haute et plus droite que toutes celles qui nous sont connues, et du sommet de laquelle partent de longs rameaux pareils à des palmes. Le mâle et la femelle se ressemblent ; la grandeur et la forme de leurs cornes sont les mêmes. » vi, 2. Bien que le renne n’y soit pas nommé, cette description s’applique évidemment à lui. C’est, en effet, le seul animal du genre cerf dont la femelle soit comme le mâle armée de bois, le seul qui par la largeur de son front présente réellement l’aspect du bœuf, le seul enfin dont les-cornes se terminent en longs rameaux palmés. Il est vrai que ces cornes ne partent point du milieu du front ; mais on pourrait le croire, si l’on se contentait de voir le renne à distance, à cause de la disposition divergente des bois, et surtout grâce à la présence chez certains individus d’un rameau basilaire, qui se projette en avant. Geoffroy Saint-Hilaire a donc eu raison de dire que la description de César « porte jusque dans ses erreurs mêmes l’empreinte d’une observation directe et profonde ». Nous pourrions, s’il en était besoin, relever dans cet écrivain et dans les ouvrages d’autres auteurs classiques des allusions presque aussi manifestes au même animal, lequel évidemment a existé dans l’Europe centrale jusqu'à l'ère historique. Les débris de son squelette qu’on a trouvés dans certaines stations lacustres de cette région ne font au reste que confirmer ces témoignages.
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31. — Squelette de VEUphas primlgenius.
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32. — Squelette du Rhinocéros tichorrhinus.
Nous négligeons l'élan (Cervus alces) et le grand bœuf (Bos primigenius), dont César mentionne également la présence dans la forêt Hercynienne, parce que si ces deux animaux ont appartenu à la faune quaternaire de nos contrées, ils n’en ont pas moins, de l’aveu de tous, survécu à cette faune dans la même région.
Il ne faut pas croire du reste que la faune quaternaire ait été très différente de la faune actuelle. En réalité, elle comprenait tous les animaux sauvages qui nous entourent, plus quelques espèces qui ont dû émigrer à cause des changements de climats, qui sont tombées sous les coups des chasseurs, ou qui ont succombé dans la lutte pour la vie.
On le voit, s’il faut en juger par les animaux qui la caractérisent, l'époque quaternaire a dû se prolonger jusqu’aux approches de l'ère chrétienne.
Il est vrai qu’elle a d’autres caractères, empruntés à la climatologie. Qui dit époque quaternaire dit époque glaciaire, ces deux époques ayant certainement coïncidé, au moins en partie. Alors, en effet, les glaciers étaient considérablement étendus, et les cours d’eau plus abondants que de nos jours : double phénomène qui pouvait tenir à une même cause, la fusion des glaces occasionnant chaque été d’immenses inondations dont les traces existent encore. Mais, pour retrouver quelque chose de ces phénomènes, il n’est pas nécessaire de remonter aussi haut dans le passé qu’on le pourrait croire. L’histoire nous les laisse entrevoir assez clairement. Nous avons réuni ailleurs, Études critiques d’archéologie préhistorique, p. 216-240, un certain nombre de textes empruntés aux écrivains de l’antiquité, qui prouvent que les hivers étaient, il y a seulement quinze et vingt siècles, notablement plus froids qu’ils ne le sont de nos jours. Qu’il nous suffise d’indiquer ici quelques-uns de ces témoignages.
Hérodote nous dépeint le climat de la Scythie en termes qui conviendraient aujourd’hui à la Laponie et au Groenland. Il nous montre ce pays complètement glacé pendant huit mois de l’année, et la mer Noire gelée au point de supporter les chars les plus lourds. Aristote et d’autres après lui nous disent qu’il faisait si froid, en Gaule, que l'âne ne pouvait y vivre. Les écrivains latins insistent de leur côté sur la rigueur du climat gaulois, qui ne permet, nous disent-ils, ni la culture de l’olivier ni celle de la vigne.
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33. — Squelette du Cervus megaceros.
Ils ne connaissaient guère pourtant que le midi de la Gaule, où l’olivier et la vigne prospèrent aujourd’hui. Virgile nous montre le Danube traversé par des chars, et les habitants de ces contrées misérables se retirant dans des cavernes, vêtus de la peau des bêtes fauves, absolument comme le faisaient, au dire de la préhistoire, nos barbares prédécesseurs de l'époque quaternaire. Ovide, qui a passé plusieurs années de sa vie dans la région du Danube, nous montre ce fleuve entièrement glacé à son embouchure, de façon à livrer passage à de lourds chariots. Il ajoute qu’il a vu le vin gelé dans les outres, et la mer Noire prise elle-même par les glaces au point qu’il a pu marcher sur ses eaux. Et comme il craint d'être accusé d’exagération, il en appelle au témoignage de deux