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ACHAZ — ACHAZIB

réservant d’en disposer plus tard. De plus, il établit que sur l’autel syrien seraient offerts les sacrifices les plus solennels de chaque jour : celui du matin et celui du soir, offerts au nom de tout le peuple, ainsi que certains autres sacrifices, comme les holocaustes (hébreu : ʿolâh) du roi et les oblations (hébreu : minḥâh) du roi. IV Reg., xvi, 15. Là ne s’arrêta pas son amour sacrilège de la nouveauté. Il y avait autour du temple des bassins d’airain, sorte de lavoirs mobiles, supportés par des bases de même métal, et au nombre de dix. III Reg., vii, 27-28, 37-39. Bases et bassins furent enlevés par son ordre. Il n'épargna pas davantage la mer d’airain, qu’il ôta de dessus les douze bœufs de même métal qui la soutenaient, III Reg., vii, 23-25, et la plaça sans respect sur le pavé de la cour du temple (Septante : « sur un piédestal de pierre, » ἔδωκεν αὺτὴν ἐπὶ βάσν λιθινην, IV Reg., xvi, 17 ; hébreu : « sur un pavé de pierre, » ʿal marṣêfêt ʿâbânim). Ces changements furent faits « à cause » du roi d’Assyrie, IV Reg., xvi, 18, probablement pour rapprocher le culte juif de celui des dieux d’Assur, soit parce qu’Achaz s'était épris d’admiration pour la civilisation et les usages des Assyriens, soit parce que Téglathphalasar obligea le roi de Juda à agir de la sorte. D’autres pensent pourtant que, les trésors du roi et du temple étant épuisés, ibid., v. 8, Achaz avait enlevé ces ornements pour en faire de l’argent et solder le lourd tribut dû au monarque assyrien, ibid., v. 18. Il est certain du moins que tous n’avaient pas été aliénés, car Jérémie atteste que les Chaldéens trouvèrent à Jérusalem la mer d’airain, les taureaux et les bases ciselées, qu’ils emportèrent à Babylone. Jer., lii, 17-20 Le pieux Ézéchias les avait fait probablement rétablir à leur place. II Par., xxix, 19. Les autres modifications faites par Achaz, IV Reg., xvi, 18, sont fort obscures, à ce point que l’auteur de la Vulgate s’est contenté de transcrire de l’hébreu le mot principal, qu’il ne comprenait pas. Achaz, écrit-il, « changea aussi dans le temple du Seigneur, à cause du roi des Assyriens, le musach du sabbat, qu’il avait bâti dans le temple, et l’entrée extérieure du roi. » L’hébreu mûsak (ainsi porte le keri, au lieu du ketib : mêisak), de la racine sâkak, « couvrir, » signifie un lieu couvert quelconque, et n’est employé qu’une fois dans la Bible. Il désigne probablement un portique situé dans le parvis extérieur, par où le roi entrait au temple, pour se rendre.à la place d’où il assistait aux cérémonies. Les Septante ont traduit « la base du siège des sabbats »,τὴν θεμέλιον τῆς καθέδρας τῶν σάϐϐατων, ayant lu mûsâd, « fondement, base, » pour mûsak. Achaz modifia cette installation, on ne sait de quelle manière. Ces avances ne lui servirent d’ailleurs de rien, car Téglathphalasar trouva bientôt un prétexte pour se jeter sur Juda, ravagea tout le pays, et au lieu d’assurer la liberté à ce peuple dont il s'était posé comme le protecteur, il l’asservit. De ce jour, Juda perdit son indépendance. II Par., xxviii, 20. Dans une inscription cunéiforme trouvée à Nimroud, et actuellement conservée au British Museum, entre beaucoup d’autres princes tributaires de Téglathphalasar, on lit le nom d’« Achaz de Juda », Ya-hu-ḥa-zi Ya-hu-da-ai. (Le nom d' Achaz est précédé de Ya, contraction de Jéhovah, et nous en avons là la forme complète, Achaz étant une abréviation de Joachaz.) Western Asiatic Inscriptions, t. ii, p. 67 ; Menant, Annales d’Assyrie, p. 144 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. iv, p. 118-119.

C’est peut-être à cette époque qu’Achaz, tombant dans un noir désespoir, s’abandonna avec fureur à son penchant pour l’idolâtrie ; qu’il fit briser les vases sacrés, fermer les portes du temple, abolir le culte du vrai Dieu et ériger des autels aux idoles dans tous les carrefours de Jérusalem, II Par., xxviii, 24 : époque lugubre, en souvenir de laquelle les Juifs célèbrent encore chaque année une solennité expiatoire. Telle fut la fin d’Achaz, qui mourut à Jérusalem après seize ans de règne, et y fut enseveli, sans partager néanmoins la sépulture des rois de Juda (dans le texte : Israël pour Juda, II Par., xxviii, 27). La perversité de ce roi, sa faiblesse inqualifiable, sa pusillanimité à l’heure du danger, enfin sa maladresse en politique et son impiété envers Dieu, firent de lui un des plus méchants rois de Juda, et sa mémoire est demeurée justement en exécration parmi les Juifs.

ACHAZIB, hébreu : Akzib ; grec : Ἀχαζί, Κεζιϐ, Ἀχζέϐ , Ἐχοζόϐ; latin : Achzib (Jos., xv, 44), Achazib et Achziba.

1. ACHAZIB, ville maritime de la Palestine, située entre Saint-Jean-d’Acre et Tyr (fig. 21). Elle est mentionnée dans Josué, xix, 29, comme appartenant à la tribu d’Aser ; mais les anciens habitants, Chananéens d’origine, n’en purent être chassés. Jud., i, 31. Le changement du zaïn sémitique en d a amené Akdip, comme Gaza est devenu Cadytis, et M’gozan, Mygdon ; de là les Grecs et les Latins ont fait Ἐχκδίππα, Ecdippa. Ptolémée, V, xv ; Pline, V, xvii. Josèphe l’appelle Ἐχκδίππων et Ἐχκδίπους, et la signale comme une place maritime. Bell. Jud., i, xiii, 4. Ailleurs il la nomme Arcê, Ἄρκη). Ant. Jud., V, i, 22. On la trouve dans les tablettes cunéiformes avec le nom d’Ak-zi-bi. Eb. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, 2e édit., Giessen, 1883, p. 170. Dans le Talmud, sous le nom de Kezib ou Guezib, elle est citée comme formant, depuis le retour de la captivité, la limite septentrionale de la Galilée "vers le nord-ouest, sur la route d’Accho à Tyr. Tosiftha, Demoï, ch. 1. Ville forte comme Accho, Talm. de Bab., Eroubin, 64 b, elle possédait une synagogue. Cf. Neubauer, Géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 233.

Eusèbe et saint Jérôme la placent à neuf milles de Ptolémaïde ou Saint-Jean-d’Acre, Onomasticon, au mot Ἀχζίφ, et on l’identifie généralement avec le village actuel d’Ez-Zib. Situé non loin d’une petite baie qui a dû servir autrefois de port à la ville, il est assis plus au nord sur une colline qui constituait l’acropole de la cité basse. « Ce monticule était jadis entouré d’un mur d’enceinte, dont on distingue encore des traces du côté de l’est. La plupart des maisons actuelles ont été bâties avec des matériaux antiques. Les jardins qui entourent ce village sont bordés soit de cactus, soit de vieux tamaris, et renferment beaucoup d’arbres fruitiers, au-dessus desquels de jolis palmiers dressent çà et là leur tige élancée et leur tête verdoyante. » V. Guérin, Descript. de la Pal., Galilée, t. ii, p. 164.

Sennachérib, dans sa campagne contre Ézéchias, roi de Juda, s’empara de cette ville, et la mentionne entre U-su-u (Hosah, Kh. Ezziyah) et Ak-ku-u (Accho). Prisme de Taylor ou Cylindre C. de Sennachérib ; Cuneiform inscriptions of Western Asia, t. i, pl. 38-39 ; Schrader, ouvr. cit., p. 288.

2. ACHAZIB, ACHZIB, ville de la tribu de Juda, citée entre Céïla et Marésa. Jos., xv, 44. Le texte hébreu la mentionne également dans Michée, i, 14 ; car « cette maison de mensonge », qui d’après la Vulgate sera « pour la déception des rois d’Israël », n’est autre dans l’original que la ville d’Achzib, qui, en tombant plus tard aux mains de l’ennemi, « trompera » la confiance purement humaine de la puissance royale. Par un de ces jeux de mots familiers aux Orientaux, et assez fréquents dans les Livres Saints, le prophète trouve dans le nom même (racine kâzab, « mentir » ) un présage des châtiments qu’il annonce. Dix villes sont mentionnées de la même façon dans cette prophétie ; or, parmi les cinq dernières, dont la situation au sud-ouest de la Palestine est bien connue, comme Lachis (Oumm-el-Lakis), Marésa (Kh. Mérach) et Odollam (Aïd-el-Ma), on remarque également Achzib. Sa position est donc naturellement indiquée, et le nom semble s'être conservé dans celui d’Aïn el-Kezbéh, près de Beit-Nettif. Cette identification est confirmée par le témoignage d’Eusèbe et de saint Jérôme, qui nous disent que, de leur temps, « Chazbi (Achzib) était un endroit désert, près d’Odollam,