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119 ACCUSÉ — ACHAB 120

pas plaider sa propre cause, il ne manquait jamais d’un parent, d’un ami ou d’un défenseur charitable, qui prenait en main ses intérêts et présentait ses défenses au tribunal : ce qui était d’autant plus facile, que, les jugements étant toujours rendus aux portes de la ville, ou au moins, en dehors de la Judée, dans un lieu très public, tous, même un inconnu, un étranger, pouvaient venir au secours de l’accusé, comme nous le voyons dans le jugement de Susanne, qui fut sauvée au dernier moment par l’intervention inattendue de Daniel, Dan., XIII, 45-63. Cette liberté de la défense est soigneusement enseignée dans la Mischna, traité Sanhédrin, v, 4, édit. Surenhusius, part, iv, p. 232. Tel était aussi l’usage romain, comme nous l’apprenons par l’affirmation très précise de saint Paul. Act., xxiv, 19. Aussi le même Apôtre, accoutumé à ces usages des Juifs et des Romains, se plaignit deux fois d’avoir été frappé de verges, sans qu’on eût discuté sa cause et entendu sa défense. Act., xvi, 37 ; xxii, 25.

L’aveu du crime, fait par l’accusé, n'était jamais suffisant pour le faire condamner. Quelle que soit la force probante de l’aveu judiciaire dans les matières civiles, et même dans les matières criminelles non capitales, néanmoins, dès qu’il s’agit de la vie d’un homme, l’aveu seul de son crime peut n'être pas suffisamment concluant pour entraîner la conviction des juges. Aussi, chez les Romains, le juge ne pouvait condamner à mort sur le seul aveu de l’accusé ; il fallait au moins que le corpus delicti fût bien établi d’ailleurs, L. 1, § Divus Severus, et § Si quis ultro, D., De quæstionibus, XLV1II, xviii : décision très sage, car il peut se faire, comme on le déduit de ces textes, qu’un aveu de ce genre soit donné dans un moment de crainte, d’exaltation, de folie ou de désespoir. Cf. Voet., ad Pandectas, de Confessis, n° 2. C’est ce qu’avaient aussi compris les Hébreux : dans leur procédure criminelle, jamais l’aveu ne suffit pour faire condamner à mort. Achan avoue son crime, mais son aveu n’est que le commencement d’une enquête, qui, en établissant clairement le corpus delicti, ne laisse aucun doute sur la culpabilité de l’accusé, Jos., vii, 10-26 ; Jonathas avoue son délit, mais il était notoire, ayant eu le peuple entier pour témoin. I Reg., xiv, 25-28. Aussi les commentateurs juifs disent-ils que, d’après la Loi, aucun homme ne peut être mis à mort sur son aveu personnel. Voir Maïmonide et Bartenora, dans leurs commentaires sur la Mischna, traité Sanhédrin, vi, 2, édit. Surenhusius, part. iv, p. 234. Nous ne trouvons dans la Bible qu’une exception à cette règle : sur la seule déclaration de cet Amalécite qui prétend avoir tué Saül, David le fait mettre à mort. II Reg., i, 1-16. Quelques auteurs expliquent cette justice sommaire en la présentant comme une exécution militaire, exigée d’ailleurs par la nécessité pressante où se trouvait David de venger l’honneur de la royauté, de mettre en sûreté pour l’avenir la vie des rois d’Israël, et de se mettre lui-même à l’abri de tout soupçon de connivence avec celui qui se déclarait le meurtrier de Saül. Cf. Michælis, Mosaisches Recht, §295, 305, t. vi, p. 113, 163.

Jamais non plus l’accusé ne pouvait être mis à mort ni sur la révélation d’un prophète, ni sur une désignation faite par le sort. « Notre Loi ne condamne personne à mort sur le dire d’un prophète qui déclare qu’un tel a commis ce crime, » dit Maïmonide dans son commentaire sur la Mischna, à l’endroit cité. C'était là, en effet, une voie trop extraordinaire et trop sujette à l’erreur, pour que les juges pussent s’en contenter dans l’administration de la justice, surtout criminelle. Quant au sort, on pouvait, dans certains cas, y avoir recours, voir Sort ; mais c'était seulement pour rechercher le coupable, jamais pour le condamner ; il fallait encore, indépendamment du sort, des preuves décisives pour que le juge fût autorisé à porter la sentence : c’est ce que nous voyons dans les exemples cités plus haut, d’Achan et de Jonathas, qui sont les deux seuls cas de jugements criminels rapportés par l'Écriture où l’on ait eu recours au sort pour découvrir les coupables. Le sort désigne Achan et Jonathas comme coupables, mais leurs crimes furent clairement prouvés d’ailleurs : celui d’Achan, par son aveu et l’enquête qui le suivit ; celui de Jonathas, par son aveu et la notoriété du fait.

L’accusé n'était jamais soumis à la torture : nous n’en voyons aucun exemple ni même aucune trace dans tous les cas de jugements rapportés par l'Écriture ; il n’en est pas question dans la loi de Moïse. Nous trouvons bien, Deut., xxv, 2, mentionnée la flagellation, qui, chez les Grecs et les Romains, était un mode assez ordinaire de torture ; mais par le contexte nous voyons que cette exécution n'était pas du tout une forme de torture destinée à arracher des aveux à l’accusé, mais bien une peine destinée à punir des délits déjà clairement prouvés. La torture apparaît pour la première fois dans la Palestine après la conquête romaine ; Hérode y a recours pour découvrir les coupables. Josèphe, Bell. jud., i, xxx, 2-7. Saint Matthieu, xviii, 34, mentionne certains exécuteurs qui manifestement, d’après le nom qu’il leur donne, βασανισταί (Peschito : menagdoné’ ; Vulgate : tortores), avaient parmi leurs fonctions celle d’appliquer les accusés à la question. L’apôtre saint Paul fut menacé de la torture, laquelle fut même décrétée contre lui, et il n’y échappa qu’en déclarant qu’il était citoyen romain. Act., xxii, 24-29. La torture était donc à cette époque en usage dans la Palestine : c'étaient les vainqueurs qui l’avaient importée dans le pays conquis ; jusque-là le peuple hébreu l’avait complètement ignorée. Dans les intervalles de la procédure, par exemple, avant le prononcé du jugement, ou avant son exécution, l’accusé était gardé à vue. Lev., xxiv, 12 ; Num., xv, 34. Cf. Jer., xx, 2 ; xxix, 26 ; xxxviii, 6. Lorsque l’accusé était pleinement convaincu, la sentence était portée, et l’exécution suivait sans délai. Voir Jugement.

S. Many.

ACELDAMA. Voir Haceldama.

ACHAB, hébreu : ʾAhʾâb, « frère de père ; » par contraction, une fois ʾÉḥâb, Jer., xxiv, 22 ; Septante : Ἀχαάϐ.

1. ACHAB, roi d’Israël, succéda à Amri, son père ; il eut pour capitale Samarie ; son règne dura vingt-deux ans, de 918 à 897, suivant les chiffres peut-être altérés du texte biblique sous sa forme actuelle, III Reg., xvi, 29 ; de 875 à 854, d’après les monuments assyriens. Voir E. Schrader, Die Keilinschriften und das alte Testament, Giessen, 1883, p. 458 et suiv.

Achab surpassa en impiété tous ses prédécesseurs. Il épousa Jézabel, fille d’Ethbaal, que la Bible appelle roi de Sidon, et Josèphe, roi de Tyr et de Sidon, Antiq. jud., VIII, xiii. Ce mariage fut pour Achab la source de presque toutes ses fautes et de tous ses malheurs. Esprit inquiet, nature entreprenante et audacieuse, comme la qualifie Josèphe, loc. cit., Jézabel exerça sur le faible monarque une influence néfaste. Fille d’un prêtre de Baal et d’Astarté, qui n’avait pas craint de tremper les mains dans le sang de son frère pour arriver au trône (Ménandre, cité par Josèphe, Cont. Apion., i, xviii), elle sembla avoir hérité de son père le zèle idolâtrique avec la cruauté. Sans égard pour les croyances religieuses du peuple dont elle était devenue la reine, elle s’attacha à faire prévaloir les divinités phéniciennes sur le vrai Dieu d’Israël. Achab, loin de lui résister, eut la faiblesse, pour lui complaire, de bâtir dans Samarie un temple sacrilège, où il vint lui-même se prosterner devant les dieux de Jézabel, Baal et Astarté. Voir I (III) Reg., xvi, 33, où l’hébreu porte ʾAšêrâh. Bientôt après, la persécution religieuse sévit durement contre les adorateurs du vrai Dieu, et pendant que Baal comptait quatre cent cinquante prêtres, et Astarté quatre cents, les prophètes du Seigneur tombaient sous les coups de l’implacable reine, ou n'échappaient à la mort qu’en se réfugiant dans les cavernes. III Reg., xviii,