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ADAM (PALÉONTOLOGIE)

ciennes divinités. On y voit la création du premier homme par un être suprême, et l’unité du premier couple, ayant pour vêtement une ceinture de feuillage. Études religieuses, mars 1890, p. 448.

Les traditions sur l’origine de l’homme ont encore laissé des débris très reconnaissables dans le nouveau monde et chez bien des peuples sauvages. Nous en mentionnerons seulement quelques-uns. À Brownston (Pensylvanie), une pierre, dont l’enfouissement était d’une date antérieure à Christophe Colomb, portait entre autres figures deux formes humaines, un homme et une femme, celle-ci tenant des fruits à la main. Annales de la littérature et des arts, t. x, p. 280. Dans l’Île de Java, une antique pierre offre un sujet dont on ne peut méconnaître le sens : un homme et une femme se tiennent des deux côtés d’un arbre chargé de fruits, autour duquel s’enroule un serpent. Journal de la Société asiatique de Londres, juin 1832. Au Pérou, le premier homme s’appelle Alpa camasca, « terre animée. » Les Mandans (Amérique du Nord) disent que le Grand Esprit forma deux figures d’argile, qu’il dessécha et anima du souffle de sa bouche, et dont l’une reçut le nom de « premier homme », et l’autre celui de « compagne ». Le grand dieu de Taïti, Tæroa, forma l’homme avec de la terre rouge. — Les Dyaks de Bornéo croient aussi que l’homme a été modelé avec de la terre. — L’argile rouge, comme matière du corps du premier homme, se retrouve encore dans les traditions de la Mélanésie. — En Nouvelle-Zélande, Tiki la pétrit en y mêlant son propre sang. — Chez les Winnebagos, le grand Manitou prit un morceau de son corps et un morceau de terre, et fabriqua ainsi un homme. Voir Andrew Lang, La mythologie, p. 163, 169, Paris, 1886 ; Fr. Lenormant, op. cit., t. i, p. 22.

Ainsi les descendants d’Adam ont emporté sur tous les points du globe, en se dispersant, le souvenir de leur véritable origine, et l'énumération nécessairement incomplète que nous venons de faire des traditions qu’ils ont conservées est une confirmation de la véracité du récit de la Genèse.

E. Palis.
SECONDE PARTIE
LE PREMIER HOMME AU POINT DE VUE SCIENTIFIQUE

On nie aujourd’hui, au nom d’une fausse science, tout ce que l'Écriture nous enseigne sur le premier homme. Nous nous proposons de répondre brièvement à toutes les difficultés qu’on allègue contre les Livres Saints en traitant les trois questions suivantes :

1° Le premier homme lut-il un être intermédiaire entre l’animal et l’homme actuel ? 2° Fut-il un sauvage ? 3° À quelle époque fit-il son apparition?

I. L’origine animale de l’homme. — Pour les partisans du monisme, qui admettent avec toutes ses conséquences la théorie évolutionniste, et rejettent toute idée de création, il n’y a point eu à proprement parler de premier homme. La transformation qui a fini par donner à un ou plusieurs animaux placés dans des conditions favorables les traits qui nous distinguent, a été si insensible, qu’il est impossible non seulement de fixer la date de l’apparition de notre espèce, mais même de dire d’un individu qu’il en fut le premier représentant. Le principal adepte du darwinisme contemporain, Hteekel, nous le dit formellement : ce passage « a eu lieu avec une telle lenteur, qu’on ne peut en aucune façon parler d’un premier homme ».

Le célèbre professeur d’Iéna enseigne cependant que l’espèce qui précéda la nôtre, et à laquelle nous devons l’existence, appartenait à la famille des singes, la première de l’ordre des Quadrumanes. L’homme-singe, qu’on a appelé plus savamment le pithécanthrope ou Vanthropopithèque (de Mortillet), aurait vécu vers la fin de l'époque tertiaire, peut-être même plus tôt, d’après M. de Mortillet, qui lui attribue les silex soi-disant travaillés des couches miocènes de Thenay, près de Pontlevoy. C'était un anthropoïde, frère des anthropoïdes actuels, mais plus rapproché de l’homme par ses caractères anatomiques ou physiologiques ; car personne ne prétend plus aujourd’hui nous faire dériver des singes qui appartiennent à la faune contemporaine, tant est considérable la distance qui nous en sépare (fig. 23).

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23. — Crânes comparés de l’homme et de l’orang.

L’opinion de Darwin, auteur du système transformiste le plus en vogue, ne diffère pas sous ce rapport de celle de son disciple Hæckel. Lui aussi nous fait descendre d’un singe anthropomorphe. C'était, nous dit en résumé le naturaliste anglais, un mammifère velu, pourvu d’une queue et d’oreilles pointues, qui sans doute vivait sur les arbres et habitait l’ancien continent.

Il faut le dire, tous les adversaires de la création de l’homme ne nous font pas descendre du singe. Il semble qu’aux yeux d’un grand nombre ce soit nous faire trop d’honneur encore que de nous attribuer cette origine : c’est à un étage inférieur, tout au plus parmi les marsupiaux ou les didelphes, qu’ils vont chercher nos ancêtres. Du moins reconnaissent-ils que les lois qui président au développement général des êtres s’opposent à ce que nous dérivions d’un quadrumane quelconque. De cet avis sont les professeurs Huxley, d’Angleterre ; Filippi, d’Italie, et Vogt, de Genève, bien que ce dernier ait semblé parfois nous attribuer pour ancêtre le singe actuel, et qu’un jour, peut-être dans un moment d’humeur, il se soit laissé aller à dire qu’il aimait mieux être « un singe perfectionné qu’un Adam dégénéré ».

C’est donc à l’origine animale de l’homme plutôt qu'à son origine proprement simienne que nous avons affaire. Ce point importe assez peu du reste ; car, quelles que soient les divergences de vues qui les séparent relativement à la généalogie humaine, nos adversaires n’en recourent pas moins aux mêmes arguments quand il s’agit de démontrer leur thèse générale : la dérivation de l’homme d’un type inférieur. Nous pouvons donc emprunter ces arguments à Darwin lui-même, le chef du parti.

Ces prétendues preuves sont de trois sortes. Elles consistent : 1° dans la conformation générale du corps de l’homme ; 2° dans le développement de l’embryon humain ; 3° dans la présence chez l’homme d’organes rudimentaires. Exposons-les brièvement.

Première objection. — « Il est notoire, dit Darwin, que l’homme est construit sur le même type général, sur le même modèle que les autres mammifères. Tous les os de son squelette sont comparables aux os correspondants d’un singe, d’une chauve-souris ou d’un phoque. Il en est de même de ses muscles, de ses nerfs, de ses vaisseaux sanguins et de ses viscères internes. Le cerveau, le plus important de tous, suit la même loi… L’homme, a dit Bischoff, est bien plus près des singes anthropomorphes par les caractères anatomiques de son cerveau que ceux-ci ne le sont non seulement des autres mammifères, mais même de certains quadrumanes, des guenons et des macaques. »

L’homme, ajoute Darwin, a les mêmes maladies que ces animaux inférieurs. Il peut en recevoir et leur communiquer la rage, la variole, la morve, etc., « lait qui prouve bien évidemment la grande similitude de leurs tissus et de leur sang. » Les singes sont sujets à un grand nombre d’autres maladies : le catarrhe et la phtisie, par exemple. Ils partagent nos goûts pour le café, le thé, les liqueurs spiritueuses. On en a vu s’enivrer avec de l’eaude-vie, du vin et de la bière forte. « Ces faits prouvent, nous dit-on, combien les nerfs du goût sont semblables