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AGHAN — AGHAZ


l’ordre de Josué, qui avait expressément voué à l’anathème, c’est-à-dire à la destruction, la ville avec tout ce qu’elle renfermait d’hommes et de butin. Jos., vi, 17. C'était une sorte de consécration religieuse que cet anéantissement de la première ville conquise en Chanaan, exécuté en reconnaissance des droits souverains de Jéhovah, aussi bien que pour inspirer aux autres villes une terreur salutaire. Dès lors, désobéir à cet ordre devenait un sacrilège digne de la vengeance de Dieu. C’est dans ce crime que tomba Achan, en dérobant après la prise de la ville un manteau d'écarlate, plus deux cents sicles d’argent et une règle d’or de la valeur de cinquante sicles. Jos., vii, 21. Le manteau, ʾaddéreṭ, dont il est question n'était pas un habit vulgaire, comme la tunique de dessous, keṭonêṭ, Lev., xvi, 4, ni comme la large robe, ṡimlâh, Gen., IX, 23, qu’on portait par-dessus ; mais l’ample et luxueux pallium que portaient les rois, fait d'étoffe précieuse, parfois rehaussé de broderies d’or et d’argent, Eccle., ix, 8 ; Ezech., xvi, 10, et qu’on mettait les jours de fête et dans les cérémonies. IV Reg., v, 5. On le nommait aussi, et à cause de cet emploi extraordinaire, ḥǎlîfôṭ, c’est-à-dire vêtement qu’on change, ou qu’on ne garde pas longtemps. Les femmes israélites en confectionnaient de cette sorte, Prov., xxxi, 22 ; mais le plus souvent on les faisait venir de l'étranger, et en particulier de Babylone, dont la réputation en cette matière était universelle. C’est sans doute ce que signifie l’hébreu ʾaddéreṭ Šineʿâr, « manteau de Sennaar » (Babylone était situé dans la plaine de Sennaar), que saint Jérôme a traduit, on ne sait pourquoi, par pallium coccineum. Cf. Fillion, Atl. archéol., pl. ii, fig. 13-15 ; pi. lxxx, fig. 6-8 ; pl. lxxxi, fig. 7-9 ; pl. lxxxii, fig. 3. Les sicles d’argent dérobés avec ce manteau étaient, selon la forme de la monnaie en usage à cette époque, des morceaux de métal pesant chacun un sicle, et peut-être marqués d’une estampille indiquant leur poids. Si le šéqél d’argent du temps des Machabées avait le même poids que celui du temps de Josué, comme on peut le supposer, les deux cents sicles dérobés représenteraient une valeur monétaire de cinq cent soixante-six francs. La règle d’or, appelée dans l’hébreu lešôn zâhâb, « langue d’or, » était peut-être une lame en or massif, employée comme bijou. Sa valeur était de cinquante sicles d’or, environ deux mille francs, le sicle d’or valant douze sicles d’argent. II Reg., xxiv, 24 ; cf. I Par., xxi, 25. Voir Sicle.

Tel était le crime d’Achan. Il avait été commis en secret, et secrètement aussi le coupable avait enfoui tous ces objets au milieu de sa tente, attendant le moment où il pourrait les utiliser sans péril. Mais Dieu révéla lui-même sa prévarication. Sous les murs de la petite ville d’Haï, les troupes de Josué venaient d’essuyer une défaite si ignominieuse et si inattendue, qu’elle ne pouvait être qu’un châtiment du ciel ; et, dans cette pensée, Josué et les anciens d’Israël étaient demeurés jusqu’au soir prosternés devant l’arche sainte, se plaignant à Dieu et demandant l’explication de ce mystère. À la fin du jour, la voix du Seigneur s'était fait entendre, dénonçant le crime sans désigner l’auteur, déclarant que la protection du Seigneur ne serait plus sur Israël tant que le coupable ne serait pas exterminé avec tout ce qui lui appartenait, et indiquant enfin la marche à suivre pour le découvrir : c'était la voie du tirage au sort, d’abord entre les tribus, puis entre les familles, enfin entre les maisons et les individus. Le texte hébreu désigne moins clairement que la Vulgate ce mode d’investigation. Au lieu du mot « sort », Jos., vii, 14, on y lit « Jéhovah », ce qui a donné lieu à différentes explications. Les talmudistes disent que, tous les Israélites ayant défilé l’un après l’autre devant l’arche, le coupable fut retenu comme par une main invisible, et ainsi désigné au peuple. D’autres ont imaginé que, les douze tribus ayant passé devant le rational du grand prêtre, la pierre de smaragde, qui représentait Juda, s’obscurcit tout à coup jusqu'à devenir noire : on aurait recouru à un autre procédé pour découvrir la famille, la maison et l’individu. La plupart des exégètes pensent que ce procédé, aussi bien pour la première investigation que pour les suivantes, fut la consultation mystérieuse par l’urim et le thummim, si fort en usage parmi les Juifs dans les dangers et les difficultés. Voir Urim et Thummim. Il est à remarquer que dans ce passage, Jos., vu, 14-18, notre même terme latin tribus, répété quatre fois, est rendu en hébreu trois fois par le mot šebet, v. 14 et 16, et une fois par celui de mattéh, v. 18, l’auteur se servant de l’un ou de l’autre selon le point de vue du moment ; car šebet désigne plutôt la tribu dans sa cohésion politique, tandis que mattéh vise surtout la multitude des éléments qui la composent. Cf. Jos., xiii, 33 ; xviii, 2-4. Cette remarque, faite au passage, réduit à néant le système des rationalistes, qui prétendent donner au livre de Josué deux auteurs différents, parce que, d’après eux, plusieurs expressions, et entre autres celle de šebet à l’exclusion de mattéh, et réciproquement, seraient des caractéristiques de deux fragments du livre essentiellement distincts. Cf. Nachtigal, dans Heukes Magasin, IV, h, p. 362 et suiv. ; Bertholdt, Einleitung, t. iii, p. 849 et suiv. ; Van Heverden, Disputatio de libro Josue, etc.

Achan découvert confessa humblement sa faute, et l’on trouva, enfouis dans le sol de sa tente, les objets qu’il s'était appropriés. Il n’y avait plus qu'à exécuter sur le coupable la sentence prononcée par Dieu. À quelque distance de là, dans le voisinage de Galgala, s'étendait une large vallée, sur les collines de laquelle pouvait s'étager tout un peuple de spectateurs. Il s’y trouvait aussi, et en grande quantité, des pierres descendues des hauteurs voisines ou roulées par le torrent. Ce fut l’endroit désigné par Josué pour le lieu de l’exécution. Achan y vint, conduit par le peuple, avec ses fils et ses filles, ses troupeaux de bœufs, d'ânes et de brebis. On y apporta aussi sa tente, tous les objets à son usage, enfin le manteau de Sennaar, les sicles d’argent et la règle d’or, qui furent accumulés en une seule masse avec les victimes. Alors Josué donna le signal, en prononçant une courte formule imprécatoire, dans laquelle, par le changement d’une lettre en une autre (n, כ, changé en r,ר, à la fin du nom d’Achan), il tira du nom même du coupable la signification de son châtiment : ʿAkarṭànû yaʿekorkâ Yehovâh. « Tu nous as troublés, Jéhovah te troublera. » Jos., vii, 25. À ces paroles, une grêle de grosses pierres tomba sur le coupable et les autres victimes vouées à la mort, et bientôt, leurs cadavres avec les objets destinés à la destruction ayant été consumés par le feu, il ne resta d’Achan et des siens qu’un monceau de cendres sur lequel les Juifs élevèrent un amas de pierres, pour demeurer le mémorial du crime et du châtiment. La vallée elle-même reçut le nom de cet événement ; elle s’appela « vallée d’Achor », ʿAkôr, « troublant ». Cf. Osée, II, 15 ; Is., lxv, 10. À l'époque où l’auteur du livre de Josué racontait cet épisode, le monument était encore debout. Jos., vii, 26. Le châtiment d’Achan a souvent servi d’exemple aux saints Pères et aux auteurs spirituels pour faire ressortir la gravité du péché de sacrilège.

ACHAR (hébreu : ʿÊqer, se dit d’une plante déracinée et transplantée ; au figuré, étranger établi dans un pays ; Septante : ἀκόρ), troisième fils de Ram, de la tribu de Juda. IPar., ii, 27.

ACHAT. Voir Échange, Commerce.


ACHAZ (hébreu : ʾAḥâz, « possesseur, » ou plutôt, en sous-entendant Yo ou Yeho, « Jéhovah possède ; » Septante : Ἄχαζ), roi de Juda de 744 à 728 avant J.-C, fils et successeur de Joatham. Il était âgé à son avènement au trône de vingt ans d’après la Vulgate, de vingt-cinq d’après le keri du texte hébreu, les Septante, les versions syriaque et arabe et quelques manuscrits latins, II Par., XXVIII, 1 ; ce qui paraît se concilier mieux avec les vingt-cinq ans qu’avait Ézéchias, fils d’Achaz, quand il succéda à son père, qui en avait régné seize ; autrement il faudrait dire,