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Gueusaille. s. f. Canaille, troupe de gueux. Egenorum, mendicantium turba. Toute la gueusaille de la ville s’est assemblée. On dit aussi, il n’y a que de la gueusaille en cette famille ; pour dire, toute la parente est gueuse.

Gueusailler. v. n. Faire métier de gueuser. Mendicare. Il aime mieux gueusailler, que de gagner sa vie en travaillant. Guesaille et gueusailler sont du style familier et populaire.

Gueusant, ante. adj. Qui gueuse. Mendicans. C’est un gueux gueusant, un fainéant qui fait profession de gueuser. Il ne se dit que dans cette phrase.

Gueuser. v. n. Mendier, demander l’aumône. Mendicare, victum, quaeritare, alienâ quadrâ vivere. On dit à l’actif Gueuser son pain. Ce mot n’est admis que dans le discours familier.

Gueuser. Se dit aussi au figuré, pour demander bassement.

Pour moi, je ne vois rien de plus sot à mon sens,

Qu’un auteur qui par-tout va gueuser de l’encens.

Mol.

Gueuserie. s. f. Indigence, misère, pauvreté, mendicité. Pauperies, paupertas, egeftas, mendicitas. Il n’y a que de la gueserie en son fait. Ce n’est que gueserie dans cette maison. Pausanias regardant la magnificence des Perses après la bataille de Platée : à quoi songeaient ces gens-là dans leur opulence, dit-il, de venir attaquer notre gueserie ? Abl. Les loteries qu’on voit multiplier de jour en jour, sont pour le siècle une marque sûre de gueserie. Mén. Les riches doivent s’occuper à soulager les pauvres, et non pas s’amuser à les contrefaire par une gueserie affectée. Bouh.

Gueuserie. Se dit au figuré d’une chose de peu de valeur. Ce curieux a beaucoup de tableaux, mais ce n’est que de la gueserie. Dans l’une et l’autre acceptation, il n’est que du style familier.

Gueux, euse. adj. Qui est réduit à mendier, à demander l’aumône. Mendicus, planus. Ces gens-là sont si gueux, qu’ils n’ont pas de pain. Cette famille est gueuse. Pourquoi choisir un gendre gueux ? Mol. On dit que les gueux maudissent ceux qui leur souhaitent du bien, c’est-à-dire, ceux qui leur disent, Dieu vous assiste. Ménage.

Ce mot, selon Pasquier, vient de ganeo ; selon Nicod, de l’Allemand geiler, qui signifie mendiant ; et selon Ménage, de quaeftor, ou quaefitor. D’autres disent qu’il vient du mot heu, le cri des pauvres et des misérables, dont les Italiens ont fait guai et guaioso, mendiant ; d’autres qu’il vient de egenus, ou eguenus, qui a donné le nom à des Hérétiques, qui ont été appelés Pauvres de Lyon ; d’où est venu aussi le nom de Guenauts, qu’ils étendent au mot de Huguenots, comme qui dirait Eguenauts. Borel le dérive de queux, qui signifie cuisinier, parce que les gueux suivent volontiers les cuisines. On a dit queux pour dire cuisinier, et le grand Queux est un des Officiers de la Couronne, du Latin cocus.

Gueux. Se dit aussi hyperboliquement de ceux qui n’ont pas assez de biens de fortune pour soutenir leur naissance et leur qualité, et aussi de tout ce qui marque quelque indigence. Un Prince souverain qui n’a que cent mille livres de rente est gueux. Un avare est toujours gueux : il a également besoin de ce qu’il a, et de ce qu’il n’a pas. Voit. Tout le bien de ce Marquis est saisi, son train est fort gueux. Dans toute cette Province, les fermiers sont gueux, ne paient point leurs maîtres. M. de Bautru disait : Il est aussi difficile de passer pour honnête-homme dès qu’on est gueux, qu’il est aisé de l’être lorsqu’on est riche. Mén. On dit d’un homme qui est fort peu aisé pour un homme de condition, qu’il est gueux pour un homme comme lui. On dit aussi dans une pareille acception, mener une vie fort gueuse. Avoir un équipage fort gueux.

Malgré ses titres pompeux

Et de ses qualités l’assortiment heureux,

Il n’avait pourtant pas la plus essentielle,

C’était un grand Seigneur fort gueux.

Mlle L’Héritier.