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BREBIS


pas être leur nombre, quand ils sont partis d’abord des déserts lointains de l’Euphrate ! Les plaines septentrionales regorgent littéralement de brebis, et la provision en est inépuisable. Quand il faut abreuver tous ces animaux dans des régions où les puits sont rares, il n’est pas surprenant qu’il y ait de fréquentes querelles, comme nous le lisons dans l’histoire des patriarches. » Cf. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, t. i, p. 395. Aujourd’hui les troupeaux de brebis sont beaucoup moins nombreux en Palestine, par suite de l’abandon dans lequel est laissé le pays, et c’est pourquoi on en amène des plaines de l’Euphrate jusque sur le littoral méditerranéen. Autrefois la contrée nourrissait elle-même le bétail dont parlent les Livres Saints.

III. Les bergeries palestiniennes. — Les brebis de Palestine séjournent d’ordinaire « dans de vastes plaines découvertes ou des dunes, coupées çà et là par de profondes ravines, dans les flancs desquelles se cachent un grand nombre de bêtes sauvages ennemies du troupeau.

4. ».

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614. — Brebis d’Egypte.

Tombeau de BéniHassan. XIIe dynastie. D’après Lepsius,

Denkmaler, Abth. ii, Bl. 132.

Durant le jour, les brebis errent à volonté sur une large surface de pâture commune ; on les empêche seulement d’empiéter sur le terrain d’une autre tribu. Le soir, on les enferme dans un bercail. Ces bercails sont, dans la plupart des contrées, des cavités naturelles ou d’antiques demeures des Horréens, adaptées à cet usage. Une muraille basse est bâtie à l’entour, comme on peut le voir au mont de la Quarantaine, auprès de Jéricho, dans les vallées voisines du lac de Galilée et dans la haute région de Juda. Parfois il n’y a qu’un simple mur de démarcation, avec une entrée, bâti sur un terrain élevé. À cause de la multitude des chacals et des loups, les bergers sont obligés de monter la garde autour de leur troupeau pendant la nuit. Luc, ii, 8. La même chose se pratique encore aujourd’hui. Dans le haut pays à l’est du Jourdain, il n’y a pas de cavernes, tandis qu’elles abondent dans le district élevé de Juda ». Tristram, Natural History, p. 138. Quand il était nécessaire, on bâtissait des tours pour protéger le pasteur et son troupeau. Voir Berger, col. 1615.

Les.bercails portaient différents noms. On appelait gedêrâh l’enceinte de pierres sèches dans laquelle on enfermait les brebis. Les tribus de Ruben, de Cad et la demi-tribu de Manassé avaient élevé de ces enceintes dans le pays transjordanique où Moïse les avait établies. Num., xxxii, 16, 24, 36. La bosràh, Mich., ii, 12 (chaldéen : bissûrtâ’) est « l’endroit dans lequel on force d’entrer » les brebis ; la miklâh ou miklâ’, « l’endroit dans lequel on les enferme » (Septante : aîiX^, £itai>Xt{, xoi’rri ; Vulgate. caula, ovile). Hab., iii, 17 ; Ps. L, 9 ; lxxviii, 70 (hébreu). Les miSpepaïm ou sefattaïm étaient les bercails à ciel ouvert, dans lesquels on demeurait la nuit. Gen., XLix, 11 ; Jud., v, 16 ; Ps. lxviii (hébreu), 14. Ces deux derniers noms ont la forme du duel, parce que ces bercails

étaient divisés en deux parties, enfermant chacune un bétail d’espèce différente. L’expression proverbiale « dormir entre ses bercails » se ht dans les trois textes précédents ; elle signifiait : « se reposer en toute sécurité, » comme faisait le berger qui n’avait rien à craindre pour son troupeau bien enfermé. On construisait des bercails dans les endroits voisins des pâturages, I Reg., xxi v, 4 ; II Par., xxxii, 28 ; Ps. Lxxviii (hébreu), 70, et l’on y conduisait les troupeaux à l’époque favorable. Gen., xxix, 7. Dans les guerres, on ne manquait pas de les détruire et d’emmener les troupeaux, II Par., xiv, 15, et le vainqueur établissait les siens dans le pays conquis. Ezech., xxv, 4 ; Soph., ii, 6. La malédiction divine vidait la bergerie. Hab., iii, 17. Le Seigneur promet qu’après la captivité il rassemblera son peuple comme un troupeau dans le bercail, Mich., ii, 12, et que ce bercail sera la riche plaine de Saron. Is., lxv, 10 (hébreu).

Les détails qui précèdent permettent de comprendre ce que Notre-Seigneur dit du bercail des brebis. Il a une porte, par laquelle entrent le berger et les brebis, tandis que le voleur « monte par un autre côté », en escaladant la barrière ou le mur. Joa., x, 12. L’Église est le « bercail unique » dans lequel « l’unique Pasteur » veut rassembler toutes ses brebis. Joa., x, 16.

IV. Le soin des brebis. — Comme les brebis procurent de précieuses et faciles ressources, par leur lait, leur chair, leur laine et leur peau, les plus pauvres, à l’exception des habitants des villes plus considérables, en possédaient au moins quelques-unes. Le prophète Nathan parle d’une manière touchante de ce pauvre qui n’a qu’une petite brebis, la voit grandir au milieu de ses enfants, la nourrit de son pain, la fait boire à sa tasse et dormir dans son sein, en un mot, la chérit comme une fille. II Reg., xii, 3. Mais la brebis et l’agneau sont des proies aussi tentantes qu’incapables de se défendre contre la rapacité des voleurs. Joa., x, 10. L’agneau surtout saute et vagabonde sans souci du danger. Prov., vii, 22 ; Ps.cxm, 4, 6 ; Sap., xix, 9. Aussi la loi prenait-elle ces animaux sous sa protection. Pour une brebis volée, on était obligé d’en rendra deux si on l’avait gardée, et quatre si on l’avait tuée ou vendue. Exad., xxii, 1, 4, 9 ; II Reg., xii, 6. On devait ramener à son propriétaire la brebis égarée. Deut., xxii, 1. On donnait des brebis en échange de terres, Gen., xxxiii, 19 ; Jos., xxiv, 32, ou même pour servir de témoignage à un contrat. Gen., xxi, 28. À la guerre, on tuait les brebis de l’ennemi, Jos., vi, 21 ; I Reg., xv, 3 ; xxii, 19 ; xxvii, 9, ou l’on s’en emparait, Jos., vu, 24 ; Jud., vi, 4 ; I Reg., xiy, 32 ; I Par., v, 21. Les Hébreux firent ainsi aux Madianites une razzia de six cent soixante-quinze mille brebis. Num., xxxi, 32. — Pour conduire les brebis au pâturage, le berger marchait devant elles, contrairement à ce qui se passe dans plusieurs pays. Il en est encore ainsi en Palestine. « Il est nécessaire que le troupeau apprenne à suivre, sans s’égarer de côté dans les champs de blé dépourvus de clôture qui paraissent si tentants. Il suffit qu’une seule brebis le fasse pour causer du désordre. De temps en temps le berger les appelle par un cri aigu, pour les faire souvenir de sa présence. Elles connaissent sa voix et le suivent. Mais, si un étranger les appelle, elles s’arrêtent court et lèvent la tête tout alarmées. Si l’appel est réitéré, elles tournent et s’enfuient, parce qu’elles ne connaissent pas la voix de l’étranger. Ce n’est pas là un ornement imaginaire de parabole, c’est un simple fait, et j’en ai souvent répété l’expérience. » Thomson, The Land and the Book, p. 203. L’auteur a vécu trente ans en Palestine. Son témoignage peut donc servir de commentaire autorisé aux paroles de Notre-Seigneur dans l’Évangile : « Les brebis le suivent, parce qu’elles connaissent sa voix ; mais elles ne suivent pas l’étranger et s’enfuient loin de lui, parce qu’elles ne connaissent pas la voix des étrangers. » Joa., x, 4, 5. — Les brebis sont menées au puits, et on leur verse l’eau dans des abreuvoirs. Gen., xxix, 2, 3, 7 ; xxx, 38 ; Exod., ii, 17.