était le premier chef : voilà pourquoi tous pouvaient se porter comme accusateurs.
L’accusateur, chez les Hébreux, présentait sa requête de vive voix ; tel, au moins, paraît avoir été l’usage. Généralement l’accusateur paraissait devant les juges en même temps que l’accusé ; c’était l’usage romain au temps de Notre Seigneur ; nous l’apprenons par saint Paul. Act., xxv, 16 ; cf. xxiii, 30, 35 ; xxiv, 8. C’était aussi l’usage des Hébreux, comme nous le voyons par les exemples de jugements mentionnés dans la Sainte Écriture ; nous ne trouvons qu’une exception : dans le jugement de Naboth, III Reg., xxi, 8-14, l’accusatrice Jézabel ne paraît pas devant les juges de Jezrahel ; il est probable que sa qualité de reine l’en exemptait ; du reste, comme on le voit dans le texte sacré, l’intervention de Jézabel dans ce jugement, ou plutôt dans cette iniquité, était moins une accusation qu’un odieux complot entre elle et les juges.
Dans le droit romain, suivi en cela par le droit canonique, l’accusateur proprement dit ne peut être témoin, sinon dans les affaires de peu d’importance. La raison en est que, comme nous l’avons dit, l’accusateur fait la cause sienne, s’engage à prouver son attaque, et s’expose, en cas d’insuffisance de preuves, à des peines très graves. Or, de par le droit naturel, nul ne peut être témoin dans sa propre cause. Il n’en était pas ainsi chez les Hébreux ; autant que nous pouvons en juger par les exemples rapportés dans la Sainte Écriture, l’accusateur pouvait être témoin : dans le jugement de Susanne, Dan., xiii, les deux vieillards accusateurs furent témoins, et les deux seuls témoins ; dans le jugement de Salomon, III Reg., iii, 16-28, la femme qui traduit sa voisine devant le tribunal du roi remplit à la fois les deux rôles d’accusatrice et de témoin. La raison de cette différence, c’est que dans la coutume hébraïque l’accusateur ne fait pas la cause sienne, qu’il ne s’engage pas à prouver son attaque, et qu’il n’est puni qu’en cas de calomnie délibérée et clairement prouvée. Il est probable, en conséquence, que lorsque l’accusateur était témoin, il pouvait servir à compléter le nombre de deux ou trois témoins requis par la loi pour rendre une sentence en matière criminelle. Voir Témoin. Toutefois quelques commentateurs pensent que, dans ce cas, il fallait encore nécessairement deux autres témoins, distincts de l’accusateur, et que tel était le sens de la formule mosaïque : « deux ou trois témoins. » Tel est le sentiment de Michælis, Mosaisches Recht, § 299, t. vi, p. 126 ; Saalschütz le réfute sur ce point. Das mosaische Recht, k. 88, p.604. Dans le jugement de Susanne, les vieillards étaient à la fois accusateurs et témoins ; comme ils étaient deux, leur témoignage parut suffisant ; Daniel ne fit pas de reproche aux juges sur ce point. C’est aux juges à apprécier, d’après toutes les circonstances, la valeur du témoignage de l’accusateur, et à en tenir le compte qu’il mérite.
La peine portée contre l’accusateur qui accuse calomnieusement n’est pas spécialement et explicitement exprimée dans la loi de Moïse ; elle se déduit de la peine portée contre les faux témoins, parce qu’en effet l’accusateur pouvait être témoin, et l’était même souvent, et que d’ailleurs la loi pénale qui vise les témoins est conçue en des termes généraux qui s’appliquent aussi bien à l’accusateur. Nous lisons, Deut., xix, 16-21 : « Si un faux témoin s’attaque à un homme, l’accusant d’avoir violé la loi, et que celui-ci le nie, ils se présenteront tous deux devant le Seigneur, en la présence des prêtres et des juges qui seront en charge en ce temps-là, et lorsque, après une très exacte recherche, ils auront reconnu que le faux témoin a avancé une calomnie contre son frère, ils le traiteront comme il avait le dessein de traiter son frère. » On voit que ce texte s’applique aussi bien à l’accusateur qu’au témoin. La coutume, du reste, a ainsi entendu la loi. C’est la peine du talion qui est ici décernée contre les faux témoins. Or les Hébreux infligeaient cette peine aussi bien à l’accusateur qui calomniait qu’au faux témoin. Dans l’affaire de Susanne, les deux vieillards sont punis de mort, Dan., xiii, 61-62, parce qu’ils avaient voulu faire infliger cette peine à leur victime, l’adultère étant puni de mort ; le texte sacré dit même expressément qu’on les mit à mort pour leur faire souffrir le même mal qu’ils voulaient faire souffrir à un autre, et pour exécuter la loi de Moïse : ce qui est une allusion évidente au passage signalé du Deutéronome, et même une citation partielle de ce passage. Dans l’affaire de Naboth, mis à mort à la suite de l’accusation calomnieuse de Jézabel, Dieu lui-même se chargea d’exécuter la peine du talion contre cette femme impie, qui en sa qualité de reine échappait à la justice humaine ; il la menaça d’abord de cette peine, III Reg., xxi, 23, puis il l’exécuta, IV Reg., ix, 30-37.
ACCUSÉ. Ce mot, qui est corrélatif du mot accusateur,
se présente naturellement, dans la Bible, avec la plupart
des sens correspondants à ceux de ce dernier terme ; ils
sont signalés dans l’article précédent. Ici nous ne prenons
ce mot accusé que dans son sens judiciaire.
Chez les Hébreux, l’accusé était tout individu traduit devant les juges sous la prévention d’un crime qui lui était imputé, ou par un accusateur ou dénonciateur, ou par un bruit public, ou à la suite d’une enquête judiciaire. C’est exactement le reus des Latins. Les Hébreux ont ignoré toutes les distinctions introduites par nos législations modernes entre l’accusé, l’inculpé, le prévenu, etc., termes qui désignent ou les divers degrés de gravité des fautes imputées, ou les diverses phases de la procédure ; quiconque, chez les Hébreux, paraissait devant les juges sous l’imputation d’un crime contre lequel on implorait la vengeance des lois, était « accusé ». Toutefois cette qualification supposait un jugement criminel, ou au moins un jugement mixte ; dans le cas de jugement civil, il n’y avait pas d’accusé, mais un défendeur.
Dans la procédure criminelle des Hébreux, la personne de l’accusé était entourée de la protection des lois, afin que ses intérêts et ceux de la vérité et de la justice fussent sauvegardés. D’abord il était cité, afin qu’on pût l’entendre. C’était là une règle inviolable et sacrée ; nous ne trouvons dans l’Écriture aucun exemple de jugement proprement dit où l’accusé n’ait été entendu ; même dans les jugements les plus sommaires, l’accusé paraissait, et on pouvait l’entendre. Cette audition de l’accusé avait été commandée par Moïse aux juges qu’il établit sur son peuple : « Entendez-les (non seulement le plaignant, mais celui dont il se plaint), et jugez suivant la justice, qu’il s’agisse de citoyens ou d’étrangers. » Deut., i, 16. Aussi Nicodème pouvait-il dire à ses collègues du sanhédrin : « Est-ce que notre loi juge quelqu’un avant qu’on l’ait entendu, et qu’ainsi l’on ait appris ce qu’il faut faire ? » Joa., vii, 51. Les rabbins font remarquer que Dieu lui-même, malgré sa science infinie, n’a pas voulu se décharger de cette obligation de citer et d’entendre l’accusé. Avant de condamner Adam et Ève, il les cite et les écoute, Gen., iii, 8-13 ; avant de condamner Aaron et Marie, qui accusaient injustement Moïse leur frère, Dieu, qui veut prendre en main la cause de son serviteur, les cite et les interroge. Num., xii, 4-8. Cf. Hottinger, Juris Hebræorum leges, l. lxxx, Tiguri, 1655, p. 104-106.
L’accusé, paraissant devant les juges, avait toute liberté de se détendre. Saint Etienne, accusé devant le sanhédrin de Jérusalem, reçoit du président la parole pour se défendre, et en profite largement, Act., vii, 1-53 ; Susanne, accusée par deux vieillards dont le témoignage paraissait à tous indiscutable, se défend en protestant de son innocence. Dan., xiii, 42-43. Jérémie, accusé par les prêtres et les faux prophètes, se défend aussi devant ses juges, et gagne sa cause. Jer., xxvi, 12-16. Souvent, comme on le voit par ces exemples et par beaucoup d’autres, l’accusé se détendait lui-même ; cependant lorsque, pour quelque motif que ce fut, il ne pouvait pas ou ne voulait