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ACHAB

rois à son aide. Pour me faire la guerre et me livrer bataille, ils se dirigèrent contre moi. Par le secours puissant que me prêta Âssur le Seigneur, par les armes puissantes que m’accorda le grand protecteur qui marche devant moi, je combattis. De Qarqar à Gilsau, je causai leur défaite. Je tuai par mes armes quatorze mille de leurs combattants. Comme le Dieu Ramman, je fis surgir contre eux une tempête, je couvris la surface des eaux de leurs… ; je terrassai par mes armes leurs nombreuses années ; de leurs cadavres la plaine fut jonchée. » La description de la défaite se poursuit dans des termes dont la signification précise n’est point toujours facile à déterminer ; mais on ne saurait douter, même en faisant la part de la jactance habituelle des monarques assyriens, que Binidri de Damas et ses douze alliés n’aient subi aux environs de Qarqar un désastre complet.

Cette défaite dut montrer à Achab combien le prophète avait eu raison de blâmer son alliance avec le roi de Syrie. Du reste, la paix conclue avec Bénàdad ne devait pas être de bien longue durée. Trois ans après la bataille d’Aphec, Ramoth, ville du pays de Galaad, qui d’après les traités aurait dû appartenir au roi d’Israël, était encore au pouvoir de Bénadad, soit que celui-ci eût refusé de la rendre, soit plutôt qu’il eût, pour un motif ou pour un autre, envahi de nouveau le territoire de son allié. Achab résolut d’arracher de vive force cette place à son belliqueux voisin.

En ce temps-là, Josaphat, roi de Juda, qui neuf ou dix ans plus tôt avait eu la malencontreuse idée d’unir son fils Joram à Athalie, la trop digne fille de Jézabel, II Par., xxi, 6 ; IV Reg., viii, 26, vint faire visite à Achab. Celui-ci, plein de ses idées de guerre contre Bénadad, entreprit de gagner Josaphat à sa cause. Il le reçut dans Samarie avec de grandes démonstrations de joie, II Par., xviii, 2, et parvint à conclure une alliance avec lui, dans le but de chasser le roi de Syrie de la ville de Ramoth. Inquiet pourtant >ur les conséquences que pourrait bien avoir cette campagne, Josaphat demanda à consulter le Seigneur. Achab, et c’est encore là un trait à noter, si l’on veut se rendre compte du caractère et des infidélités de ce prince, trouva immédiatement autour de lui quatre cents prophètes environ, qu’il ne faut sans doute pas confondre avec les quatre cents prêtres d’Astarté, puisqu’ils se disent inspirés par Jéhovah, III Reg., xxii, 24, mais qui paraissent avoir été à la solde du roi simplement pour exercer la divination et lui prédire des choses exclusivement agréables. Le résultat de la consultation fut tel que le voulait Achab : « Montez à Ramoth, le Seigneur la livrera entre vos mains. »

Josaphat n’accepta point cette décision, dictée par l’intérêt et la servilité ; il réclama un prophète du Seigneur. Achab dut envoyer chercher le fils de Jemla, Michée, qu’il détestait pour sa fidélité à prédire l’exacte vérité, fût-elle désagréable au bon plaisir du roi. Michée vint donc, et après une réponse ironique, conforme aux désirs d’Achab, il annonça résolument la défaite des troupes d’Israël. Achab fit saisir et jeter dans une dure prison le prophète du Seigneur, bien résolu à ne pas tenir compte de ses avertissements. Le pieux Josaphat, malgré la prédiction de Michée, et croyant peut-être qu’il devait faire honneur à une parole déjà donnée, ne sépara point sa cause de celle de l’impie Achab, ce dont le prophète Jéhu le blâma dans la suite. II Par., xii, 2.

Tous les deux allèrent donc présenter la bataille au roi de Syrie sous les murs de Ramoth. Au moment d’engager l’action, Bénadad donna l’ordre aux trente-deux chefs de ses chariots de diriger leur attaque contre la personne même d’Achab. Celui-ci, soit qu’il eût eu connaissance des intentions de son ennemi, soit plutôt qu’il craignit l’effet de la prédiction de Michée, se déguisa pour n'être point reconnu dans le combat. Vaine précaution ! Pendant que Josaphat, revêtu de ses habits royaux et poursuivi quelque temps par erreur comme étant le roi d’Israël, échappait à la mort, Achab était atteint d’une flèche lancée comme au hasard par un soldat sans nom. Grièvement blessé, le prince fit sortir son char de la mêlée, sans toutefois déserter le champ de bataille. Il eut le courage, pour soutenir l’ardeur de ses soldats, de rester debout, la face tournée vers les Syriens, malgré les flots de sang qui inondaient son char. Le soir il expirait, et toute l’armée dut se disperser. On rapporta le corps du roi à Samarie, où il fut enseveli, et quand on lava son chariot dans la piscine de cette même ville, les chiens vinrent lécher son sang. La première prophétie d'Élie, III Reg., xxi, 19, d’après laquelle les chiens devaient lécher le sang d’Achab au lieu même où ils avaient léché le sang de Naboth, par conséquent à Jezrahel, ne se trouvait donc vérifiée qu’en partie ; mais on se rappelle que la pénitence du roi avait lait modifier la sentence du Seigneur, qui en renvoyait le plein accomplissement au temps de son fils, III Reg., xxi, 29, et l’on verra plus tard, en effet, IV Reg., ix, 25-26, Jéhu, en souvenir de cette prophétie, jeter le cadavre de Joram dans le champ même de Naboth. Le reste des actions d’Achab, les palais, les villes qu’il fit construire, tout cela était consigné au livre des Annales des rois d’Israël, livre qui n’est point parvenu jusqu'à nous.

Ainsi disparut, en attendant la pleine vengeance de Dieu sur sa postérité, un des plus mauvais princes qui ait gouverné le peuple d’Israël. Son manque absolu de solides convictions religieuses, sa faiblesse de caractère et ses passions, qui parfois confinent à la puérilité, III Reg., xxi, 4, ont fait de lui une sorte de grand enfant gâté, tombé entre les mains d’une femme hardie, insolente, audacieuse, qui sut l’amener à perpétrer tous les crimes, ou les exécuter elle-même avec son assentiment. Sa plus lourde faute fut assurément d’installer dans sa capitale le culte de Baal et d’Astarté, et de se prêter à la persécution des fidèles serviteurs de la loi mosaïque. Chez un peuple où toute déviation du culte du vrai Dieu devait amener, non seulement à la longue et par la force des choses, mais encore, au besoin, par l’intervention positive de Dieu, un châtiment terrible, le crime d’idolâtrie se doublait nécessairement du crime de lèse-nation. Après trois ans d’une famine que le peuple avait dû supporter en expiation de cette faute, Élie pouvait lui dire en toute assurance : « Ce n’est pas moi, mais toi qui troubles Israël, en abandonnant les commandements du Seigneur. » III Reg., xviii, 18. Ce qui rend ce prince plus inexcusable encore, c’est que jamais Dieu ne lui ménagea ses avertissements. Les prophètes du Seigneur, dont le ministère surnaturel jouait en Israël un rôle si considérable, ne manquèrent jamais de lui dénoncer ses crimes et les châtiments qui devaient suivre, III Reg., xviii, 1 ; xxi, 21 ; de le prévenir des dangers que les attaques de l’extérieur, III Reg., xx, 22, ou les fautes de sa politique, III Reg., xx, 42, faisaient courir à son royaume ; enfin de lui fournir des preuves immédiates de la bonté de Dieu à son égard, sitôt qu’il donnait le plus léger signe de repentir. III Reg., xviii, 41 ; xxi, 29. Mais toutes ces attentions de Dieu furent en pure perte : Achab aima mieux subir la domination d’une femme exécrable, adorer les faux dieux, écouter ses devins ; il périt donc pour l’avoir bien voulu. Après cela, qu’il ait eu un certain goût pour les arts, pour l’embellissement de ses palais et de ses villes, III Reg., xxii, 39 ; qu’au dernier moment il ait même montré quelque force d'âme en face de l’ennemi, c’est justice de le constater avec l'écrivain sacré, III Reg., xxii, 35 ; mais, en vérité, il faudrait autre chose pour racheter ses fautes et ses crimes devant le tribunal de l’histoire.

L. Méchineau.

2. ACHAB, fils de Colias, faux prophète, sorti des rangs des Hébreux déportés à Babylone par Nabuchodonosor. Il n’est lait mention de lui que dans Jérémie, qui, au nom de Dieu, le menace ainsi que ses sectateurs, et lui prédit que s’il continue à prêcher le mensonge et à vivre, comme