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NEG

solde de quiconque veut se servir d’eux ; qu’ils adorent Cacubao ; & qu’ils se font un devoir de faire chaque jour cinq flèches, qu’ils sont riches & puissans ; qu’ils avoient conquis deux Royaumes ; & que quelques-uns d’eux avoient en propre jusqu’à cinquante & soixante mille ducats de rente ; qu’ils n’ont point de supérieurs, qui les gouverne ; qu’ils élisent dix des plus anciens d’entr’eux, qu’ils nomment Otonas, & qu’ordinairement ils font ce que ce conseil ordonne ; qu’ils ne se marient jamais ; que nulle femme n’entre dans les villes où ils demeurent ; que ceux qui ont quelque commerce de galanterie avec une femme, ne peuvent jamais être Otona ; que leurs maisons sont toutes de cyprès & de cédre ; qu’elles ont plusieurs salles, & de riches appartemens, où l’on voit des histoires anciennes en peinture ; qu’ils ont de grands & beaux jardins, avec des fontaines, & des étangs pleins de poisson ; qu’enfin le pays qu’ils habitent, en est si peuplé, qu’au son d’une cloche qui s’entend assez loin, en trois ou quatre heures, ils se trouvent trente mille Négores, sous les armes, & assemblés.

NEGRAM, s. m. Nom propre d’une ville de l’Arabie heureuse, située dans la principauté de Fartach, à soixante lieues de la ville de ce nom, du côté du nord. Negra. Maty. Voyez aussi Etienne de Bizance.

NÈGRE, ESSE. s. m. Nom de peuple, habitant, originaire de la Nigritie. Æthiops, Nigra, Nigrita. Le nom de Nègre n’est pas aujourd’hui synonyme d’Éthiopien, comme il le pourroit être en parlant de l’Antiquité. L’Éthiopie ne s’étend pas autant que la Nigritie. Nous n’appelons Éthiopiens que les peuples qui sont au midi de l’Égypte, et au levant des Nègres. Les Nègres vendent aux Espagnols, aux Portugais et aux Hollandois, non-seulement ceux de leurs voisins qu’ils peuvent attraper, mais quelquefois leurs propres femmes et leurs enfans. Ils sont noirs, mais plus vers le midi du Niger, que vers le nord ; ils passent pour robustes, mais ignorans, lâches, et paresseux, et moins farouches que les peuples de la Barbarie, du Bilédulgérid et du Zaara. La plupart suivent le Mahométisme, les autres sont païens ; il y en a même qui n’ont presque aucun sentiment de religion. Au Pérou, il est expressément défendu aux Noirs et aux Nègresses d’avoir aucune communication personnelle avec les Indiens et les Indiennes, sous peine aux mâles d’être mutilés des parties naturelles, et aux Nègresses d’être rigoureusement fustigées. Frézier.

L’île des Nègres. C’est le nom de l’une des Philippines. Nigrorum insula.

Le Pays des Nègres. Voyez Nigritie.

Nègre s. m. Voyez Négœil.

Nègres, se dit aussi de ces esclaves noirs, qu’on tire de la côte d’Afrique, & qu’on vend dans les îles de l’Amérique pour la culture du pays, & dans la Terre-ferme pour travailler aux mines, aux sucreries, &c. Nigrita.

☞ Nous avons emprunté ce mot des Portugais, qui disent Negro, Noir ; & appellent de ce nom tous les peuples de cette couleur, qui habitent la Nigritie, la haute & la basse Guinée, l’Abissinie & autres pays voisins. C’est improprement qu’on appelle pays des Negres, le pays qui est des deux côtés du Niger, dont le vrai nom est la Nigritie. Ce nom convient généralement à tous les pays qui sont habités par des peuples noirs ; & le mot Nègre ne vient pas de Niger, nom du fleuve ; mais des Portugais, qui ont les premiers découverts les côtes occidentales de l’Afrique, & transporté les Habitans, comme autant d’esclaves, pour les employer, soit en Europe, soit ailleurs, à tous les travaux serviles. Ainsi sous le nom de Nègres on comprend, comme autant d’espèces, toutes ces nations malheureuses, qui à la honte du genre humain, entrent dans le nombre des marchandises dont on trafique. Ce commerce se fait par toutes les nations qui ont des établissemens en Amérique ; & l’on achete & l’on vend ces malheureux esclaves de même que les bestiaux, pour cultiver les Colonies.

Nègre, s’emploie dans cette phrase familière : On l’a traité comme un Nègre ; pour dire, qu’on l’a fort maltraité, soit de parole, soit de coups ; parce qu’en effet la plupart des Maîtres traitent leurs Nègres fort rudement.

NÉGREPELISSE, s. f. Nom propre d’une petite ville de France, située dans le Querci, sur l’Aveiron, à sept lieues de Cahors, du côté du midi. Nigrapelissa. Maty.

NÉGREPONT, ou ÉGRIPOS, s. m. Nom propre d’une ville Archiépiscopale de l’île de Négrepont, & située sur le détroit de ce nom, que l’on y passe sur un pont. Negrepontia, anciennement Chialis. Négrepont est bien fortifiée, défendue par deux bonnes citadelles, & a un fort bon port : la ville peut avoir une lieue de circuit, & n’est habitée que par des Turcs, mais ses fauxbourgs où habitent les Chrétiens, sont mieux peuplés, & ont un plus grand nombre de maisons que la ville. Les Vénitiens l’assiégèrent inutilement l’an 1688. Maty. Ceux du pays appellent la ville de Négrepont, Ériport, du nom de toute l’île. Du Loir, p. 299. Autrefois les Anciens nommoient cette ville Chalcire, comme Combé fille d’Alopus, à qui l’on donne ce surnom, parce qu’en cette ville d’Euboée, elle avoit inventé la première fabrique des armes d’airain. En ce temps-là elle étoit si considérable, que la querelle qu’eurent ses habitans avec les Erythréens leurs voisins, partagea tous les peuples de la Grèce. Ils prirent les armes, ou pour les uns, ou pour les autres, & une de leurs colonies, sous la conduite de Teucles, fut suffisante pour peupler l’île de Naxos. Du Loir, p. 299.

Le chemin de Négrepont à Thébes est de 25 milles. Du Loir, p. 328.

L’île de Négrepont, ou d’Eubée. Negrepontia, Euboea, insula Chalcis. C’est la plus grande des îles de l’Archipel. Elle est près de la côte septentrionale de la Livadie, dont elle n’est séparée que par un détroit, que l’on passe sur un pont. Baudran lui donne quarante lieues de long, dix de large, & cent de circuit. Elle est très-fertile, principalement en coton ; il y a des carrières de beau marbre, & de la pierre amiante, dont on fait de la toile qui se blanchit au feu, au lieu de s’y consumer ; les Vénitiens l’ont possédée quelque temps. Mahomet II. la conquit sur eux ; & depuis, les Turcs en ont été les maîtres ; ses villes principales sont Négrepont, Erétria, Caristo, ou Castel-Roffo, & Atalanta. Maty. L’île de Négrepont fut la dernière & la plus assurée retraite des Athéniens, lorsqu’ils furent épouvantés par l’approche d’Hégésandrides ; & ils en tiroient plus de commodités que de l’Attique même. Du Loir, p. 305, 306.

Le détroit de Négrepont, ou l’Euripe, Euripus. Ce détroit est entre la ville de Négrepont & la Livadie. Il n’a pas plus de cinquante pas de largeur. On y a bâti une tour au milieu, qui répond à deux ponts ; celui qui est du côté de la Terre-ferme, est de pierre ; & celui qui est du côté de la ville, est de bois, & il se lève pour donner passage aux vaisseaux. Au reste il se fait un flux & reflux dans ce détroit qui a été jusqu’ici inexplicable, parce qu’il est fort différent, selon les différens jours de la lune. Il est régulier depuis le premier jour de la Lune jusqu’au 8, encore depuis le 14 jusqu’au 20, & le 27 le 28 & le 29. Il est régulier le 9, 10, 11, 12, 13 & 14, & encore le 21, 22, 23, 24, 25, 26. Lorsqu’il est régulier, il imite le flux & reflux de l’Océan, montant en six heures, & descendant dans un pareil espace de temps, & ainsi descendant deux fois en 24 heures. Lorsqu’il est irrégulier, il ne met que demi-heure à monter, & trois quarts-d’heure à descendre ; & ce flux & reflux irrégulier se fait onze, douze, treize, & quelquefois quatorze fois, en 24 ou 25 heures ; l’eau n’y monte que d’un pied, & elle va rarement jusqu’à deux. Maty. Voyez p. 1539. & les Mémoires de Trévoux, 1705. p. 871. & suiv.

Le golfe de Négrepont. Sinus Euboïcus, Œtenis, Opuntius, mare Euboïcum. C’est un golfe de l’Archipel. On lui donne environ vingt lieues de long,