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BRIQUE — BRODERIE

trouvé dans les ruines d’un temple bâti par Ramsès III, à Tell-el-Yahoudi, au nord-est du Caire. Les cartouches du roi, après avoir été dessinés en creux dans l’argile, ont été remplis d’un émail vert, avec lettres en noir ; on y voit des prisonniers asiatiques et africains, avec figures en relief et couleurs variées. Cf. G. Maspero, L’archéologie égyptienne, p. 8 ; Perrot, Histoire de l’art, t. i, p. 822-826.

III. Brique documentaire. — C’est aussi à la brique que les Assyriens et les Babyloniens eurent recours pour composer leurs livres. Sur la brique encore molle, on gravait en creux, à l’aide d’un stylet triangulaire, des traits ressemblant à des clous ou coins. Leur position et leur assemblage variés donnent naissance aux signes syllabiques et aux mots (voir col. 1170). Les briques ainsi écrites étaient passées au feu ; on les numérotait et on avait ainsi les feuillets d’un livre, composé d’un nombre plus ou moins considérable de briques semblables. Un ouvrage comprend parfois jusqu’à cent tablettes. Ninive et plusieurs grandes villes avaient des bibliothèques formées ainsi de briques-livres. La plus célèbre est celle d’Assurbanipal, qui pouvait bien contenir environ dix mille tablettes. Le British Museum en possède la plus grande partie, entières ou fragmentaires. Les contrats d’intérêt privé, les lettres, sont aussi écrits sur l’argile ; cependant ce ne sont plus de larges briques, mais de petites tablettes ou gâteaux d’argile, souvent renfermés dans une gaine également d’argile. C’est sur ces petites tablettes qu’est écrite l’importante correspondance des rois et gouverneurs de Syrie et d’Assyrie avec Aménophis III et Aménophis IV d’Égypte, découverte à Tell-el-Amarna. Cf. Vigouroux, Bible et découvertes, 5e édit., t. i, p. 174-181 ; Fr. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., t. v, p. 140. Des dessins sur brique sont également parvenus jusqu’à nous. Layard, Nineveh and Babylon, t. vii, p. 167. Ainsi une tablette d’argile, conservée au British Museum, nous présente le plan d’un quartier de Babylone. Le prophète Ézéchiel, iv, 1, reçut de Dieu l’ordre de tracer ainsi sur une brique le plan de Jérusalem et d’en représenter le siège.

E. Levesque.


BROCARDO Jacques, calviniste et visionnaire italien, né dans le Piémont ou à Venise, mort le 23 novembre 1594 à Nuremberg. Il prétendait avoir eu à Venise, en 1563, une vision lui montrant le rapport existant entre divers événements de son époque et quelques passages de la Sainte Écriture. Chassé de son pays, de la France, où il fut accusé de fomenter des troubles, de Middelbourg, dont le synode l’avait condamné, il finit par trouver quelque repos à Nuremberg. Il a laissé : Mystica et prophetica Geneseos interpretatio, in-4o, Leyde, 1580 ; Mystica et prophetica Levitici, Cantici canticorum, Aggæi, Zachariæ et Malachiæ interpretatio, in-8o, Leyde, 1580 ; Interpretatio et paraphrasis in Apocalypsim, in-8o, Leyde, 1580. — Voir Fabricius, Bibliotheca lat. med. æv. (1734), t. i, p. 776 ; Tiraboschi, Storia della letter. ital. (1823), t. vii, p. 557.

B. Heurtebize.


BRODERIE, BRODEUR (hébreu : riqmâh ; ou ma‘ăṡêh rôqêm, « œuvre du brodeur ; » Septante : ποικιλία, ποικιλτά ; Vulgate : varietas, varia, scutulata et discolor ; hébreu : rôqêm, « brodeur ; » Septante : ποικιλιτής ; Vulgate : plumarius). La broderie est un ornement en relief, fait à l’aiguille sur un tissu. La racine, râqam proprement « faire des lignes et des figures variées », paraît bien avoir le sens de « broder ». Cf. l’arabe raqama, l’italien ricamare, l’espagnol recamare. Les Grecs disaient ποικιλλεῖν ; les Latins, d’une façon très expressive, acu pingere, « peindre avec une aiguille ». Le riqmâh cependant n’est pas interprété de la même façon par les exégètes. Les uns y voient un tissage aux couleurs variées. Hartmann, Die Hebräerin am Putztische, in-12, Amsterdam, 1810, t. iii, p. 138. Les Talmudistes, Ioma, fol. 42 b, sont d’accord pour traduire riqmâh par ouvrage à l’aiguille. Pour Gesenius, Thesæurus, p. 1311, ce travail à l’aiguille consistait à coudre sur un fond uni des figures de fleurs ou d’ornements, taillées dans des étoffes de couleurs différentes. Mais, avec J. Braun, Vestitus sacerdotum hebræorum, in-8o, Leyde, 1860, p. 390-395, et N. G. Schrœder, Comment. philolog. criticus de vestitu mulierum hebræearum, in-8o, Utrecht, 1776, p. 220-222, il nous semble plus probable que le riqmâh n’est pas une peinture sur une étoffe avec un pinceau, ni une applique de morceaux en couleur sur un fond uni, ni un tissage avec des fils formant dessin dans l’étoffe : ce tissage en différentes couleurs se nomme ma‘ăṡêh ḥôsêb, opus polymitarii, distinct du ma‘ăṡêh rôqêm, opus plumarii, « œuvre du brodeur. » Cet art consiste à tracer des ornements sur un tissu de fond, à l’aide de l’aiguille et de fils variés de couleur et de grosseur, fils de laine, de lin, d’or. Il est connu de toute antiquité : le goût de la parure et le désir de se distinguer du commun ont naturellement porté de bonne heure à utiliser, pour orner les vêtements, un instrument aussi souple que l’aiguille. Les Grecs et les Romains ont été initiés aux procédés de la broderie par les Orientaux : c’est par le littoral de la Phrygie que cette industrie passa d’Orient dans les pays grecs et latins ; aussi les Romains désignaient les broderies par le nom de phrygionæ, et le brodeur s’appelait phrygio. Un ouvrage brodé d’or se nommait auriphrygium, d’où notre mot orfroi. Pline, H. N., viii, 48.

I. Broderies chaldéo-assyriennes. — Les vêtements des rois d’Assyrie et de Babylone ou des grands personnages de ces royaumes, figurés sur les monuments, présentent de riches dessins aux couleurs variées. Le métier des anciens n’aurait pu exécuter des dessins si compliqués et d’une aussi fine exécution. Aussi les regarde-t-on communément comme de vraies broderies. Le point ressemble, d’après M. Perrot, Histoire de l’art, t. ii, p. 770-771, à celui que nous appelons « au plumetis » ou « au passé ». Babylone avait acquis en ce genre d’étoffes une grande réputation d’habileté, qu’elle conserva longtemps. Pline, H. N., viii, 74 ; xxviii, 17, 18 ; Silius Italicus, xiv, 658 ; Martial, viii, 28. Il est probable que « le beau manteau de Sin‘ar » ou de Babylonie, Jos., vii, 21, dérobé par Achan, à la prise de Jéricho, était un manteau brodé de fabrique chaldéenne. Le voile du temple, dit Josèphe, Bell. jud., V, v, 4, était un rideau babylonien brodé aux plus riches couleurs, πέπλος Βαβυλώνιος ποικιλτός. Une stèle gravée, conservée au British Museum, nous montre un roi de Babylone, Mardukahé-iddin, revêtu d’une robe aux dessins variés, qui paraissent bien être de la broderie (fig. 217, col. 899). Un dessin au tissage aurait eu plus de symétrie : la navette n’est pas aussi souple que l’aiguille. Il en est de même des magnifiques vêtements des rois d’Assyrie, comme Assurnasirpal (fig. 619 ; cf., fig. 319, col. 1157 et Layard, The Monuments of Nineveh, série i, pl. 6, 8, 9, 43, 48, 50, 51). On ne saurait y voir autre chose que des broderies. Ninive avait emprunté cet art à la Chaldée ; elle fabriquait et exportait au loin. Ézéchiel, xxvii, 23, 24, nous montre les marchands assyriens apportant leurs ouvrages de broderie sur les marchés de Tyr. Rosaces, palmettes, fleurs en boutons, arbres sacrés, génies ailés, le tout harmonieusement combiné : tel est le motif ordinaire de ces œuvres assyriennes. Outre ces ornements, sur le vêtement d’Assurnasirpal on voit le roi lui-même entre deux génies (fig. 620).

II. Broderies égyptiennes. — La broderie était aussi connue des Égyptiens. Plus d’une fois, il est vrai, on a pris pour de la broderie ce qu’on a reconnu plus tard être du brochage, ou le produit d’appliques en cuir de couleur, comme certaines enveloppes de momies, ou les ceintures ornées portées par les pharaons Séti Ier, Ramsès III. Mais on a découvert de véritables broderies, et quoiqu’elles soient peu nombreuses, elles sont suffisantes