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ADORATION

né, guéri par lui, et apprenant de lui qui il était, « tombe à terre et l’adore, » Joa., ix, 38 ; les saintes femmes, après sa résurrection, « se jettent à ses pieds, les baisent, et l’adorent, » Matth., xxviii, 9, etc. Dans les Actes des Apôtres, Pierre, envoyé par Dieu au centurion romain Corneille, reçoit de lui cette marque de vénération : « se prosternant à ses pieds, il l’adora. » Act., x, 25. Pierre refusa cet honneur, disant qu’il n'était qu’un homme. Act., x, 26. Corneille ne l’ignorait pas, mais il avait voulu se conformer aux mœurs hébraïques. Dans des cas particuliers, les Hébreux rendaient le même hommage à des hommes ordinaires, qu’ils voulaient honorer d’une manière toute spéciale : ainsi Abraham « adore jusqu'à terre » les trois visiteurs, qu’il ne connut que plus tard, Gen., xviii, 2 ; il adore les enfants de Heth, Gen., xxiii, 7, 12. Moïse adore Jéthro, son beau-père, Exod., xviii, 7 ; David adore jusqu'à trois fois son sauveur Jonathas, fils de Saül, I Reg., xx, 41 ; Jacob se prosterne à terre devant son frère Ésaü et l’adore, et cela jusqu'à sept fois, Gen., xxxiii, 3 ; le nombre des adorations était la mesure de l’honneur qu’on entendait rendre. Nous trouvons aussi le mot adorare, hišṭaḥavâh, appliqué à un objet matériel, à cause de ses rapports intimes avec le culte de Dieu. Ainsi, Ps. xcviii (héb. xcix), 5 : « Adorez l’escabeau de ses pieds [de Jéhovah], parce qu’il est saint. » D’après la meilleure interprétation, cet escabeau des pieds de Dieu, c’est l’arche d’alliance, sur laquelle Jéhovah était censé reposer ; car c’est de dessus le propitiatoire qui recouvrait l’arche qu’il rendait ses oracles.

Quelquefois les Hébreux ont rendu l’adoration à de fausses divinités ; les auteurs sacrés, pour désigner ce culte, ont employé le même mot hišṭaḥavâh, Deut., xxix, 25 (26), etc. ; aussi, lorsque, Exod., xxxiv, 14, Jéhovah défend à son peuple d’adorer des dieux étrangers, il sa sert de la même expression. Cependant à partir d’Isaïe, et surtout après la captivité, les auteurs sacrés emploient pour désigner l’adoration des idoles un autre mot, le verbe sâgad, qui est un verbe araméen, segèd, transporté dans la langue hébraïque, et qui désigne également l’adoration, c’est-à-dire la prosternation complète.


37. — Tributaires des rois d’Assyrie adorant le roi Salmanasar II. Obélisque de basalte du British Museum.


On le voit pour la première fois dans Isaïe, xliv, 15, 17, etc. ; il est ensuite employé habituellement par les auteurs sacrés. Dans la Bible, ce mot est exclusivement employé pour signifier l’adoration des idoles ; mais, dans la langue araméenne, il signifie indifféremment l’adoration du vrai Dieu ou celle des idoles. Aussi dans le Nouveau Testament, le mot προσκυνεῖν, « adorer, » est-il toujours traduit dans la Peschito, ou version syriaque, par le verbe segéd. Les auteurs de la version des Septante et de la Vulgate ont traduit partout le mot hébreu hišṭaḥavâh par προσκυνεῖν et adorare. En effet, ces deux mots signifient aussi, dans ces langues, la prosternation complète : le mot adorare vient de ad, « vers, » et de os, « bouche ; » le mot προσκυνεῖν, de προς, « vers, » et de κυνεῖν, « baiser ; » cela