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ADAM (HISTOIRE)

os et la chair de ma chair. Celle-ci s’appellera ʾišša (littéralement, hommesse), parce qu’elle a été tirée de ʾis (l’homme). C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et il s’attachera à sa femme, et ils seront deux dans une même chair, » Gen., ii, 23-24 ; « ils seront [même] une seule chair. » Matth., xix, 6. La phrase « et ils seront deux, » etc., est attribuée par Notre-Seigneur Jésus-Christ à Dieu, qui aurait ainsi complété la pensée d’Adam. Matth., xix, 4. Si c’est Adam lui-même qui l’a prononcée, il n’a pu parler ainsi que dans un esprit prophétique, comme le disent saint Augustin, De Genesi, ix, 19, t. xxxiv, col. 408, et d’autres anciens. Il y en a qui veulent que ce soit une réflexion ajoutée par l’historien sacré. Dans tous les cas, c’est une vérité enseignée par Dieu, et ces paroles expriment à la fois l’institution divine du mariage et la promulgation de ses deux lois fondamentales : l’unité et l’indissolubilité. Dieu a pu tolérer ou même permettre qu’on s’en écartât depuis, « mais il n’en fut pas ainsi au commencement. » Matth., xix, 8.

Le premier homme et la première femme « étaient nus, nous dit la Genèse, ii, 25, et ils n’en avaient point honte ». C’était là un des privilèges de l'état heureux dans lequel Dieu les avait créés. Ils avaient reçu de lui, en effet, outre ce qui était essentiel à leur nature, des dons qui, sans appartenir à l’ordre de la grâce, étaient néanmoins tout à fait gratuits et qu’on appelle pour cela préternaturels. On en compte communément quatre : l’intégrité ou absence de la concupiscence ; une science éminente, qui n’était le fruit ni de l’étude ni de l’expérience ; l’immortalité du corps, et l’exemption de la douleur. Ces dons, avec la grâce sanctifiante selon les uns, sans cette grâce selon les autres, constituaient la justice originelle ou rectitude parfaite dans laquelle l’homme fut créé, Eccli., vii, 30, et qu’Adam perdit par sa désobéissance. Voir Polman, Breviarium theologicum, part, i, n° 483, Paris, 1863, p. 87 ; Hurter, Compendium theol. dogm., 6e édit., t. ii, n° 365, Scholion, p. 270.

IV. Chute d’Adam.

Dieu avait imposé à Adam un commandement pour l'éprouver. Le démon, jaloux de sa félicité, voulut le perdre ; mais, au lieu de s’attaquer directement à Adam, il s’adressa d’abord à Ève, persuadé que par elle il ferait plus sûrement tomber Adam. L'événement lui donna raison. Ève, séduite, mangea du fruit défendu et en apporta à Adam, en lui répétant sans doute les mensongères promesses du tentateur ; ces promesses enflèrent Adam de la même présomption qu’elles avaient inspirée à Ève. S. Chrysostome. Homil. xvi in Genes., 4, t. liii, col. 130 ; il mangea donc de ce fruit à son tour.

La désobéissance d’Adam fut une faute d’une gravité exceptionnelle, à cause de l’importance du précepte qui avait pour but de faire reconnaître à la créature la souveraineté du Créateur, et à cause de la sévérité des menaces dont Dieu l’avait accompagné. Adam fut d’autant plus inexcusable, que Dieu, qui pouvait multiplier les commandements, lui en avait imposé un seul, et des plus faciles. Il réunit de plus en un seul acte un grand nombre de péchés : l’orgueil, par lequel il voulut ressembler à Dieu, Gen., iii, 5, 22 ; la gourmandise, une complaisance coupable envers Ève. La punition suivit de près la faute.

Aussitôt qu’Adam eut mangé de ce fruit funeste, « les jeux de l’un et de l’autre furent ouverts, et, comme ils connurent qu’ils étaient nus, ils cousirent ensemble des feuilles de figuier et s’en firent des ceintures. » Gen., iii, 7. Ils s’aperçurent de leur nudité après leur péché, parce qu’ils avaient perdu le vêtement de la grâce, S. Chrysostome, Homil. xvi in Genes., 3, t. liii, col. 131 ; ils tremblent alors et ils se cachent au milieu des arbres, lorsque, à la brise du soir, ils entendent la voix du Seigneur qui marche dans le paradis. Gen., iii, 8.

Mais « Dieu appela Adam et lui dit : Où es-tu ? » Gen., iii, 9. Adam ne pouvait se méprendre sur cette question : c'était un reproche en même temps qu’une parole de commisération et de bonté. « J’ai entendu votre voix dans le paradis, répondit-il, et j’ai eu peur, parce que j'étais nu, et je me suis caché. » Gen., iii, 10. Dieu lui fait voir, Gen., iii, 11, que c’est son péché qui a mis à nu ce que couvrait la grâce. « Étrange nouveauté dans l’homme, de trouver en soi quelque chose de honteux ! Ce n’est pas l’ouvrage de Dieu, mais le sien et celui de son péché. » Bossuet, Élévations, viie sem., 3e élév. Adam, du reste, au lieu de reconnaître cette bonté et de faire l’humble aveu de sa faute, dit à Dieu : « La femme que vous m’avez donnée pour compagne m’a donné de ce fruit, et j’en ai mangé. » Gen., iii, 12. C’était faire retomber indirectement son péché sur Dieu que d’accuser Ève en ces termes. S. Augustin, De Genesi contra Manichæos, ii, 17, t. xxxiv, col. 209. Le Seigneur s’adresse alors à la femme, puis au serpent, et, après avoir infligé un châtiment à l’un et à l’autre, il revient à Adam : « Parce que tu as écouté, lui dit-il, la voix de ta femme (au lieu de la reprendre, et que, par une excessive complaisance), tu as mangé [du fruit] de l’arbre dont je t’avais défendu de manger, la terre sera maudite à cause de ton péché, » Gen., iii, 17, c’est-à-dire qu’elle sera privée de la bénédiction qui lui faisait porter spontanément ses fruits. « Féconde dans son origine et produisant d’elle-même les meilleurs fruits, maintenant, si elle est laissée à son naturel, elle n’est fertile qu’en mauvaises herbes. » Bossuet, Élévations, vie sem., 13e élév. Elle produira des épines et des ronces, et l’homme se nourrira de l’herbe de la terre. Gen., iii, 18. Il ne faut pas conclure de là, dit saint Augustin, De Genesi ad litter., 18, t. xxxiv, col. 290, que les épines n’existaient pas avant le péché de l’homme ; mais la terre du paradis n’en produisait peut-être pas, et d’ailleurs Dieu a pu permettre que, après le péché, elles aient poussé avec plus de facilité et dans d’autres conditions qu’auparavant. D’autre part, au lieu des fruits délicieux du paradis, qui venaient sans peine, Dieu assigne à Adam une nourriture bien différente, qu’il gagnera péniblement, à savoir, l’herbe de la terre ; ce qui comprend, selon la force du mot hébreu, toute sorte de plantes et de légumes. Ces plantes suppléeront à l’insuffisance des fruits des arbres qu’il trouvera dans les champs ou qu’il plantera lui-même.

Dieu prononça ensuite contre Adam la condamnation annoncée, Gen., ii, 17 : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton visage, jusqu'à ce que tu retournes à la terre de laquelle tu as été tiré ; car tu es poussière et tu retourneras en poussière. » Gen., iii, 19. Au lieu du travail agréable et attrayant du paradis, Adam est ainsi soumis à un travail pénible, et cette vie laborieuse ne sera que l’acheminement vers la mort. La sentence de mort ne fut donc pas exécutée sur-le-champ, mais le travail et les peines de la vie auxquels il fut assujetti commencèrent aussitôt en lui leur œuvre de démolition. Adam, qui devait s’attendre à une mort immédiate, témoigna sa joie de vivre et son espérance de se survivre dans les enfants qui lui naîtraient, en appelant sa femme du nom d’Eve, « la vivante, » ou « celle qui donne la vie », parce qu’elle devint la mère de tous les vivants. Gen., iii, 20. Dieu lui donna dans le paradis une dernière marque de sa bonté et comme un gage de sa providence : « Il fit à Adam et à sa femme des tuniques de peau, et il les en revêtit. » Gen., iii, 21. Ce qui veut dire, d’après plusieurs commentateurs, qu’il leur montra comment ils devaient se les procurer, et qu’ils exécutèrent ses ordres. Ces habits sont un triste indice du changement qui s'était fait dans leur condition : ils en eurent désormais besoin pour couvrir leur nudité, et pour se défendre contre les injures de l’air ; la nature pourvoit au vêtement de tous les animaux, mais l’homme doit se procurer lui-même ses habits.

Il fallut enfin quitter ce paradis, qui ne pouvait être que le séjour de l’innocence, et dont Adam ne devait plus manger le fruit de vie. Des chérubins placés à la porte de l'Éden lui en interdirent l’entrée. Voir Chérubins.

V. Adam depuis sa sortie du paradis jusqu'à sa mort.

Combien de temps avait duré le séjour d’Adam dans