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ABOMINATION DE LA DESOLATION — ABRAHAM

par le divin Maître avant l’investissement final de la ville et avant l’entrée des étendards des légions dans le temple.

Pour répondre à cette difficulté, quelques commentateurs ont fait remarquer que Jésus ne dit point : « Quand vous verrez l’abomination dans le temple, » mais dans « un lieu saint », ἐν τόπῳ ἁγίῳ, sans article ; le lieu est donc indéterminé, il ne désigne pas expressément le temple, ni même la cité sainte, et il peut bien être la Terre Sainte elle-même, de sorte que le signe avant coureur de la ruine de Jérusalem devint manifeste dès que l’armée romaine, avec ses enseignes idolâtriques, campa autour de Jérusalem.

Plusieurs refusent d’admettre cette interprétation, parce que, disent-ils, les enseignes romaines n’apparaissaient pas alors pour la première fois en Palestine ; les Juifs les avaient déjà vues du temps de Pompée. — Sans doute, peut-on répondre, mais l’avertissement de Notre-Seigneur portait sur un événement futur, non sur un fait passé. Il ne dit point qu’on verra alors pour la première fois cette « abomination », mais que lorsqu’on la verra dans l’avenir, à partir du moment où il vient de parler, ce sera le signe de la ruine prochaine.

On peut trouver néanmoins que l’application du mot « lieu saint » à la Palestine est peu naturelle. Aussi n’est-il pas nécessaire d’adopter cette interprétation pour expliquer et justifier la prophétie de Daniel et de Notre-Seigneur. Le passage parallèle de saint Luc, xxi, 20, nous fournit la solution de la difficulté. En rapportant le même discours de Notre-Seigneur que saint Matthieu et saint Marc, cet évangéliste ne lui met pas dans la bouche les mots d' « abomination de la désolation », qui n’auraient pas été intelligibles pour les lecteurs d’origine païenne à qui il s’adressait, et il emploie des termes qui sont parfaitement clairs et précis : « Quand vous verrez Jérusalem investie par une armée, alors sachez que sa désolation (ἡ έρήμωσις) approche. » Luc, xxi, 20. (On peut remarquer, du reste, que si le mot (βδέλυγμα a disparu, le mot έρήμωσις a été conservé.) Il résulte de ce passage que Notre-Seigneur avait donné aux fidèles deux signes de la chute finale de Jérusalem : l’un était la présence de l’abomination dans le lieu saint ; mais l’autre, qui, comme le montrent les faits, devait le précéder et devait être non moins frappant ni moins sensible, c'était l’investissement de Jérusalem par l’armée romaine.

Dès que les chrétiens virent les troupes païennes s’approcher de la ville, ils y virent l’accomplissement du premier signe, et reconnurent que le second ne tarderait pas à se produire. Ils se mirent donc en mesure de suivre l’avis de leur Maître et de s’enfuir de la ville condamnée, pour se réfugier au delà du Jourdain. Eusèbe, H. E., iii, 5, t. xx, col. 221. Une première attaque contre la ville eut lieu en 66. En cette année, Cestius Gallus, procurateur romain, assiégea la ville sainte, pour venger une défaite que les Juifs avaient infligée à ses troupes. Il établit son camp sur le mont Scopus, puis il brûla Bézétha et attaqua le temple lui-même. Ses soldats d'élite, formant la tortue, et ainsi couverts par leurs boucliers, s’approchèrent assez de l'édifice sacré pour essayer d’en brûler les portes. On peut bien dire que les habitants de Jérusalem virent alors l’abomination et les enseignes idolâtriques près du lieu saint, quoique ce ne fût pas dans la maison de Dieu elle-même. Cependant, l’attaque n’ayant pas réussi, Cestius se découragea ; il renonça à son entreprise et se retira avec ses troupes. Josèphe, Bell. jud., II, xix. Mais les chrétiens étaient suffisamment avertis, et ce fut probablement dans l’intervalle qui s'écoula entre ce premier siège et le second par Titus qu’ils abandonnèrent la ville et se mirent en sûreté.

F. Vigouroux.

ABOUAB. Voir Aboab 3.

ABOU’LBÉRÉCAT. Voir Abou-Saïd.

ABOU’L-HASSAN. Voir Juda ha-Lévi.

ABOULPHARAGE. Voir Bar-Hébræus.

ABOU’L-WALID. Voir Ibn-Djanah.

ABOU-SAÎD, fils d’Abou’lhosaïn, Samaritain, habitant probablement l’Égypte, fit, à l’usage des Samaritains de ce pays, une version arabe du Pentateuque, pour remplacer celle du juif Saadias, reconnue inexacte. Cette traduction a été faite sur le texte samaritain, et avec l’aide de la version samaritaine. Le P. Le Long dit qu’ AbouSaïd vivait vers 1070, sans nous indiquer sur quelle autorité il appuie son assertion. Cette date toutefois n’a rien d’invraisemblable, car la version arabe-samaritaine a dû être faite un siècle au moins après celle de Saadias, mort en 942. Elle serait donc du xie ou du xiie siècle. Un manuscrit de cette version, au lieu du nom d’Abou-Saïd, porte celui d’Abou’lbérécat, fils de Saïd, Syrien de Basra. Mais ce dernier paraît être un plagiaire ; sa préface n’est qu’une imitation maladroite de celle d’Abou-Saïd. Voir Silvestre de Sacy, Mémoire sur la version arabe des livres de Moïse à l’usage des Samaritains, dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1808, t. xlix, p. 1-199 ; Le Long, Bibliotheca sacra, t. i, p. 188 ; Rossi, notice détaillée à la suite du Saggio delle variante del codice ms. di Pio VI. Il existe six ou sept manuscrits de cette version ; le plus précieux est celui de la Bibliothèque Barberini, à Rome. Abr. Kuenen a publié Specimen e libris orientalibus, exhibens librum Geneseos secundum arabicam Pentateuchi Samaritani versionem ab Abu-Saido conscriptam, in-8°, Liège,1851.


ABRABANEL, ABRAVANEL. Voir Abarbanel.


ABRAHAM (hébreu : ’Abrâhâm), d’abord nommé Abram (’Abrâm), descendait de Sem, dont il était séparé par dix générations. I Par., i, 27. Vraisemblablement le plus jeune des fils de Tharé, quoiqu’il soit nommé le premier, Gen., xi, 26, plutôt par rang d’honneur, en qualité de père des Hébreux, que par droit de primogéniture (voir Tharé, et Vigouroux, Manuel biblique, 7e édit., l. 1, n° 342), il naquit à Ur, ville des Chaldéens, la Mughéir actuelle, située entre Babylone et le golfe Persique. « Le nom d’Abram est réellement assyrien ; il a été retrouvé, comme nom propre, dans les monuments indigènes, sous sa forme assyrienne Abu-ramu, ou, sans la terminaison assyrienne, Ab-ram. » Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. i, 5e édit., p. 403.) Abu-ramu, comme Abram, signifie « père élevé ». Du reste, la communauté de langage, de traditions et de coutumes, ne permet pas de douter que les Chaldéens et les Hébreux n’aient eu les mêmes ancêtres. Cf. Vigouroux, loc. cit., p. 402-430. Aussi les tribus chananéennes de la Palestine surnommèrent-elles Abram l’ Hébreu, c’est-à-dire « celui qui vient d’au delà de l’Euphrate ». Gen., xiv, 13. Ainsi tombent sous les coups de l’histoire les théories aventureuses de Hitzig, Geschichte des Volkes Israël, p. 40-43, qui rangeait les Hébreux au nombre des Aryas ou Hindous, et donnait une origine sanscrite au nom d’Abraham, qu’il comparait à Rama, le dieu indien.

Des révélations divines progressives, d’une importance particulière, faisant époque, marquent le commencement de chacune des quatre périodes qui partagent l’histoire d’Abraham.

I. Première période.

Elle débute par la vocation du patriarche, et s'étend de son départ d’Ur à la délivrance de Lot des mains de Chodorlahomor. Gen., xii-xiv. Déjà marié avec Saraï, mais sans enfants, Abram quitta Ur avec Tharé son père, Lot son neveu, et Saraï sa femme. Leur émigration se fit par ordre formel de Dieu, comme nous l’apprend saint Etienne. Act., vii, 2-3. Les paroles citées par le premier diacre appartiennent, il est vrai, dans la