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ADAM DE SAINT-VICTOR — ADAMA

l’instruction des novices. En quelques vers, Adam nous fait connaître qu’après avoir éclairci les difficultés du texte (dans la Summa), il entreprend une œuvre difficile qui l’effraye. — Dom Brial, Histoire littéraire de la France, t xv, p. 43, à la suite de Pits, Wadding, Fabricius, etc., conteste à Adam de Saint-Victor la paternité de ces deux ouvrages. Il attribue la Somme philologique à un certain Guillaume le Breton, auteur d’ailleurs à peu près inconnu. Il se trompe, car : 1° le manuscrit 111 de Montpellier est du xiiie siècle, et Guillaume le Breton est mort en 1356. Les annales de Jean de Thoulouse, Victorin, les catalogues de la bibliothèque de Saint -Victor font honneur de la Summa à notre Adam. Ces autorités l’emportent certainement sur quelques manuscrits du xiv « siècle, qui portent le nom de Guillaume le Breton. Il est du reste assez probable, d’après le titre d’un de ces manuscrits, que ce Guillaume a retouché l'œuvre d’Adam, et ajouté quelques mots français au dictionnaire, qui prend le titre de Vocabularium latino-gallicum. Ainsi l'œuvre tout entière a pu passer facilement sous son nom. 2° L’auteur de l’Expositio déclare dans cet ouvrage être l’auteur du dictionnaire ; de plus, les mêmes autorités lui en font également honneur. 3° Enfin, critérium important pour reconnaître l'époque et l’auteur des deux ouvrages en question, ils sont précédés tous les deux d’un prologue en vers, et en vers du xiie siècle. N’est-ce pas une forte présomption en faveur d’Adam de Saint-Victor, versificateur habile et poète fécond du xiie siècle ? Guillaume le Breton n’est que du xive siècle, et du reste il ne s’est point fait connaître par des œuvres poétiques. Quant aux autres ouvrages, comme Adas anglici super Marcum ; ejusdem super Epistolam Pauli ad Hebræos ; Expositio super cantica, aucune raison sérieuse ne permet d’en attribuer la composition à Adam de Saint-Victor. Voir Léon Gautier, Œuvres poétiques d’Adam de Saint-Victor, introduction de la 1re édition, l. 1, p. lv-xciv.

ADAMA (hébreu : ʾAdmâh ; Septante : Ἀδάμα), ville de la Pentapole, détruite en même temps que Sodome et Gomorrhe. Deut., xxix, 23. Située sur les confins du pays de Chanaan, Gen., x, 19, elle avait un roi nommé Sennaab, qui s’allia aux quatre princes voisins pour repousser l’attaque des rois étrangers, Chodorlahomor, Thadal, Amraphel et Arioch. Gen., xiv, 1-2, 8-9. Le combat eut lieu dans la vallée de Siddim ou « vallis Silvestris », Gen., xiv, 3, et les cinq alliés furent défaits.

Adama subit quelque temps après le châtiment des villes coupables. Le récit de la Genèse suffirait à lui seul pour nous l’apprendre ; car après avoir dit, xix, 24, que Dieu fit tomber sur Sodome et Gomorrhe une pluie de soufre et de feu, l’auteur sacré ajoute, au verset suivant : « Et il détruisit ces villes et toute la région d’alentour ; » en hébreu : kol-hakkikkâr, « tout le cercle. » Mais le fait est attesté d’une manière formelle par le Deutéronome, xxix, 23, et par le prophète Osée, xi, 8. D’après les Septante, Isaïe aurait parlé de cette ville dans sa prophétie contre Moab, xv, 9 ; prenant ʾâdâmâh, « terre, » pour un nom propre, ils ont traduit lišʾêrîṭ ʾâdâmâh par τὸ κατάλοιπον Ἀδάμα, ce que la Vulgate a rendu plus justement par « les restes de la terre ».

La situation qu’on peut assigner à Adama dépend nécessairement de l’opinion qu’on adopte pour l’emplacement de la Pentapole ou de la vallée de Siddim. Or les hypothèses émises par les nombreux savants qui ont étudié la question se réduisent aux trois suivantes : la contrée dont nous parlons occupait tout l’espace envahi par la mer Morte, ou bien s'étendait au sud depuis la presqu'île de la Lisân jusqu'à la Sebkhah, et peut-être plus loin vers l’Arabah, ou enfin se trouvait au nord vers Jéricho et au delà. On peut voir dans M. V. Guérin, La Terre Sainte, IIe partie, p. 291-298, un exposé très clair des deux premiers systèmes, et dans Conder, Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 238 -241, les arguments en faveur du troisième (reproduits par Trochon, La Sainte Bible, introduction générale, Paris, 1887, t. ii, p. 169-171). Pour le développement de la question, voir Sodome, Gomorrhe, mer Morte.

Devant nous en tenir ici à la seule ville d' Adama, nous essayerons d’en déterminer au moins approximativement la position de la manière suivante. Deux points de repère nous paraissent suffisamment solides. D’abord la première des cinq villes, Sodome, se trouvait certainement auprès du Djébel-Ousdoum, qui en a conservé le nom, et en est, dit M. Clermont-Ganneau, « le représentant incontesté. » Ségor, Gomorrhe et Sodome, dans la Revue critique d’histoire et de littérature, 7 septembre 1885, p. 172. Elle était donc dans la région sud-ouest de la mer Morte. Ensuite la dernière ville, Ségor ou Zoar, devait être située au sud-est du même lac. Des nombreux témoignages qui, depuis l’antiquité jusqu'à l'époque arabe, et même celle des croisades, favorisent cet emplacement, nous ne voulons rappeler que celui de Josèphe, Bell.jud., IV, viii, 4, disant que le lac Asphaltite s'étend de Jéricho au nord à Ségor au sud. Cf. Clermont-Ganneau, loc. cit. Il est certain du reste que Sodome et Ségor n'étaient pas éloignées l’une de l’autre ; car Lot, au jour de la catastrophe, quittant la première « comme l’aurore montait », arriva dans la seconde « comme le soleil sortait sur la terre. » Gen., xix, 15, 23. Voir Ségor.

Les deux points opposés une fois déterminés, nous pouvons ranger au-dessous les trois autres villes, suivant l’ordre d'énumération donné par la Genèse, x, 19, et admis par tous les auteurs. On remarquera d’ailleurs que le nom d’Adama est toujours uni à celui de Seboïm. Gen., x, 19 ; xiv, 2, 8 ; Deut., xxix, 23 ; Os., xi, 8. Si donc nous ne trouvons actuellement, au sud de la mer Morte, aucune localité qui rappelle exactement la ville d’Adama, nous pouvons croire cependant qu’elle se trouvait, comme les autres cités de la Pentapole, dans cette région que l'Écriture appelle si justement un « cercle », kikkâr, et qui comprenait la partie méridionale de la mer Morte, submergée depuis le cataclysme, puis la Sebkhah ou l’extrémité du Ghôr, et peut-être, suivant quelques auteurs, une petite partie de l’Arabah. Cette hypothèse, dit M. ClermontGanneau, loc. cit., « serait bien conforme à la tradition arabe, qui n’est pas à dédaigner, tradition qui place justement dans cette région ce qu’elle appelle « les villes du « peuple de Lot », medâïn qaum Lout.

À l’argumentation qui précède, nous n’ajouterons que l’observation suivante, qui confirme ce que nous venons de dire. Elle est tirée de la manière dont la Genèse, x, 19, détermine les limites du pays de Chanaan. Le verset doit, en effet, se traduire ainsi d’après l’hébreu : « Et les confins du Chananéen furent de Sidon en allant vers Gérare (c’est-à-dire dans la direction de Gérare, du nord au sud) jusqu'à Gaza ; en allant vers Sodome, et Gomorrhe, et Adama, et Seboïm (c’est-à-dire dans la direction de ces villes, du nord au sud-est), jusqu'à Lésa. » Nous ne croyons pas nécessaire de dire avec Keil que, dans la dernière partie du verset, le point de départ est non plus Sidon, mais Gaxa, en sorte que la ligne méridionale irait ainsi de l’ouest à l’est ; rien dans le contexte n’exige ce changement. Mais nous croyons pouvoir conclure de tout ce passage que les quatre villes qui y sont mentionnées formaient la frontière sud - est du pays de Chanaan. Si, en effet, l’auteur sacré avait voulu indiquer la limite orientale, ce qu’il faudrait supposer dans l’opinion de ceux qui placent la Pentapole au nord de la mer Morte, il n’aurait pas commencé rénumération par Sodome, qui devait se trouver ainsi la plus méridionale.

Conder, Handbook to the Bible, p. 241, dit qu’Adama est peut-être la même que la ville d’Adom, citée dans Jos., iii, 16, et la place ainsi au sud du Jaboc, à l’endroit appelé aujourd’hui Dâmiéh. Les raisons que nous venons d’exposer ne nous permettent pas d’adopter cette opinion. Voir Adom.