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ABRAHAM


Avant de mourir, Abraham disposa de sa fortune. Tous ses biens passèrent à Isaac, son unique héritier. Les fils des femmes de second ordre reçurent quelque apanage, mais furent envoyés hors de la Palestine, dans la direction de l’est, vers l’Arabie. Avancé en âge et plein de jours, Abraham mourut dans une bonne vieillesse. Il avait vécu cent soixante-quinze ans. Son âme fut réunie à celles de ses pères, et son corps enseveli par Isaac et Ismaël auprès de celui de Sara, dans la caverne de Macpélah.

V. Abraham dans les livres postérieurs de l’Ancien Testament.

Le nom d’Abraham, ses exemples, son alliance avec Dieu, les promesses qu’il a reçues, les épreuves qu’il a subies, les vertus qu’il a pratiquées, remplissent l'Écriture. Les écrivains des deux Testaments, en retraçant au peuple élu ses destinées, en rappelant les voies qui ont préparé la rédemption, remontent presque toujours jusqu'à lui. Jéhovah daigna porter le nom de « Dieu d’Abraham », Exod., iii, 6, 15, 16 ; iv, 5 ; Tobie, vii, 15 ; Esther, xiii, 15 ; xiv, 18 ; Ps. xlvi, 10 ; Act., iii, 13 ; vii, 32, et Jésus-Christ a trouvé dans ce titre une preuve de la résurrection, Matth., xxii, 32 ; Marc, xii, 26 ; Luc, xx, 37. Dieu lui-même fonde les droits des Hébreux sur la terre de Chanaan sur ses apparitions, Exod. vi, 3, et sur ses promesses à Abraham, Exod., vi, 8 ; xxxii, 13 ; xxxiii, 1 ; Deut., xxxiv, 4. Il se souvient de l’alliance contractée avec lui, Lev., xxvi, 42, et Moïse ne cesse de la rappeler à son peuple, Exod., ii, 24 ; Nomb., xxxii, 11 ; Deut., i, 8 ; vi, 10 ; ix, 5, 27 ; xxix, 13 ; xxx, 20. Josué dans ses adieux, xxiv, 3 ; Élie avant d’offrir le sacrifice, III Rois, xviii, 36 ; l’auteur du quatrième livre des Rois, xiii, 23 ; David dans ses psaumes, civ, 6, 9 ; I Par., xvi, 16, et sa dernière prière, I Par., xxix, 18 ; Josaphat lors du jeune solennel qu’il a célébré, II Par., xx, 7 ; Ézéchias, ibid., xxx, 6 ; Néhémie, II Esd., ix, 7 ; les Juifs de Jérusalem dans leur lettre à leurs coreligionnaires d’Egypte, II Mach., i, 2, mentionnent cette alliance. Judith, viii, 22, et Mathathias, I Mach., ii, 52, font allusion aux épreuves du patriarche. L’Ecclésiastique, xliv, 20-23, contient son éloge. Dieu, par la bouche des prophètes, l’appelle son ami, Isaïe, xli, 8, exhorte à la vertu par son exemple, Is., li, 1 et 2, et rappelle aux Juifs les promesses qu’il a faites à son serviteur, Jer., xxxiii, 26 ; Baruch, ii, 34 ; Ezech., xxxiii, 24. Michée, vii, 20, et les enfants dans la fournaise, Dan., III, 35 et 36, l’en font aussi souvenir.

VI. Abraham dans le Nouveau Testament.

Dans l'Évangile, Marie et Zacharie chantent les promesses et l’alliance d’Abraham. Luc, i, 55 et 73. Jésus-Christ est le fils d’Abraham. Matth., i, 1 ; Luc, iii, 34. Les Juifs se flattaient de ce titre. Matth., iii, 9 ; Luc, iii, 8. Jésus l’a donné à une malade, Luc, xiii, 16, et à Zachée, Luc, xix, 9 ; mais il assure que les Juifs qui n’accomplissaient pas les œuvres d’Abraham perdaient tous droits aux privilèges de sa race. Joa., viii, 33-44. Abraham est au ciel, Luc, xiii, 28 ; comme il est le père de tous les croyants, les justes, Juifs, Luc, xvi, 22-30, et Gentils, Matth., viii, 11, reposeront dans son sein. Saint Pierre, saint Etienne, Act., iii, 25 ; vii, 2-8, 17, et saint Paul, Héb., vi, 13, rappellent aux Juifs les promesses faites à leur ancêtre. L’Apôtre des Gentils montre leur accomplissement dans la personne de Jésus-Christ, Gal., iii, 16-18, fils d’Abraham, Heb., ii, 16. Il s’honorait d'être fils d’Abraham, Rom., xi, 1 ; II Cor., xi, 22 ; il donne aux Juifs ce nom, Act., xiii, 26, mais il expose explicitement, Rom., IX, 7-9, et allégoriquement, Gal., iii, 29 ; iv, 22-31, qu’il vaut mieux être fils d’Abraham par les œuvres que par le sang. Les relations d’Abraham avec Melchisédech servent de preuve à saint Paul pour établir la supériorité du sacerdoce de Jésus-Christ sur le sacerdoce lévitique. Heb., vii. Il loue la foi du patriarche, Rom., iv, 1-24 ; Gal., iii, 6-9 ; Heb., xi, 8-19, et saint Jacques, ii, 21-23, fait de même.

VII. Abraham dans l’histoire profane et dans la légende.

Abraham n’est pas resté inconnu à l’histoire profane. Bérose, cité par Josèphe, Antiq. jud., i, vii, 2, parle d’un homme juste, grand et versé dans les choses célestes, qui vivait parmi les Chaldéens à la dixième génération après le déluge, et Josèphe croit, sans aucune vraisemblance du reste, qu’il s’agit d’Abraham. L’historien Nicolas de Damas, dont le témoignage est rapporté par le même auteur, dit qu’Abraham sortit de la Chaldée avec une année, se rendit d’abord à Damas, et y régna quelque temps avant d’entrer dans le pays de Chanaan. Selon Justin, xxxvi, 2, Abraham fut le quatrième roi de Damas. Eusèbe de Césarée, Præpar. Ev., ix, 16-20, t. xxi, col. 705-713, a recueilli sur Abraham les renseignements fournis par Bérose, Hécatée, Nicolas de Damas, Eupolème, Artapan, Melon et Philon l’Ancien, cités par Alexandre Polyhistor et Josèphe. Les livres des Sabéens parlent des croyances monothéistes d’Abraham, et des dissensions qui s'élevèrent à ce sujet entre lui et les habitants de la Chaldée, et qui l’obligèrent d'émigrer après avoir perdu tous ses biens. Les traditions que rapportent ces livres n’ont d’ailleurs aucune valeur historique sérieuse.

La légende a embelli l’histoire du grand patriarche. Les Arabes, qui descendent de lui par Ismaël et le surnomment Kalil-Allah, « l’ami de Dieu, » débitent sur sa vie un grand nombre de fables, puisées en partie dans les écrits des rabbins (d’Herbelot, Bibliothèque orientale, au mot Abraham, p. 12-16 ; F. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., t. vi, 1888, p. 404-406). Josèphe, Ant. jud., i, viii, Philon, De Abrahamo, Nicolas de Damas et Eupolème dans Eusèbe, loc. cit., et quelques écrivains ecclésiastiques parlent de la profonde science d’Abraham dans l’astronomie, la métaphysique et les mathématiques. Suidas, au mot Abraham, veut qu’il ait inventé les lettres et la langue hébraïques, et saint Isidore de Séville, Etym., 1. I, c. iii, n. 5, t. lxxxii, col. 75, les caractères syriaques et chaldaïques. On lui attribue divers ouvrages, entre autres le Ietzirah ou livre de la Création, un traité de l’idolâtrie, et les psaumes lxxxviii et lxxxix, inscrits aux noms d’Héman ou d'Éthan. Les rabbins lui attribuent les prières du matin. Talmud de Jérusalem, Berakhoth, c. iv, n. 1 ; trad. franc, de Schwab, p. 72 ; Talmud de Babylone, ibid., p. 328. Les mages croient qu’il est le même personnage que Zoroastre, et qu’il a composé les livres Zend, Pazend et Vostha, qui contiennent tous leurs points de doctrine. Fabricius, Codex pseudepigraphus Veteris Testamenti, 2e édit., Hambourg, 1722, l. 1, p. 341-428, a réuni tous les documents relatifs à la littérature légendaire sur Abraham.

VIII. Culte rendu à Abraham.

L’Eglise honore la mémoire du père des croyants. À partir du ixe siècle, son nom a été inséré dans les martyrologes ; il se trouve dans ceux d’Adon et d’Usuard, et dans le romain au 9 octobre. Dès le temps du pape Damase, il est fait mention de son sacrifice au canon de la Messe. Il est invoqué dans les prières pour la recommandation de l'âme. Les Coptes célèbrent sa fête le 28 mars ; l'Église syriaque fait mémoire le 20 janvier de son épreuve du feu. L’ordre de Fontevrault et l’Oratoire de France avaient un office en son honneur.

IX. Bibliographie.

S. Ambroise, De Abraham, t. xiv, col. 417-500 ; A. Masson, Histoire du patriarche Abraham, 1688 ; Heidegger, Historia sacra Patriarcharum, 2e édit., Amsterdam, 1688 ; Augusti, Dissertatio de fatis et faclis Abrahami, in-4o, Gotha, 1730 ; Withof, Programma de Abrahamo, amico Dei, Duisbourg, 1743, in-4° ; Hobbing, History of Abraham, Londres, 1746, in-8° ; Gillebank, Scripture history of Abraham, Londres, 1773, in-8° ; Holst, Scenen aus dem Leben Abraham’s, Chemnitz, 1828 ; Engelstaft, Historia populi judaiei biblica usque ad occupationem Palestinæ, Copenhague, 1832 ; Roos, Fusstapfen des Glaubens Abraham, Tubingue, 1837 ; Passavant, Abraham und Abraham’s Kinder, Bäle, 1848 ; Beer, Leben Abraham’s nach Auffassung der jüdischen Sage, Leipzig, 1859 ; Bernstein, Krilische Untersuchung über den Ursprung der Sagen von Abraham, Isaak und Jacob, Berlin, 1871 ; Tomkins, Studies on the times of Abraham, Londres (sans date).

E. Mangenot.