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ADRAMÉLECH — ADRICHOMIUS

du même dieu celle d’Adar ou Adru : c’est celle qu’on trouve, par exemple, dans le nom du Noé chaldéen Ṃasis-Adra. Voir A. H. Sayce, Lectures on the religion of the ancient Babylonians, p. 263, 152. Quant au mot mélek, qu’y ajoute la Bible, c’est une épithète empruntée au verbe malaku, « être prince, » laquelle est donnée à plusieurs divinités par les textes cunéiformes. Western Asiatic Inscriptions, t. iv, pl. 56, 1. 36 6. On a exhumé des ruines mêmes de Sippar une belle tablette de pierre, avec l’image de l’idole Šamšou (fig. 38). Sur une sorte d’autel ou de support, on voit un grand disque, sans doute en métal doré, et par derrière, dans un naos ou chapelle, le dieu est représenté sous la forme humaine, haut d’environ quinze pieds, si les proportions sont bien gardées, et assis sur un trône. Comme signe d’ancienneté, la barbe lui tombe jusqu'à la ceinture ; comme signe de force et de puissance, quatre paires de cornes s’enroulent autour de sa tiare ; deux personnages, un roi et un officier, font devant le naos le geste de l’adoration, tandis qu’un prêtre les introduit, puis écarte le disque qui cachait l’idole ; ' celle-ci étend vers les visiteurs un symbole divin, peut-être un signe de vie, analogue à la croix ansée ou au sceau des dieux égyptiens. Ce dieu avait pour épouse Aa, vraisemblablement Anounitou ou l’Anamélék de la Bible ; il en résultait une dualité de personnages solaires analogue à celle de Moloch-Baal en Phénicie, de Seket-Bast en Égypte ; le premier élément personnifiant la force du soleil, le second sa douceur. Voir Anamélech.

Au lieu de cette identification, appuyée sur la place que les Sépharvaïtes réservaient effectivement à Šamaš dans leur culte national, d’autres ont préféré voir Adar ou Adramélech, avec Eb. Schrader, dans le kirub ou dieu-taureau à tête humaine, Riehm, Handwörterbuch des biblischen Altertums, 1. 1, p. 29 ; dans Sakkut, Eb. Schrader-Whitehouse, The cuneiform Inscriptions and the Old Testament, t. ii, p. 142 ; dans le dieu nommé par les Grecs Samdan ou Parsondas, et que les textes cunéiformes désignent par les idéogrammes Bar ou Nin-eb, desquels nous ignorons au reste la prononciation véritable ; ainsi, mais seulement dans son premier volume, F. Lenormant, Les origines de l’histoire, p. 161 et suiv. Sayce, Lectures on the origin and growth of the religion of the Ancient Babylonians, p. 7, 151 et 152, y voit de préférence la déesse Aa, suivant en cela Lehmann, De inscriptionibus cuneatis quæ pertinent ad Samas-sum-ukin, p. 47. Ajoutons enfin que les inscriptions cunéiformes elles-mêmes paraissent à certains endroits confondre à la fois le prétendu Adar-Samdan ou Uras avec Nin-eb, Ramman ou Mermer avec Nébo, avec le soleil à son midi. Western Asiatic Inscriptions, t. ii, pl. lvii, 1. 51, 76 ; ibid., 1.31 ; pl. lx, 1. 37, etc. Mais ces identifications factices ne reposent généralement que sur des épithètes ou des attributs communs ; d’ailleurs ces dieux n’ont généralement aussi à Sippar qu’une place fort effacée : on ne voit donc pas pourquoi les Sépharvaïtes auraient introduit leur culte en Samarie, au détriment de Samas et d’Anounit, qui étaient les grands dieux tutélaires de leur cité. Enfin même leurs partisans avouent ordinairement qu’il faut leur reconnaître le caractère de divinités solaires, de telle sorte que le dissentiment devient plus apparent que réel. Cf. J. Seldenus, De diis syris, 1668, i, p. 328 ; ii, p. 308 et suiv., pour les anciens ; parmi les modernes : F. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. i, p. 524-526 ; t. ii, p. 7 ; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. v, p. 251 ; Transactions of the Society of Biblical Archæology, t. viii, part, ii, p. 164, et pour la tablette de Sippar, Western Asiatic Inscriptions, t. v, pl. 60.

E. Pannier.

2. ADRAMÉLECH, fils et meurtrier de Sennachérib, roi d’Assyrie. IV Reg., xix, 37 ; Is., xxxvli, 38. Lui et Sarasar, son frère, tuèrent leur père dans le temple du dieu Nesroch, mais ne purent s’emparer du trône. Ils furent même contraints de chercher un refuge en Arménie. Les textes assyriens ne nous ont pas encore livré le récit de ce parricide ; mais ils nous apprennent que cette période fut très agitée, et que Sargon, père de Sennachérib, périt lui-même assassiné ; son prédécesseur Salmanasar avait eu probablement aussi le même sort. Ils nous apprennent encore que l’Arménie était à cette époque en guerre avec l’Assyrie, qu’elle avait eu grandement à souffrir des armes de Sargon, qu’elle tenait en échec celles de Sennachérib, et que par conséquent les meurtriers de ce prince durent s’y réfugier de préférence, sûrs d’un favorable accueil. Lenormant-Babelon, Histoire ancienne, t. iv, p. 292.

Les textes cunéiformes babyloniens sont plus explicites : l’Assyrie ne dit jamais, naturellement, que ce qui peut être à son honneur ; mais les Babyloniens étant alors les ennemis des Assyriens, c’est à ceux-ci qu’il faut demander la confirmation du récit biblique. Et, en effet, nous lisons dans le recueil historique connu sous le nom de Chronique babylonienne : arḥi Tebiṭi umi xx' Sin-aḥi-irba šar Aššur apalšu iduk, « le vingt du mois de Thebet, Sennachérib roi d’Assyrie, son fils le tua. » Th. G. Pinches, The Babylonian Chronicle, p. 8, lignes 34-35.

D’après les récits arméniens, les deux princes, poursuivis et vaincus par Asaraddon, leur frère, furent bien reçus par le roi Argistis (?), qui leur donna des terres à gouverner. Bérose avait une narration analogue, comme on le voit par ses abréviateurs ; mais les noms y sont fort altérés : Adramélech est devenu Ardumusanus. La véritable prononciation assyrienne était Adru-malku ou, sans désinence, Adar-malik, ce qui veut dire « le dieu Adar commande ». Ce nom était fréquemment porté en Assyrie ; on le retrouve quatre ou cinq fois dans le Canon des limu, sorte de table chronologique des éponymes de Ninive. Pour les récits de Bérose et les Arméniens, voir F. Didot, Fragmenta hist. græc., Bérose, t. ii, p. 504 et suiv. ; ibid., Mar apas Catina, t. v, part, ii, p. 34 ; pour les textes assyriens, Delitzsch, Assyrische Lesestücke, 1878, Eponymencanon, p. 88, c. n et suiv. ; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. iv, p. 291, 321 ; Th. G. Pinches, The Babylonian Chronicle, p. 3, 8, 24 ; A. H. Sayce, Dynastic tablets of the Babylonians dans les Records of the past, nouvelle série, t. i, p. 28.

E. Pannier.

ADRIATIQUE (Mer), Ἀδρίας, Act., xxvii, 27. Dans son trajet de Cauda (Gaudos) à Mélita (Malte), le vaisseau sur lequel était embarqué saint Paul navigua sur l’Adrias ou mer Adriatique. Quelques exégètes ont cru que la Mélita dont il est question ici était une lie de ce nom dans le golfe de Venise, et que l’Adrias était la mer Adriatique, au sens actuel du terme. À l’article Malte, on prouvera que l’île appelée Mélita par les Actes, xxviii, 1, est Malte, située au sud-est de la Sicile. Dans ce cas, comment saint Luc a-t-il pu appeler « Adrias » la mer qui s'étend entre la Crète et la Sicile ? On donna d’abord le nom de mer d’Adrias à la mer qui baignait Adrias, ville située aux embouchures du Pô. Par extension, ce terme désigna plus tard le golfe de Venise, puis toute la mer jusqu’au détroit d’Otrante. Mais, aux premiers siècles du christianisme, on appelait Adrias la mer bordée par la Sicile, l’Italie, la Grèce et l’Afrique. Ptolémée dit que la Crète était baignée à l’ouest par l’Adrias. D’autres écrivains anciens disent que Malte divisait la mer Adriatique de la mer Tyrrhénienne, et l’isthme de Corinthe, la mer Egée de l’Adriatique. Saint Luc a donc employé, pour désigner la Méditerranée centrale, le terme en usage chez les géographes de son temps.

E. Jacquier.


ADRICHOMIUS (Christian Adrichem, dit), né à Delft, dans la Hollande, en 1533, ordonné prêtre en 1561, fut contraint par les guerres de religion de quitter sa patrie et de se retirer dans le Brabant, puis à Cologne, où il mourut en 1585. À Anvers, il publia sous le nom de Christianus Crucius une Vita Jesu Christi ex quatuor