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ADAM (PALÉONTOLOGIE)

virent immédiatement son apparition, c’est là qu’il faut aller l’étudier. Or, à notre connaissance, une seule fois on a constaté sur le sol asiatique la superposition nettement marquée de diverses industries : c’est à Hissarlik, sur l’emplacement présumé de l’ancienne Troie. Schliemann, l’auteur de ces fouilles restées célèbres, nous dit y avoir rencontré superposées les ruines de sept Civilisations distinctes. Or, bien loin qu’il y ait progrès de la base au sommet, c’est le contraire qui a lieu, au moins à partir de la seconde couche. Cette découverte, sur laquelle les évolutionnistes affectent de fermer les yeux, est cependant des plus significatives. À elle seule elle nous donne une idée plus vraie de la marche générale de la civilisation que toutes les découvertes qui ont été faites dans notre Occident, non seulement parce qu’elle nous montre plus d’industries superposées, mais aussi parce que, étant plus rapprochée du berceau de l’humanité, elle plonge nécessairement plus loin dans le passé, et nous retrace les mœurs d’un peuple qu’il est bien permis cette fois de considérer comme primitif, à cause de son voisinage du lieu qui vit apparaître notre espèce.

Nature des fossiles humains. — La grossièreté de l’outillage à l’époque quaternaire ne prouve donc point que le premier homme ait été un pur sauvage, encore moins qu’il ait eu l’origine animale que l’école darwinienne se plaît à lui attribuer. — La nature des débris humains fossiles le prouve-t-elle davantage ?

Le nombre des ossements humains qui méritent d’être appelés fossiles, c’est-à-dire qui remontent au moins à l’époque quaternaire, est loin d’être aussi considérable qu’on l’avait prétendu au début des études préhistoriques. Ceux mêmes qui prétendent avec M. de Mortillet que l’homme, ou plutôt son précurseur, est apparu dès l’époque tertiaire, reconnaissent qu’on n’a encore découvert aucun débris humain remontant authentiquement à cette époque : ce qui ne les a pas empêchés de décrire minutieusement et de répartir en espèces distinctes cet ancêtre tertiaire, qu’ils ont décoré du nom d’Anthropopithèque. Pour ceux qui, comme nous, s’en tiennent uniquement aux faits, l’homme quaternaire est donc seul en cause.

On pourrait citer au moins une quarantaine de localités où l’on a découvert des squelettes ou fragments de squelettes humains remontant en apparence à l’époque quaternaire. Malheureusement, la plupart de ces débris humains avaient, aux yeux de nos évolutionnistes, le défaut de trop ressembler à l’homme actuel. Pour ce motif, M. de Mortillet en a éliminé les trois quarts ; il n’en a retenu que neuf, naturellement ceux qui avaient les formes désirées et tendaient à confirmer l’origine animale de notre espèce. Les pièces auxquelles il a réservé cet honneur comprennent six crânes, deux mâchoires et un squelette à peu près entier. Les crânes ont été trouvés à Canstadt (Wurtemberg), à Néanderthal (Prusse rhénane), à Eguisheim (Alsace), à Brux (Bohême), à la Denise (près du Puy-en-Yelay), et dans la tranchée de l’Olmo (Italie) ; les mâchoires, dans les grottes de la Naulette (Belgique) et d’Arcy-sur-Cure (Yonne) ; enfin le squelette, à Laugerie-Basse (Dordogne). Jetons sur chacun de ces précieux débris un rapide coup d’œil au point de vue de l’authenticité et de la forme.

Le crâne de Canstadt, le plus anciennement recueilli, puisque sa découverte remonte à l’an 1700, fut trouvé dans la localité de ce nom, tout près de Stuttgart, associé, nous dit-on, à des os d’éléphant, d’ours et d’hyène. Les évolutionnistes, qui l’ont acclamé à cause de sa forme passablement grossière, sont obligés de reconnaître que des doutes sérieux planent sur son authenticité. « On croit maintenant à Stuttgart, dit un admirateur de M. de Mortillet, M. Ph. Salmon, qu’il n’était pas dans le sein du gisement quaternaire, et qu’il a été trouvé dans les éboulis de la falaise avec de la poterie. » Dictionnaire des sciences anthropologiques, art. Races humaines. Or c’est un dogme, en préhistoire, que la poterie n’était point encore connue à l’époque quaternaire. La conclusion, c’est qu’il faut écarter le crâne de Canstadt, puisqu’il est convenu qu’on ne prend en considération que ceux dont l’authenticité est hors de doute. M. de Mortillet n’était pas loin de le reconnaître, lorsque, contrairement à M. de Quatrefages, il a refusé d’en faire le type de la race primitive, et qu’il a réservé cet honneur au crâne de Néanderthal.

L’origine quaternaire de ce dernier présente-telle beaucoup plus de garanties ? Il est permis d’en douter. Il fut recueilli, en 1856, auprès de Dusseldorf, dans une alluvion argileuse qui, nous dit-on, a fourni quelques débris d’espèces quaternaires. C’est possible, mais il convient d’ajouter qu’on a aussi trouvé de la pierre polie dans la même alluvion ; ce qui tend à la rapporter à l’époque actuelle. De plus, rien ne prouve qu’on n’ait pas affaire à une sépulture ordinaire. Le cadavre auquel appartenait lé crâne en question gisait, régulièrement allongé, à deux pieds seulement de profondeur, comme celui d’une personne inhumée. Or, s’il s’agit d’une inhumation, l’association avec les espèces fossiles ne prouve plus rien. Aujourd’hui encore nous enterrons parfois nos morts dans des terrains riches en fossiles des diverses époques géologiques. Le chercheur futur qui constatera cette association sera-t-il donc autorisé à en déduire la contemporanéité de l’homme et des espèces animales dont les débris accompagnent les siens ?

Nous pourrions donc récuser le crâne de Néanderthal aussi bien que celui de Canstadt. Mais faisons à nos adversaires la concession de reconnaître cette authenticité. Qu’en faudra-t-il conclure ? Il est vrai que le front est étroit, la voûte crânienne surbaissée et très allongée, les os fort épais et les arcades sourcilières remarquablement proéminentes ; mais rien ne prouve que ce crâne ne soit pas pathologique, comme on l’avait cru au début. Si aujourd’hui on le considère comme normal, c’est qu’on a trouvé les mêmes caractères chez divers personnages historiques et chez un certain nombre de nos contemporains dont l’intelligence est au moins égale à la moyenne. Par sa capacité, le crâne de Néanderthal (fig. 25) est supérieur aux crânes des Australiens, et il atteint presque la moyenne des crânes féminins. Il mesure 1 220 centimètres cubes, alors que le plus vaste crâne de singe mesuré jusqu’ici n’atteint que 355 centimètres. On le voit, quel que soit son âge, le crâne de Néanderthal n’a rien de simien, et l’école transformiste n’a qu’à chercher ailleurs le trait d’union qu’elle prétend exister entre l’homme et la bête.

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25. — Crâne de Néanderthal, vu de profil et de face.

Nous passerons rapidement sur les crânes d’Eguisheim, de Brux, de la Denise et de l’Olmo. Ils reproduisent, en les atténuant, les traits des précédents, et leur authenticité est presque toujours discutable. Le premier a été trouvé, il est vrai, dans un lehm ou alluvion argileuse qui semble bien quaternaire. Cependant on a découvert dans ce même lehm, et à une profondeur considérable, trois cadavres, dont l’un au moins avait dû être inhumé.