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ADAM (PALÉONTOLOGIE)

car il portait sur la poitrine on vase recouvert d’une pierre, et près de lui se trouvaient d’autres vases de même nature, ainsi qu’une hache en pierre polie. Inhumation, poterie et pierre polie sont, d’après l’enseignement de l'école, autant d’indices de l'époque actuelle. On prétendra sans doute que la présence de ces objets à une pareille profondeur tient à un remaniement des terres ; mais pourquoi exclure le crâne d’Eguisheim de ce remaniement ?

Même incertitude au sujet du crâne de Brux. Le rapport qui nous l’a fait connaître, et qui date seulement de 1872, dit expressément que, dans l’alluvion où il gisait, on a trouvé une hache en pierre polie. Comme on ne signale d’autre part la présence en cette couche d’aucune espèce quaternaire, il est bien permis de révoquer en doute la date qu’on lui assigne.

Le crâne et les autres ossements humains découverts dès 1844 dans un tuf volcanique, auprès du Puy, sont probablement encore moins anciens que les précédents. Personne ne croit plus aujourd’hui qu’ils sont contemporains du mastodonte, comme on l’avait pensé tout d’abord. Le tuf volcanique dans lequel ils étaient comme enchâssés est évidemment très récent, puisqu’il surmonte des alluvions quaternaires. Ils peuvent même être postérieurs à la formation de ce tuf, et, par suite, aux dernières éruptions volcaniques de la Denise. Deux géologues compétents, Hébert et Lartet, qui ont visité la localité en 1857, ont cru y reconnaître les traces d’une sépulture. Quelle que soit leur nature, ces ossements ne peuvent donc nous donner aucune indication utile sur la question de l’origine de l’homme.

Reste le crâne trouvé, en 1863, dans la tranchée de l’Olmo, près d’Arezzo (Italie). Cette fois l’authenticité n’est pas douteuse, car il a été trouvé à quinze mètres de profondeur, et dans le voisinage d’ossements d’animaux caractéristiques des temps quaternaires. Nous avons d’autant moins de raison de la contester, que, de l’aveu de M. de Mortillet, ce crâne n’a aucun des traits simiens qu’il attribue à l’homme primitif. La forme est allongée, il est vrai ; mais cette forme, la dolichocéphalie, s’allie fort bien avec une intelligence développée. Voir fig. 26.

Les caractères simiens, si ardemment cherchés par nos évolutionnistes, se retrouvent-ils davantage sur la mâchoire découverte en 1865 dans la caverne de la Naulette, près de Dinant (Belgique) ? On l’a cru longtemps. Nous-même, dans une précédente publication, L’âge de la pierre et l’homme primitif, p. 145, n’osant méconnaître ni son antiquité, que démontrait sa situation au milieu d’espèces quaternaires, ni son caractère, que tous les anthropologistes s’accordaient à qualifier de simien, nous en étions réduit à invoquer contre les théories auxquelles elle servait de base l’adage bien connu : Testis unus, testis nullus. Depuis lors, un savant anthropologiste, peu suspect de vouloir altérer les faits en faveur de la cause spiritualiste, le docteur Topinard, a fait de cette mâchoire une étude approfondie, qui contredit presque sur tous les points la description qu’on en avait donnée primitivement. Revue d’anthropologie, juillet 1886 ; cf. La science catholique, avril 1887.


26. — Exemples de brachycéphalle et de dolichocéphalle (crâne court et crâne long).

On avait dit que la mâchoire était dépourvue de menton, qu’elle dénotait un prognathisme ou une saillie des plus accentuées ; que les molaires allaient en croissant d’avant en arrière, comme chez les singes ; enfin, chose plus grave, que l’apophyse géni, éminence osseuse sur laquelle s’insèrent les muscles de la langue, faisait totalement défaut ; d’où l’on concluait que l’être auquel elle appartenait n’était pas encore pourvu du langage articulé. M. Topinard a démontré que tout cela était faux ou gravement exagéré ; que, particulièrement, l’apophyse géni existait réellement, et que si on ne l’avait pas vue plus tôt, c’était tout simplement faute d’avoir enlevé la terre qui la recouvrait. « Ainsi tombe tout un échafaudage datant de vingt ans, » conclut le docteur Topinard. Nous ajouterons : Ainsi deviennent évidentes et la témérité de certains savants qui se hâtent d’affirmer sans preuves les faits favorables à leurs systèmes, et l’excessive docilité du troupeau qui les suit.

Une seconde mâchoire dont l’origine quaternaire ne semble pas moins bien établie est celle que le marquis de Vibraye trouva, en 1859, dans l’assise inférieure de la grotte d’Arcy-sur-Cure (Yonne) ; mais elle ne saurait nous retenir ; car, de l’aveu de M. de Mortillet, les caractères simiens n’y sont guère accusés. Aussi le chef de l'école préhistorique la rattache-t-il, sans nulle autre raison, à la dernière partie de l'époque quaternaire.

La dernière pièce que M. de Mortillet attribue aux temps quaternaires est un squelette découvert, en 1872, dans le gisement de Laugerie-Basse, sur les bords de la Vézère. Cette fois, il a la prudence de n’en rien déduire par rapport à l’homme primitif, et il a raison, car le crâne a été complètement écrasé par la chute d’un rocher, et il est impossible d’en recomposer la forme. Quant à la capacité, un de ses disciples et amis, M. Salmon, admet qu’elle « devait être supérieure à la moyenne de nos jours ».

Nous avons épuisé la liste des ossements humains fossiles reconnus comme tels par le principal représentant de la science préhistorique. Il résulte du rapide examen que nous en avons fait que l’authenticité du plus grand nombre est contestable. S’il en est qui présentent à cet égard toutes les garanties désirables, il se trouve précisément qu’on n’y rencontre plus les traits quelque peu simiens entrevus chez les autres.

Il ne faut pas oublier en outre que les neuf pièces qui précèdent ont été triées arbitrairement parmi plus d’une quarantaine. Tout naturellement on a eu soin de laisser de côté celles dont la conformation, trop semblable à la nôtre, ne s’accordait point avec la doctrine évolutionniste.

Avait-on du moins pour excuse les conditions de gisement ? L’association avec les espèces quaternaires était-elle moins intime, ou les traces de remaniement plus apparentes ? En aucune façon. Envisagées à ce point de vue, les trente ou quarante pièces que M. de Mortillet a délaissées ne présentent pas moins de garanties que les précédentes. Tous les préhistoriens qui n’ont point sur les yeux l’épais bandeau des préjugés évolutionnistes ont pris en considération les uns et les autres. M. de Quatrefages, qui range dans sa race de Cahstadt les neuf pièces admises par M. de Mortillet, a constitué avec celles qu’il rejette cinq autres races, également quaternaires à ses yeux : celles de Cromagnon, de Grenelle, de la Truchère, et les deux de Furfooz (Belgique). M. Hamy, un autre anthropologiste autorisé et peu suspect, auteur d’un Traité de paléontologie humaine, met sur le même pied toutes ces pièces au point de vue de l’antiquité.

Or est-il étonnant que, sur le nombre, il s’en trouve qui présentent des traces au moins apparentes d’une réelle dégradation ? Nous l’avons dit, même à l’époque actuelle et au sein de nos sociétés civilisées, il n’est pas rare de rencontrer le prognathisme et la dolichocéphalie (crâne allongé), l’étroitesse du crâne et la proéminence des arcades sourcilières. À plus forte raison, ces caractères d’infériorité relative devaient-ils se produire aux époques de barbarie qui précédèrent notre civilisation. Il n’est pas douteux que la misère ne dégrade les traits, et que