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EPE

☞ On dit absolument l’épée, pour dire, la profession des gens d’épée. L’épée par opposition à la robe. Cedant arma togæ. Ainsi l’on dit, prendre l’épée, prendre le parti de l’épée. Quitter la robe pour l’épée.

A la fin j’ai quitté la robe pour l’épée.

dit le Menteur de Corneille.

On appelle par mépris Traîneur d’épée, un bretteur, un batteur de pavé qui porte une longue épée sans aller à la guerre. Machærophorus.

On dit en style familier, il s’est laissé dire cela l’épée au côté, pour dire, qu’il n’a pas voulu contester sur cela, sur telle chose qui lui a été dite. Acad. Fr.

On dit aussi qu’il vaut mieux être percé d’une épée bien luisante, que d’une épée rouillée, pour dire, que de deux maux il faut choisir le moindre.

On dit, Se battre à l’épée blanche, c’est-à-dire, tout de bon, l’épée nue à la main. Il est défendu en Angleterre de tirer l’épée. Il lui a donné du tranchant de l’épée, des coups de plat d’épée, il lui a fait rendre l’épée. On dit dans un sac de ville, qu’on a tout passé au fil de l’épée, pour dire, qu’on a fait main-basse, qu’on a tué tous les habitans. On dit, se faire un passage l’épée à la main. Abl. Limitem agit ferro, fit via vi. Fondre sur l’ennemi l’épée à la main. Id. Se voir l’épée à la gorge. Patru. On dit indifféremment, Mettre l’épée à la main, ou mettre la main à l’épée ; pour dire, tirer l’épée. Quelques-uns y trouvent de la différence, & prétendent que mettre l’épée à la main, c’est la tirer tout-à-fait hors du fourreau ; & que mettre la main à l’épée, c’est seulement porter la main sur la poignée, pour être prêt à la tirer. Evaginare, ensem stringere, distringere gladium. Evaginata gladium educere.

Épée à deux mains, ou Espadon, est une large épée qu’on tient à deux mains, & qu’on tourne si vîte & si adroitement, qu’on en demeure toujours couvert.

Il y a des épées quarrées, il y en a de plates, de longues, de courtes. Un Lacédémonien disoit que ceux de son pays portoient des épées fort courtes, pour en frapper de plus près leurs ennemis. Les François sont terribles dans les combats l’épée à la main, rien ne leur résiste. C’est ce que les Italiens appellent l’armi bianche, à cause que les épées brillent quand on s’en sert. Les parties de l’épée sont le pommeau, la poignée, la garde, la lame.

Les anciens Chevaliers donnoient des noms à leurs épées. Joyeuse étoit le nom de celle de Charlemagne. Celle de Roland s’appelloit Durandal ; celle d’Olivier, Hauteclère ; celle d’Ogier, Courtin ; celle de Renaut, Flamberge, comme on voit dans le Roman des Quatre Fils Aymond.

En Allemagne les Princes Ecclésiastiques qui ont des Fiefs & des Terres de Haute-Justice, accollent à leurs armoiries l’épée & la crosse ; leurs Maréchaux la portent nue devant eux. Le Connétable, aux entrées de nos Rois, portoit l’épée nue devant eux ; le Grand Ecuyer la porte en fourreau avec la ceinture fleurdelisée.

Quand l’Evêque de Wirtsbourg officie solemnellement, on met à l’un des côtés de l’Autel la Crosse, & à l’autre l’épée nue. L’on dit Herbipolensis sola ense judicat & stola. Il est Duc de Franconie. Nos Rois en la céremonie de leur sacre, vont prendre l’épée sur l’Autel, pour marquer que c’est de Dieu qu’ils tiennent leur souveraineté.

On dit, Emporter une chose à la pointe de l’épée, pour dire, l’emporter après de grands efforts.

Épée, se dit aussi pour la personne qui la porte ; & c’est en ce sens qu’on dit d’un homme brave & adroit ; que c’est une bonne épée, que c’est une rude épée. Il n’y a point de meilleure épée que lui.

On dit d’un homme en qui la vivacité d’esprit nuit à sa santé, que l’épée use le fourreau. & d’un soldat qui a vendu son épée pour avoir de quoi


boire & manger, on dit qu’il s’est passé son épée au travers du corps.

Au Manége on appelle la main de l’épée, ou de la lance, la main droite. On appelle aussi épée Romaine, une marque ou suite en forme d’épi qui vient à l’encolure du cheval vers la crinière, qui est faite de poils relevés & redressés, représentant une lame d’épée.

Plais de l’épée ; étoit autrefois la Haute-Justice, qui a droit de l’épée, ou de contraindre par armes à l’exécution de la justice. Philippe, Comte de Boulogne, dans une charte de l’an 1223. Habebimus magnam justitiam, quae vocatur Placitum ensis. Le Roi Philippe le Bel accorda en 1296, à l’Evêque d’Evreux toute Haute-Justice appellée, dit-il, en Normandie, Plais de l’épée. Dans un Registre du Parlement de l’an 1259. le Plais de l’épée est appellé Haute-Justice ; cette expression a été fort usitée en Normandie, & elle y est encore en usage en certains endroits.

Épée, est aussi un terme de Cordier ; & c’est un morceau de buis en forme de coutelas, large d’environ trois doigts, & long d’un bon pied, dont on se sert pour battre la sangle.

Épée, en termes de Philosophie hermétique, se dit du feu, qu’on appelle épée des Philosophes. On appelle aussi la pierre au blanc parfait, épée des Philosophes.

Épée, se dit proverbialement en plusieurs phrases. On dit qu’un homme est vaillant comme son épée, comme l’épée qu’il porte ; pour dire, qu’il est fort brave. On dit pareillement, à vaillant homme courte épée. Il se fait tout blanc de son épée ; pour dire, il se fie fort en sa force, en son crédit, pour venir à bout de quelque chose. On dit d’un homme toujours prêt à se battre, que son épée ne tient point dans son fourreau. On dit qu’on se bat de l’épée qui est chez le Fourbisseur, quand on conteste sur une chose qui n’est pas en notre puissance. On dit qu’un homme n’a que la cappe & l’épée ; pour dire, qu’il est fort gueux. On le dit aussi des choses qui sont minces & légères. On dit que des gens en sont aux épées & aux couteaux ; pour dire, qu’ils ont rompu ensemble, qu’ils sont prêts à se battre. On dit encore de celui qui a un ami brave, que c’est son épée de chevet. On le dit aussi des choses dont on se sert continuellement. On dit de celui qui ne s’est point déshabillé la nuit, qu’il a couché comme l’épée du Roi, dans son fourreau. On dit aussi de celui qui n’a jamais tiré l’épée, qui ne s’est jamais battu, que son épée est pucelle, ou qu’il n’a vu d’épée nue que chez le Fourbisseur. On dit d’une viande fort dure, que c’est Durandal l’épée de Roland. On dit d’un homme qui demande les choses avec empressement, qu’il poursuit l’épée dans les reins ; & de celui qui fait les plus grands efforts pour les obtenir, qu’il les veut avoir à la pointe de l’épée ; & de celui qui ne peut obtenir ce qu’il prétend, que son épée est trop courte. On dit aussi, mettre quelque chose du côté de l’épée ; pour dire, s’en saisir, se l’approprier. On dit, mourir d’une belle épée ; pour dire, succomber sous un ennemi auquel il est glorieux de céder : & figurément, recevoir du dommage par une chose qui est belle, agréable, & qui fait plaisir. On dit aussi, qu’un homme joue de l’épée à deux talons, quand il s’enfuit. On dit, d'un homme qui ne réussit pas, qui manque son coup, que c’est un coup d’épée dans l’eau.

On peint Saint Michel & Elie avec une épée flamboyante. On donne aux Chevaliers l’accolée avec l’épée dont on les frappe sur l’épaule. On montre à Saint Denis, ou du moins on montroit il n'y a pas encore long-temps, l’épée de la Pucelle d’Orléans. On se battoit autrefois à l’épée & au poignard.

S. Jacques de l’Épée. Voyez Jacques.

Épée, s’entend encore quelquefois d’une espèce de régle de bois, très-plate, longue d’environ trois pieds, & large de deux pouces & demi, dont on se sert chez les Marchands Drapiers & Merciers, pour replier plus facilement & plus proprement les