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109 ACCHO

son nom propre l’ancienne dénomination. Mais à quelle époque et dans quelle occasion eut lieu ce changement, l’histoire ne le v dit pas. Plusieurs critiques l’attribuent à Ptolémée Soter, sans avoir toutefois de renseignements positifs à ce sujet V. Guérin, Description de la Palestine, Galilée, t. i, p. 510. Accho-Ptolémaïde fut aussi appelée Colonia Claudii Cæsaris après avoir reçu de l’empereur Claude le privilège de cité romaine. Pline, H. N., v, 17 ; xxxvi, 65. Ces noms néanmoins ne parvinrent jamais à supplanter auprès des Orientaux l’appellation primitive ; et nous trouvons ici un remarquable exemple de la ténacité avec laquelle un nom sémitique peut survivre à une dénomination étrangère. Pendant que Grecs et Latins continuent à appeler notre ville Ptolémaïde, les Arabes Testent attachés à la désignation originale, que rappelle encore exactement aujourd’hui le mot 'Akka, et qui, à l'époque des croisades, devint, dans la bouche des Européens, Acon, peu à peu défiguré en Acre. Enfin, quand les chevaliers de l’hôpital Saint-Jean se furent établis dans cette place célèbre, le monde chrétien l’appela Saint-Jean d’Acre.

II. Description. — Parmi les auteurs anciens, un de ceux qui ont le mieux décrit notre ville, c’est assurément l’historien Josèphe. Bell, jud., II, x, 2. « Située sur la mer, dit-il, bâtie dans une grande plaine, elle est entourée de montagnes : vers l’est, à la distance de 60 stades (11 kilom.), par les monts de Galilée ; au midi, par le Carmel, éloigné de 120 stades (22 kilom.), et au septentrion, par une montagne très élevée, que les indigènes appellent l'Échelle des Tyriens. À deux stades coule un petit fleuve, qu’on nomme le Bélus. » En suivant des yeux, sur une carte, la côte palestinienne, on aperçoit vers le nord une profonde échancrure, dont la pointe méridionale est le Carmel, et la pointe septentrionale le promontoire où se trouve Saint-Jean-d’Acre. [[File: [Image à insérer] |300px]]
16. — Carte de la céte de SaintJean-d’Acre.

La baie comprise entre ces deux extrémités produit tout de suite l’aspect d’un abri providentiellement ménagé aux vaisseaux. La plage qui l’avoisine et laisse tomber dans la mer les eaux du Cison et du Bélus ressemble, suivant la juste comparaison de Stanley, Sinai and Palestine, p. 264, à l’embouchure de la grande plaine d’Esdrelon.

Une autre plaine d’une longueur d’environ huit lieues, sur deux de largeur, se dirigeant vers le nord, entoure la ville, dont elle prend le nom. D’une merveilleuse fertilité, resserrée entre les monts de Galilée et la Méditerranée, elle est fermée en haut par cette Échelle des Tyriens, appelée aujourd’hui Ras en-Naqoura. Ce promontoire, tombant à pic sur le rivage, semble une barrière naturelle posée entre la baie d’Acre et la plaine de Tyr, c’est-à-dire entre la Palestine et la Phénicie. Saint-Jean-d’Acre est comme une forteresse dans la mer, affectant la forme d’un triangle dont la base regarde le nord, et le sommet le sud. « Saint-Jean-d’Acre, dit M. V. Guérin, ouv. cité, p. 502, avait autrefois deux ports, l’un extérieur (c’est la rade actuelle) et l’autre intérieur. Ce dernier était délimité par une digue qui est en grande partie détruite, et que défendaient plusieurs tours, dont quelques assises inférieures sont seules encore visibles. Ce port est aujourd’hui très ensablé, et sa plus grande profondeur atteint 1 m. 50. Aussi les barques peuvent seules y pénétrer, et les bâtiments tant soit peu considérables sont contraints de mouiller en rade. Celle-ci est d’ailleurs beaucoup moins sûre que celle de Kaïpha. » Cf. V. Guérin, ouv. cité, p. 502-509 ; La Terre Sainte, t. ii, Paris, 1884, p. 150-161 ; Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans Le Tour du monde, t. xli, p. 38-46.

III. Histoire. — Bâtie par les Chananéens sur un promontoire et dans une situation dont on vient de voir l’importance, Accho se trouva, au moment du partage de la Terre Promise, dans le lot de la tribu d’Aser. Cependant elle n’est pas comprise dans rénumération des villes frontières ou principales, Jos., xix, 24-31, et les habitants n’en furent pas expulsés. Jud., i, 31. L’Ancien Testament n’en parle plus avant l'époque des Machabées. Toutefois, d’après une opinion défendue par Reland, Palæstina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. ii, p. 534 et suiv., et adoptée par beaucoup d’auteurs, elle serait mentionnée dans Michée, i, 10. À la fin de ce chapitre, en effet, le prophète fait allusion à dix villes dont les noms prêtent à des jeux de mots. Voir Achazib 2. Annonçant les châtiments que là justice de Dieu fera tomber sur Juda, il engage ses compatriotes à cacher leurs désastres surtout aux Philistins, qui, dans leur haine invétérée, s’en réjouiraient. « Ne les annoncez pas dans Geth, leur dit-il ; ne pleurez pas avec des sanglots, » c’est-à-dire pleurez en silence. La Vulgate a cherché à rendre, par cette dernière pensée, les mots du texte hébreu, dont la consonance, produite à dessein, est remarquable : bâkô ʾal ṭibkû. Elle a vu dans la répétition du même verbe bâkàh, « pleurer, » une figure de langage familière aux auteurs sacrés. Cependant le contexte et le parallélisme, qui demandent, dans le second membre, un nom de ville pour répondre à Geth du premier membre, semblent donner raison à Reland, qui reconnaît dans bâkô une contraction mise pour beʿakkô, et traduit ainsi : « Dans Accho ne pleurez pas, » c’est-à-dire : Si vous devez vous garder d’annoncer vos malheurs dans Geth, ville des Philistins, vous ne devez pas moins dissimuler votre douleur dans Accho, au milieu des Chananéens du nord. La joie de nos ennemis, triomphant de nos infortunes, est, en effet, un surcroît de peine. Le sens est ainsi plus naturel, le parallélisme mieux marqué, et la contraction bâkô aussi facilement explicable que celle de Baʿalâh, Jos., iv, 29, en Bâlâh, Jos., six, 3. La version des Septante favorise cette hypothèse, car elle a rendu les mots bâkô ʾal ṭibkû par καὶ oἱ ἐνακείμ (dans certains manuscrits, oἱ ἐν Ἄκειμ) (μή ἀνοικοδομεῖτε. On peut admettre avec Hitzig que la leçon primitive était ἐν Ἄκει, et que le μ a été ajouté par mégarde, à cause du mot μή qui suit. Pour toutes ces raisons, le P. Knabenbauer, Commentarius in prophetas minores, Paris, 1886, t. i, p. 404, accepte sans hésiter l’opinion de Reland.

Si les textes sacrés ne nous disent rien d’Accho avant la période asmonéenne, les monuments profanes nous en parlent plus d’une fois. Dès la XVIIIe dynastie, elle figure,