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1967
1968
BUGRANE — BUIS

rendu le mot ḥârûl : le chaldéen y a vu des chardons, Soph., ii, 9 ; les Septante, des broussailles, φρύγανα ἄγρια. (Dans Soph., ii, 9, ayant mal lu le mot précédent, ils ont rendu ḥârûl par un verbe, ἐκλειπειν.) La Vulgate traduit par le mot général d’  « épines », de « buissons », spina, sentes. Bon nombre de commentateurs identifient le ḥârûl avec les orties, sans doute à cause du sens étymologique qui implique l’idée de brûler (comme urtica vient de urere, « brûler »). Mais l’ortie n’est pas une plante sous laquelle on puisse s’étendre, Job, xxx, 7, et se reposer. De plus, dans Prov., xxiv, 31, les ḥărullîm sont mentionnés après les qimmešônîm, identifiés généralement avec les orties. Enfin le ḥârûl vient dans les champs en friche. Prov., xxiv, 31 ; Soph., ii, 9. Tous ces caractères, malgré le caractère vague de la description, peuvent convenir à la bugrane, mieux encore qu’à l’Acanthus spinosus, très abondant, il est vrai, en Palestine, que H. B. Tristram, The natural history of the Bible, in-12, Londres, 1889, p. 475, regarde comme le ḥârûl.

E. Levesque.

BUIS. Hébreu : ṭeʾaššûr, de la racine ʿâšar, « être droit, » arbre au port droit, selon Gesenius, Thesaurus, p. 164.

I. Description. — Arbrisseau ou petit arbre de la famille des Euphorbiacées, nommé Buxus sempervirens par C. Linné, Species plantarum, in-8°, Stockholm, 2 3 édit., 1762, p. 1394. Il varie beaucoup de grandeur : dans les pays chauds, c’est un arbre assez grand et assez fort pour offrir un tronc de trente à quarante centimètres de diamètre ; dans les climats plus tempérés, c’est un arbrisseau de quatre à cinq mètres, que l’on peut réduire à l’état nain, de manière à le faire servir de bordures aux plates-bandes des jardins. Ses rameaux sont touffus, très nombreux, quadrangulaires, finement veloutés ; ses feuilles sont toujours vertes et ne tombent jamais, de forme ovale, coriaces, d’un beau vert luisant en dessus, jaunâtres en dessous ; les fleurs sont petites, jaunâtres, groupées en petits paquets à la base des feuilles supérieures ; elles sont de deux sortes : les fleurs mâles ont un calice à quatre folioles et sont à quatre étamines protégées par des pétales ovales ; les fleurs femelles ont un calice à cinq divisions, et leurs styles sont au nombre de trois. ; le fruit est une capsule qui porte au sommet trois appendices en forme dé cornes ; la capsule est divisée intérieurement en trois compartiments dans lesquels se trouvent deux graines (fig. 634).

Il est certain que le huis ne vient pas à l’état sauvage, au moins de nos jours, en Palestine. La seule espèce de buis que l’on trouve en Orient, c’est le Buxus longifolia, qu’on rencontre aux environs d’Antioche et au mont Casius. On le trouve aussi sur le Liban. Tristram, Fauna and Flora of Palestine, p. 410. Il diffère du buis ordinaire par ses rameaux non veloutés d’une pubescence fine ; par ses feuilles du double plus grandes, longues d’un centimètre et demi, de forme elliptique et étroites, très arrondies à leur extrémité supérieure ; par les pétales de la corolle allongés et amincis du haut ; enfin par son fruit plus gros, à cornes plus longues et recourbées. — Le bois du buis est l’un des plus durs, des plus compacts et des plus lourds que nous ayons en Europe ; il est jaune, susceptible d’un beau poli ; celui des climats chauds est plus estimé ; son grain est d’une finesse, d’une régularité extraordinaire ; aussi est-il employé à fabriquer une foule d’objets. Son écorce est d’un blanc jaunâtre, un peu fongueuse et très amère. — Voir H. Baillon, Monographie des Buxacêes, in-8°, Paris, 1859.

M. Gandoger.

II. Exégèse. — La Vulgate rend par buxus le mot ṭeʾaššûr du texte hébreu. Is., xli, 19. Il est vraisemblable qu’il en est de même dans Is., lx, 13, bien qu’à suivre l’ordre des mots elle paraisse avoir traduit par pinus ; mais il y a interversion. Parmi les nombreuses identifications proposées, celle de la Vulgate est encore la mieux établie. D’abord elle s’adapte bien au contexte. Le prophète Isaïe, lx, 13, parmi les arbres qui font la gloire du Liban et doivent servir à l’ornement de la nouvelle Jérusalem, nomme le ṭeʾaššûr. Cet arbre est mentionné aussi parmi ceux qui couvriront les solitudes de leur feuillage, au retour de la captivité. Is., xli, 19. Or le buis est un arbre d’ornement, au feuillage toujours vert. Il est vrai que ces caractères généraux peuvent se rencontrer dans d’autres arbres. Mais le texte d’Ézéchiel, xxvil, 6, apporte une première et puissante confirmation en faveur du buis. Décrivant les vaisseaux de Tyr, le prophète dit : « Les bancs [de tes rameurs] sont faits d’ivoire incrusté dans le buis des îles de Kittim. »

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634. — Buis (.Buxus sempervirens).

Le texte massorétique porte, il est vrai : « l’ivoire fille des buis, » baṭʾaššûrîm (ʾaššurîm, abréviation de ṭeʾaššûr) ; mais cette expression singulière et suspecte provient d’une coupure fautive des mots בח אשרים. Il est plus simple, plus naturel, de lire en un seul mot בתאשרים, « dans le buis, » avec un manuscrit hébreu et la version chaldéenne. Ce buis est apporté des îles de Kittim (Vulgate : « des îles d’Italie »). Il s’agit d’une des îles ou régions maritimes de la Méditerranée, peut-être la Corse ( Bochart, Geographia sacra, part, i, liv. iii, ch. v, p. 180), célèbre par son buis. Pline, H. N., xvi, 6 ; Théophraste, Hist. plant., iii, 15, 5. L’art de travailler le buis et d’y incruster de l’ivoire était très connu des anciens. Virgile, Æneid., x, 137. Le buis sert encore en Syrie pour fabriquer beaucoup d’articles da ménage. Tristram, The Natural History of the Bible, p. 339. Dans ce passage d’Ézéchiel, la Vulgate, influencée sans doute par la traduction erronée des Septante, rend בתאשרים par prætorolia, « chambres : » ce qui n’offre pas un sens satisfaisant. — La seconde preuve en faveur du buis se tire de la traduction des Targums, qui rendent ṭeʾaššûr par ʾèškarʾîn, Is., xli, 19 ; lx, 13 ; Ezech., xxvii, 6 ; ce mot désigne certainement le buis. Im. Löw, Aramäische Pflanzennamen, in-8°, Leipzig, 1881, p. 37. — On objecte