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ADAM (PALÉONTOLOGIE)

anciens gouverneurs de la Messie, qui ont pu comme lui constater ces faits.

L’Italie elle-même n’avait point alors son climat actuel : du moins les écrivains latins en parlent-ils en termes qui ne lui conviendraient point de nos jours. Ils font mention de neiges amoncelées, de rivières qui charrient des glaçons, du triste hiver qui fend la pierre et enchaîne le cours des fleuves, et cela dans la région la plus chaude de l’Italie, au pied des remparts de Tarente. Un tel tableau s’appliquerait tout au plus aujourd’hui à notre pays.

Même témoignage au sujet de l’abondance des cours d’eau. Ici la géologie joint sa voix à celle de l’histoire pour attester que la plupart des rivières avaient, il y a 1 500 ou 2 000 ans, un débit supérieur, au moins par moments, à leur débit actuel. M. Michel de Rossi l’a prouvé pour le Tibre ; d’autres l’ont établi également pour plusieurs de nos fleuves d’Europe, ou même de l’Asie et de l’Amérique septentrionale.

D’après toutes les apparences, si l’abondance des eaux et l’intensité du froid n'étaient pas telles alors qu’elles durent être à l'époque quaternaire, elles en différaient peut-être assez peu, et nous sommes persuadé qu’un grand nombre de phénomènes attribués par les géologues à cette époque se sont passés en réalité en pleine période historique.

Tout prouve donc, la faune aussi bien que la climatologie, que l'époque quaternaire n’est pas loin de nous. Quant à sa durée, nous l’ignorons entièrement ; mais il y a tout lieu de croire qu’elle ne fut pas considérable. Au reste, nous n’avons pas besoin de la connaître pour la question qui nous occupe ; car, d’après toutes les apparences, l’homme n’a pas vu les commencements de cette époque. Il n’a pas précédé la période glaciaire, et n’a pas même été contemporain de la grande extension des glaciers. Son origine est donc relativement récente.

On nous objectera peut-être les quatre phases industrielles que M. de Mortillet nous donne comme autant de subdivisions de l'époque quaternaire, et dont il a fait ses périodes de Chelles, du Moustier, de Solutré et de la Madeleine (fig. 34) ; mais cette difficulté nous embarrasse peu. Si nous admettons, avec les principaux représentants de la science préhistorique, que l’époque quaternaire coïncide avec l'âge paléolithique ou de la pierre taillée, nous nous refusons absolument à considérer comme nettement successives les sous-périodes qu’il a plu à M. de Mortillet d’établir dans cet âge, sans doute pour l’unique motif d’en prolonger la durée. Les préhistoriens les plus sérieux déclarent inadmissible cette classification, basée uniquement sur les types des outils de pierre. « Les variétés constatées entre ces types, observe judicieusement M. Salomon Reinach, s’expliquent tantôt par la différence des matériaux mis en œuvre, tantôt et surtout par l’inégalité de civilisation, par la diversité des habitudes et des besoins propres aux tribus et aux clans qui les fabriquaient, et qui pouvaient se trouver à des étapes de progrès matériel très éloignées, tout en étant contemporaines dans le temps et voisines dans l’espace. Vouloir tirer de là des indices chronologiques, c’est admettre, a priori et sans preuves, l’uniformité du progrès industriel ; c’est appliquer, par un véritable paralogisme, la méthode géologique à l’histoire des premières civilisations. » Époque des alluvions et des cavernes, p. 95.

S’il y avait chance d’arriver à classer chronologiquement les temps quaternaires, ce serait plutôt, ce semble, en s’appuyant sur la faune. Assez longtemps on a pu croire qu’il y avait eu succession parmi les animaux caractéristiques de cette époque. Il semblait que le grand ours eût disparu avant le mammouth, et celui-ci avant le renne. Mais on a constaté tant d’exceptions à cette prétendue règle, l’ours des cavernes a été si souvent rencontré avec des espèces récentes, le renne a été trouvé parfois si manifestement superposé à l'éléphant, par exemple, dans la caverne de Montgaudier (Charente), qu’il n’est plus guère possible aujourd’hui de formuler un ordre de disparition applicable aux espèces animales de l'époque quaternaire. Pratiquement, le mieux est de considérer comme contemporains tous les animaux et tous les produits industriels se rattachant à cette époque, à moins qu’ils ne soient nettement superposés dans un même gisement qui a échappé à tout remaniement ; or ces cas de superposition sont rares, et si parfois ils ont semblé confirmer la classification de M. de Mortillet, presque aussi souvent ils ont présenté l’ordre inverse.

En formulant ces réserves, nous sommes loin de nous élever contre la dénomination de types chelléen, moustérien, solutréen et magdalénien, proposée par M. de Mortillet. Ces termes, empruntés aux localités où dominent ces diverses formes, ont pour les adeptes de la préhistoire un sens précis, qui dispense d’une description.


34. — Silex caractéristiques des quatre prétendues époques de M. de Mortillet.
A. Chelles. — B. Le Moustier. — C. Solutré. — D. La Madeleine.

Ils ont donc leur raison d'être, et sont employés avec avantage dans le classement des collections d’archéologie préhistorique. Mais on ne saurait leur faire désigner autant d'époques successives, sous peine de tomber dans l’arbitraire et dans l’invraisemblance : dans l’arbitraire, parce que cette classification n’est point justifiée par la stratigraphie ; dans l’invraisemblance, parce qu’il n’est pas rationnel que l’homme n’ait guère eu à chaque époque qu’un instrument à sa disposition.

Si nous n’avons pas à nous préoccuper, au point de vue du temps, des subdivisions établies dans l'époque quaternaire, nous avons du moins à compter avec l’innombrable quantité d’outils en pierre qui constitue le mobilier de l'âge paléolithique, et il est des esprits que ce simple argument ne laisse pas de frapper. Quand on se trouve en présence de collections aussi considérables que celle de Saint-Germain-en-Laye, on est tenté de se dire qu’un si grand nombre d’instruments suppose un grand nombre de générations. Et pourtant il suffit d’un instant de réflexion pour se convaincre que tous les outils de pierre recueillis jusqu’ici dans notre pays n'égalent pas sans doute en nombre les habitants qui l’occupent.