Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
223
224
ADOMMIM — ADONIAS

assez vif, qui tranche sur le ton jaunâtre ou blanchâtre de tout le terrain environnant. De Saulcy, Voyage en Terre Sainte, t. i, p. 198 ; Riehm, Handwörterbuch des Biblischen Altertums, 1884, p. 30. On trouve dans le même endroit un grand caravansérail destiné à héberger les voyageurs, et appelé Khan el-Hatrour ; c’est là qu’une fort ancienne tradition place « l’hôtellerie » où, d’après la parabole de Notre-Seigneur, le bon Samaritain fit soigner un homme dépouillé par des voleurs, et laissé par eux à demi mort. Luc, x, 30-35.

ADON, localité de la Chaldée d’où venaient quelques-uns des Juifs qui étaient retournés en Judée avec Zorobabel, et qui furent hors d’état de prouver leur origine israélite par les tables généalogiques. I Esdr., ii, 59 ; II Esdr., vii, 61. Dans le premier passage, le texte massorétique porte ʾAddân ; dans le second, ʾAddôn. Les Septante transcrivent Ἡδάν et Ἡρών. La Vulgate écrit Addon, II Esdr., vii, 61. — Le mot Adon ne diffère que par la ponctuation, dans l’original hébreu, du nom d’Éden, qui est celui d’une ville mentionnée par les prophètes. Is., xxxvii, 12 ; Ezech., xxvii, 23 ; cf. Amos, i, 5 ; IV Reg., xix, 12. Voir Éden 2. — Quelques commentateurs ont pris à tort Adon ou Addon pour un nom d’homme.

ADONAÏ (hébreu : אדלי, ʾĂdônâi), un des noms de Dieu dans la Bible hébraïque. Il signifie « mon Seigneur », mon maître. D’après la prononciation massorétique, que nous trouvons aussi dans la Vulgate, Exod., vi, 3 ; Judith, xvi, 16, ce mot a la forme plurielle (le singulier est ʾĂdôni) : c’est un pluriel de majesté, les Hébreux, par respect pour la Divinité, mettant son nom au pluriel, comme ils le faisaient dans ʾÉlohîm, forme plurielle fréquemment employée pour désigner Dieu au singulier. Adonaï n’est employé qu’au vocatif en s’adressant à Dieu, dans la Genèse, xv, 2, 8 ; xviii, 3, 27, 30, 32 ; xix, 18 : ce qui prouve qu’il a été simplement d’abord un titre donné à Dieu, plutôt qu’un nom propre ; mais, dans la suite, on en fit un véritable nom de Dieu, comme nous le voyons dans les prophètes. Is., vi, 1, etc. Les Juifs, considérant le nom de Jéhovah comme ineffable, s’abstiennent de le prononcer toutes les fois qu’ils le rencontrent dans le texte hébreu, et lisent à la place Adonaï. De là vient qu’ils ont donné au tétragramme divin יהוה, IHVH, les voyelles du mot Adonaï (voir Jéhovah) ; de là vient aussi que les Septante et la Vulgate portent Κύριος et Dominus, « Seigneur, » là où l’original porte Jéhovah, parce qu’ils ont lu Adonaï, selon l’usage juif, et traduit la signification de ce mot en grec et en latin. Dans le passage célèbre de l’Exode, vi, 3, saint Jérôme n’a pas employé le mot Dominus, mais il a mis Adonaï, conformément à la coutume des Juifs, quoique le texte original porte Jéhovah : « Nomen meum Adonaï non indicavi eis. » Ce n’est pas le nom d’Adonaï, mais celui de Jéhovah, que Dieu n’avait pas expliqué aux patriarches comme il l’expliqua à Moïse dans l’Exode, iii, 14. Le langage de Dieu n’est donc pleinement intelligible dans ce passage qu’en recourant au texte hébreu. Il faut également consulter l’original en plusieurs antres endroits, pour savoir quel est le nom divin dont s’est servi l’auteur inspiré, parce que les traducteurs n’ont pas rendu les appellations bibliques d’une manière qui permette de les distinguer les unes des autres. C’est ainsi qu’on peut savoir seulement par l’hébreu si le terme original, rendu par Dominus, « le Seigneur, » est Adonaï ou Jéhovah ; la Vulgate, en effet, n’a que le mot Dominus pour ces deux dénominations divines. Voir Abdias, 1, où Dominus Deus correspond à « Adonaï Jéhovah », et Hab., in, 19, où Deus Dominus traduit « Jéhovah Adonaï ». Sur l’importance exégétique et critique des noms de Dieu dans l’Écriture, voir Dieu.

F. Vigouroux.


ADONIAS, Hébreu : ʾĂdôniyâh, ʾĂdôniyâhû, « Jéhovah est mon Seigneur ; » Septante : Ἀδωνίας.

1. ADONIAS (Septante : Ἀδωνίας, Ὀρνία, Ἀδωνία), quatrième fils de David par Haggith, naquit à Hébron pendant le séjour qu’y fit David, et qui dura sept ans et demi, I Par., iii, 2 ; II Reg., iii, 4 ; de 1055 à 1048, selon la chronologie ordinairement reçue. Adonias avait donc quarante ans environ lors du coup de main qu’il tenta, vers la fin du règne de son père, pour s’emparer du trône. III Reg., i, 5-53. Il se croyait dans son droit, car l’aîné des fils de David, Amon, et le troisième, Absalom, étaient morts ; probablement aussi le second, Chéléab, II Reg., iii, 3, appelé Daniel, I Par., iii, 1, dont il n’est rien dit dans l’histoire des rois. Cependant ses prétentions n’étaient pas incontestables ; car, s’il est vrai que chez les Juifs la succession au trône était réglée par l’hérédité, Deut., xvii, 20, il n’est pas moins certain qu’elle n’était pas toujours déterminée par la primogéniture. Quelquefois le roi, sentant sa fin approcher, choisissait lui-même, parmi ses fils, son successeur, II Par., xi, 22 ; et s’il est dit de Josaphat qu’il choisit l’un plutôt que l’autre parce qu’il était l’aîné, II Par., xxi, 3, cette remarque suppose que le roi avait la liberté et le droit de désigner entre tous ses enfants celui qui devait lui succéder. Ce droit, David pouvait en user légitimement, et préférer à Adonias un de ses fils plus jeunes. Du reste, ce n’était pas David qui avait désigné Salomon pour roi, mais Dieu lui-même, véritable roi d’Israël, II Reg., vii, 12-16, et le prophète Nathan, au nom de Dieu, avait béni sa naissance, en déclarant qu’il était et qu’il s’appellerait Yedideyâh, « aimé de Jéhovah. » II Sam. (II Reg.), xii, 25.

Adonias n’avait donc rien à prétendre ; il devait bien plutôt respecter comme un ordre de Dieu l’élection de son frère, de même que David pouvait, sans blesser la justice, jurer à Bethsabée que Salomon et non un autre serait son successeur. III Reg., i, 17. Adonias avait sans doute conscience du droit de son frère, car nous le voyons plus tard invoquer, non pas sa primogéniture, mais la faveur du peuple. III Reg., ii, 15. Malheureusement l’ambition fit taire en lui le sentiment du devoir, et dès lors, regardant Salomon comme un rival, il mit tout en œuvre pour le supplanter. Profitant de l’affaiblissement où il voyait son vieux père, il affichait des allures et un train de vie qui disaient assez ses prétentions au trône : il avait des chars, et cinquante coureurs le précédaient quand il sortait. Il imitait en cela son frère Absalom, II Reg., xv, 1, dont le sévère châtiment aurait dû, au contraire, le maintenir dans le rang qui lui convenait. Comme Absalom, il se créa aussi un parti ; car pour arriver au trône il lui fallait un acte public, une acclamation du peuple, et des partisans prêts à le soutenir par la force. Il recruta les principaux éléments de ce parti dans le petit groupe de mécontents qui s’était formé parmi les courtisans du vieux roi : Joab, neveu de David, autrefois généralissime des troupes royales, puis disgracié et destitué à cause de ses dispositions hostiles, cf. II Reg., ii, 13-22 ; iii, 22-39 ; Abiathar, le grand prêtre, naguère si fidèle à son roi, qu’une basse jalousie à l’égard de Sadoc jetait dans le parti de la révolte, cf. I Reg., xxii, 20-23 ; II Reg., xv, 24, et avec eux ses frères et plusieurs officiers royaux, qui voyaient sans doute leur intérêt dans l’avènement d’Adonias. III Reg., i, 9. Pour arriver à leurs fins, les partisans du prétendant préparèrent avec lui un plan qui était bien conçu, et qui n’échoua que grâce à la sagesse du prophète Nathan. Ils résolurent de s’appuyer, non pas sur un mouvement populaire directement provoqué contre Salomon, mais sur cet instinct aveugle qui porte les multitudes à acclamer quiconque a eu l’audace de se poser en roi. Les chefs du mouvement furent secrètement convoqués dans un lieu appelé Zohéleth, et là ils formèrent une assemblée ayant l’apparence d’une représentation nationale : le grand prêtre représentant l’élément religieux, les frères d’Adonias l’élément politique, Joab et les officiers l’élément militaire ; enfin un sacrifice de béliers, de veaux et d’autres victimes, donna à la manifestation un caractère sacré, qui ne pouvait