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ACTES DES APOTRES

à Rome, saint Paul l’aurait certainement excepté de la généralité de ce blâme, Phil., ii, 21 : « Tous ne cherchent que leur intérêt, » comme il vient d’en excepter implicitement son fidèle Timothée, ii, 20. Dès lors il est manifeste que ces arguments négatifs, si faibles en euxmêmes, ne sauraient ébranler la tradition constante qui proclame que les Actes sont l'œuvre de saint Luc.

Refusant de reconnaître saint Luc pour l’auteur des Actes, les rationalistes ont imaginé divers systèmes pour expliquer la genèse de ce livre. D’après quelques-uns, les parties où l'écrivain parle à la première personne du pluriel auraient été rédigées par un compagnon des voyages de Paul autre que Luc. Ce compagnon serait Timothée (Schleiermacher, Bleek, etc.), ou Silas (Schwanbeck), ou Titus (Krenkel). Ou bien ce compagnon de Paul aurait écrit tout le livre, ou bien un auteur inconnu aurait transcrit ces mémoires, sans y rien changer, et les aurait ainsi insérés dans un livre composé par lui en vue d’aider à la réconciliation des deux factions qui avaient jusque-là divisé l'Église. Mais de Wette lui-même avoue que l’hypothèse d’auteurs multiples n’explique ni l’uniformité de style qui règne dans tout l’ouvrage, ni la conformité de celui-ci avec le troisième Évangile, ni la manière égale de citer l’Ancien Testament, ni la cohésion étroite de toutes les parties entre elles. De Wette, Lehrbuch der… Einleitung in die kan. Bücher des N. T., § 115 a. Pour ces motifs, de Wette et d’autres admettent pour tout le livre un auteur unique. « Mais cet auteur, disent-ils, ne peut pas être un témoin oculaire des faits qu’il raconte ; car ces faits sont, les uns en contradiction avec les lettres de Paul, les autres incompatibles avec les données de l’histoire ; d’autres supposent chez l'écrivain des renseignements insuffisants. » Ce dernier argument est futile ; quant aux deux autres, nous en donnerons plus loin le développement et la réfutation, lorsque nous parlerons des objections contre la véracité du livre des Actes.

III. Lieu et époque de la composition. — Faute de déterminations précises, on admet comme probable que les Actes des Apôtres ont été composés à Rome, à la fin de la seconde année de la captivité de saint Paul. Le récit, en effet, se termine brusquement à cette époque de la vie de l’Apôtre. Alors saint Luc était encore avec lui. Cette première période de sa captivité était pour l’Apôtre une période pacifique, sans incidents remarquables, ainsi qu’on peut le conclure des derniers versets des Actes. C'était donc aussi pour saint Luc un temps favorable à la rédaction de ses notes sur les travaux apostoliques de son maître. L’an 64 de l'ère vulgaire serait ainsi l'époque de la composition, ou du moins de l’achèvement du livre des Actes.

IV. Intégrité du texte. — Le texte des Actes des Apôtres est parvenu jusqu'à nous sans avoir subi aucune altération importante. Les variantes très nombreuses des manuscrits n’affectent point la substance des récits. Nous en avons pour garants les versions anciennes, la syriaque surtout et la latine, et les nombreuses citations des Pères. Du reste, la critique rationaliste n’a soulevé à ce sujet aucune objection sérieuse.

V. Analyse du texte. — Le livre des Actes se compose de deux parties bien distinctes. Cornely, Introductionis compendium, p. 522-523. — Première partie : Origine et propagation de l'Église parmi les Juifs, i-ix. — Deuxième partie : Origine et propagation de l'Église parmi les Gentils, x-xxviii. Saint Pierre joue le grand rôle dans la première partie ; dans la seconde, c’est l’action de saint Paul qui domine.

Première partie, i, i-ix, 43. — Première section. Fondation de l'Église à Jérusalem, i, 1-n, 47. La fondation de l'Église préparée par la promesse du Saint-Esprit, i, 1-11, et par l'élection d’un nouvel apôtre, i, 12-26. La fondation de l'Église opérée par la descente du Saint-Esprit, ii, 1-13, et par la première prédication de saint Pierre, ii, 14-47. — Seconde section. Propagation et confirmation de l'Église parmi les Juifs de Jérusalem, iii, 1-VII, 59. Un grand miracle opéré par saint Pierre, assisté de saint Jean, devient le signal de nombreuses conversions et d’une persécution violente, iii, 1-iv, 31. La mort tragique d’Ananie et de Saphire sert d’exemple aux fidèles pour les maintenir dans la ferveur, iv, 32-v, 11. De nouveaux accroissements de l'Église provoquent une nouvelle persécution : les Apôtres sont jetés en prison, délivrés par un miracle, défendus par Gamaliel, v, 12-42. Institution des diacres : Etienne, le plus illustre d’entre eux, devient le premier martyr de la foi de Jésus, vi, 1-vn, 59. — Troisième section. Propagation de l'Église dans la Palestine, la Samarie, la Syrie, viii, 1-ix, 43. La persécution, dont saint Etienne fut la victime, disperse les fidèles et propage ainsi la foi dans la Judée et la Samarie, viii, 1-40. Elle est aussi l’occasion de la conversion de saint Paul, IX, 1-30. Pierre visite les Églises fondées en Judée, et y opère deux miracles insignes, ix, 31-43.

Deuxième partie, x, 1-xxviii, 31. — Première section. Les débuts de l'Église parmi les Gentils, x, 1-xii, 25. Pierre, averti par une vision céleste, reçoit dans l'Église le centurion Corneille et sa famille ; ils deviennent les prémices de la gentilité, x, 1-xi, 18. Bientôt s'établit à Antioche une Église composée de païens convertis, si, 19-26. Ceux-ci viennent en aide, par leurs aumônes, aux fidèles de Jérusalem, xi, 27-xii, 25. — Seconde section. Dissentiment entre les fidèles convertis du judaïsme et ceux de la gentilité, XIII, 1 - xv, 34. Premier voyage apostolique de saint Paul, en compagnie de saint Barnabe ; ses fruits abondants pour l’Évangile, xiii, 1-xiv, 27 (28). Après leur retour, quelques judéo-chrétiens d’Antioche troublent l'Église en voulant soumettre les Gentils à la circoncision. Leurs prétentions sont écartées par les Apôtres, assemblés à Jérusalem, xv, 1-34. — Troisième section. Propagation de l'Église parmi les Gentils de la Macédoine, de l’Achaïe et de l’Asie, xv, 36-xxi, 15. Saint Paul, dans son second voyage apostolique, visite les Églises qu’il a fondées, xv, 36-xvi, 5, et, conduit par l’Esprit-Saint en Macédoine, il y établit les Églises de Thessalonique et de Philippes, xvi, 6-xvii, 15. De là il passe en Achaïe, et fonde l'Église de Corinthe, xvii, 16-xviii, 28. Enfin, dans son troisième voyage, il prêche la foi à Éphèse et la répand au loin par toute l’Asie proconsulaire, xix, 1-20, et, en repassant par la Macédoine et l’Achaïe, il retourne à Jérusalem, xix, 21-xxi, 15. — Quatrième section. Captivité de saint Paul, nouveau moyen de propagation de l'Évangile, xxi, 16-xxvin, 31. Saint Paul, fait prisonnier à Jérusalem, est conduit à Césarée, xxi, 16-xxiii, 35. Retenu deux années en captivité, il prêche la foi devant les gouverneurs romains et devant le roi Agrippa, xxiv, 1-xxvi, 32. Envoyé à Rome sur sa demande, il y arrive après avoir subi un naufrage, xxvii, 1-xxviii, 15. Captif à Rome, il y prêche le royaume de Dieu à tous ceux qui viennent à lui, xxviii, 16-31.

Les événements racontés dans les Actes remplissent un espace d’environ trente-cinq ans, depuis le printemps de l’an 29 jusqu’au printemps de l’an 64.

VI. Véracité des Actes des Apôtres. — Elle est attaquée surtout par l'école rationaliste de Tubingue. D’après elle, l’auteur de cet écrit l’a composé dans un but polémique, celui de réconcilier le parti ethnico-chrétien avec le parti des judaïsants. À cette fin, il a arrangé son récit, historique en apparence, de manière que les faits, en partie réels, en partie inventés, fissent apparaître Pierre et Paul comme également favorables aux idées des deux factions, et unis entre eux par les liens d’une concorde fraternelle. Ce n’est pas ici le lieu de démontrer que tout le système des Tubinguiens ne repose sur aucun fondement solide. Il suffit de faire voir comment l’authenticité du livre des Actes conduit à en admettre la véracité.

1° Saint Luc a été parfaitement renseigné sur les faits qu’il raconte. À partir du chapitre xx, il est présent à tous les événements. Compagnon de saint Paul pendant douze années, il a eu toutes les occasions désirables d’apprendre les détails du ministère apostolique de son maître. Quant