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    1. BRETONNES##

BRETONNES (VERSIONS) DE LA BIBLE

1924

â la race bretonne, c’est-à-dire le gallois, le comique et l’armoricain. Dans la liste des auteurs qu’il cite comme lui ayant servi de sources et de documents apparaît encore un Dictionnaire breton, une Grammaire bretonne, et il ajoute plus loin que ce sont des livres gallois. Ce langage est une révélation pour le critique. On ne connaît pas, il est vrai, de version complète de la Bible en breton - gallois avant 1588 ; mais la date donnée par le P. Grégoire ne constitue pas une objection sérieuse contre l’opinion que nous venons d’émettre. Car, outre que la date assignée par lui à la Bible bretonne est assez vague, on sait que notre auteur se trompe souvent dans les questions de chronologie : tout fait présumer qu’il y a eu ici une erreur de ce genre, et que Grégoire de Rostrenen a reculé un peu trop la date de sa Bible.

Non seulement il n’y a pas eu, au xvie siècle, de version complète des Livres Saints en breton d’Armorique, mais on n’y trouve même pas, en dehors des versions indiquées plus haut, la traduction entière d’un livre quelconque. La littérature biblique du breton moyen ne comprend en somme que de courts passages de l’Écriture, rendus ordinairement en vers, comme dans les Mystères bretons, notamment le Grand mystère de Jésus (Paris, 1530), qui met en scène la passion et la résurrection, ainsi que le poème intitulé Pemzec Leuenez Maria, « Les quinze Joies de Marie. » (Paris, 1530.) Le seul fragment biblique du breton moyen que l’on possède en prose, c’est l’Oraison dominicale et la Salutation angélique, contenues dans le catéchisme de Gilles de Kerampuil, dont nous avons parlé plus haut. On y trouve également des citations assez nombreuses de la Bible. Ce catéchisme a été réédité dernièrement (sauf la Préface, qui offre pourtant un vif intérêt) dans les Middle Breton Hours, edited with a translation and glossarian index, by Whitley Stokes, Calcutta, 1878, in-S" de 102 pages.

III. Troisième période. — C’est celle de l’armoricain moderne. Ici nous pouvons signaler un certain nombre de versions, complètes ou partielles. Pour procéder avec méthode, nous examinerons tour à tour les différents travaux qui ont paru dans les quatre dialectes du breton armoricain, savoir : le léonard, le cornouaillais, le trécorois et le vannelais.

1° Dialecte léonard. — C’est ce dialecte, celui de Léon, qui a produit les versions principales. Dès le xvii E siècle, le P. Grégoire de Rostrenen, Dictionnaire, p. 9, mentionne « une traduction bretonne manuscrite de l’Évangile selon saint Matthieu, saint Marc et saint Luc, et de trois ou quatre épîtres de saint Paul, faite par un ecclésiastique de Léon ». Cette traduction, qui appartenait peut-être au moyen armoricain, a-t-elle été jamais imprimée, et existe-t-elle encore ? Impossible de le dire. Du moins elle a été introuvable pour moi.

Au xviii 6 siècle parut une traduction paraphrasée des Psaumes, mis en vers bretons par Charles Le Bris, recteur de Cléder. L’ouvrage, imprimé à Quimper, fut publié en 1727. Les Heuryou (Heures) du même auteur contiennent une traduction en prose de quelques psaumes, ainsi qu’une rédaction rimée de la passion selon saint Matthieu.

Il faut arriver jusqu’au XIXe siècle pour trouver une version complète de H Bible en dialecte léonard. Cette version est due à l’initiative courageuse de Le Gonidec, célèbre par ses travaux sur la langue bretonne, notamment par son Dictionnaire et sa Grammaire. Il publia d’abord la traduction du Nouveau Testament : Testamant Nevez hon aotrou Jesus-Krist, in-8°, Angoulême, 1827. Cette traduction fut faite sur laVulgate (édition de Lyon, 1738), et rarement l’auteur s’est aidé des commentaires. Quand.il a eu recours à ces derniers, c’est à Carrières qu’il a donné la préférence. Parfois aussi il a consulté la version française de Sacy. Nous pouvons d’ailleurs nous faire une idée exacte des principes qui dirigèrent Le Gonidec dans son travail, par une lettre qu’il écrivit le

22 décembre 1827, et qui est reproduite par Troude et^ Milin, éditeurs de sa traduction de la Bible, dans leur Préface, p. ix : « Pour donner plus de poids à ma version, dit-il, j’ai cru devoir communiquer mon manuscrit à l’un des évêques de notre Bretagne, l’évêque de Quimper : la copie en est restée entre ses mains. Ce prélat a reconnu que mon ouvrage a le mérite de l’exactitude pour la doctrine et la narration des faits ; et il ne m’a refusé son approbation que parce qu’il y a, selon lui, plus d’inconvénients que d’avantages à mettre la traduction des Livres Saints entre les mains du peuple. » Plus loin, l’auteur mentionne « son grand désir de donner une traduction littérale, autant que pouvaient le permettre les entraves multipliées qui se rencontrent dans la langue bretonne, lorsqu’il s’agit de rendre la concision de quelques phrases latines ». Le Testamant Nevez de Le Gonidec, à peine imprimé, fut enlevé presque entièrement par les habitants du pays de Galles, en Angleterre. Anssitôt la Société biblique de Londres demanda à l’auteur la traduction de l’Ancien Testament. Pour ce travail, il sentit le besoin d’avoir à sa disposition le Dictionnaire latin-gallois de Davies, malheureusement introuvable en France et fort rare partout, même dans le pays de Galles. On fit des recherches en ce dernier pays, et bientôt un ministre protestant, Price, apporta en France le précieux dictionnaire. Le. Gonidec, , qui était un fervent catholique, déclara nettement à Price que l’Ancien Testament serait traduit, comme le Nouveau, d’après la Vulgate. Quand son travail fut terminé ( Testamant Koz), la Société biblique ne voulut pas l’imprimer, sous prétexte qu’il était trop catholique. De son côté, l’auteur refusa net de laisser transformer son œuvre en Bible protestante, et sa traduction resta manuscrite jusqu’après sa mort. C’est seulement en 1866 que la Bible bretonne de Le Gonidec fut imprimée tout entière, à Saint -Brieuc, sous ce titre : Bibl Santel, pe Leur ar Skritur Sakr, lekeat.e brezounek, gant an aotrou Le Gonidec. Prud’homme, Saint-Brieuc, deux forts in-8° de xxxi-849 et 691 pages. Le manuscrit fut revu et quelque peu corrigé par M. Troude au point de vue philologique, et par M. Milin au point de vue exégétique. On s’accorde aujourd’hui à reconnaître que la Bible de Le Gonidec a eu en même temps des admirateurs trop enthousiastes et des adversaires trop passionnés. Elle n’est pas un chef-d’œuvre, comme on l’a dit, bien que le Nouveau Testament ait été appelé « le plus beau livre de la langue bretonne ». Brizeux, Notice sur Le Gonidec, dans les Œuvres de Brizeux, édit. Lemerre, 4 in-12, 1. 1, p. 303. Trop d’archaïsmes la déparent, qui la rendent d’une lecture difficile, surtout pour le peuple ; et elle contient plusieurs locutions ou tournures peu bretonnes. Mais elle a le grand mérite d’être exacte et littérale, sous le rapport de la doctrine aussi bien que des faits. Jusqu’ici, c’est encore la meilleure version complète de la Bible que possède le breton armoricain.

Pour achever la liste des travaux bibliques composés en dialecte léonard, il convient de citer encore deux autres ouvrages, savoir : une traduction large de l’Evangile médité de Duquesne, par M. Richard, recteur de Peurit-arroc’h, Moriaix, 1819 ; puis et surtout l’ouvrage intitulé Histor an Testamant Coz ftag an Testamant Nevez, lakeate brezounec Léon, gant an aotrou Morvan, persoun Plugûen, « Histoire de l’Ancien et du Nouveau Testament, mise en breton léonard par M. Morvan, recteur de Pluguffan. » In- 12 de 328 pages, Quimper, 1871. C’est une traduction de la Petite Bible illustrée éditée par Benziger. Elle est approuvée par Ms r Sergent, évêque de Quimper, et faite en excellent breton. Aux yeux des connaisseurs, elle mériterait mieux que toute autre version l’éloge fait par Brizeux de la traduction du Nouveau Testament p « r Le Gonidec. — Notons enfin une version protestante du Nouveau Testament ; Testamant Nevez hon aotrou hag hor Salver Jesus-Christ. In-12 de 468 pages, ’", Brest, 1851 et 1863. Elle est de M. Jenkins, pasteur pro-