Bien plus, quelques rabbins, convaincus par le passage d'Ézéchiel, cité plus haut, abandonnent l’opinion de leurs compatriotes et de la Mischna, et soutiennent le sentiment de saint Jérôme, par exemple, Kimchi et Sixt. Amana. Voir Mischna, édit. de Surenhusius, P. lv, p. 255. Cf. C. B. Michælis, De pœnis capitalibus in Sacr. Script, commemoralis, § 12 ; J. D. Michælis, Mosaisches Recht, § 262.

Origine et désuétude de cette peine. Moïse n’a pas porté le premier la peine de mort contre l’adultère. Nous la trouvons bien avant lui ; elle existait déjà du temps de Jacob, puisque c’est son fils Juda qui condamna à mort Thamar, coupable de ce crime. Gen., xxxviii, 24. Il est même probable qu'à cette époque la peine de la lapidation contre l’adultère était déjà en vigueur, et c’est ce qui explique pourquoi Moïse, portant la peine de mort contre ce crime dans les deux textes cités, ne spécifie pas le genre de mort : il était connu. Le fait de Thamar condamnée au feu, Gen., xxxviii, 24, n’est pas une objection ; car souvent la combustion du cadavre suivait la lapidation, comme nous le voyons dans le fait d’Achan, qui fut condamné au feu, et qui, en exécution de la sentence, fut d’abord lapidé, puis brûlé. Jos., vii, 15, 25. D’après Lightfoot, Horæ hebraicæ, in Matth., i, 19, la peine de mort contre l’adultère était presque tombée en désuétude du temps de Notre-Seigneur, par suite soit du relâchement prodigieux des mœurs, soit de la grande facilité qu’avaient les maris de se débarrasser de leurs femmes coupables par le libellus repudii. On peut voir dans Buxtorf, Synagoga judaica, c. XXXIV, que les Juifs du temps de cet auteur, c’est-à-dire du xviie siècle, avaient remplacé la pénalité mosaïque contre l’adultère par quelques actes de pénitence et d’humiliation.

Punition de l’adultère dans la femme esclave. Le texte qui concerne cette espèce se trouve Lev. xix, 20-22 : « Si un homme a des relations coupables avec une femme et abuse de celle qui est esclave et mariée, et qui n’a point été rachetée ni mise en liberté, ils seront battus tous deux, mais ne mourront pas, parce que ce n'était pas une femme libre. » Il s’agit ici d’une esclave, comme le porte expressément le texte ; de plus, cette esclave est fiancée ou mariée, c’est le sens des mots hébraïques néḥéréféṭ leʾît, que la Vulgate a traduits par ceux-ci : etiam nubilis.