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DOU

poussent leur esprit de tous côtés. Or la figure qui représente cette suspension, & cette incertitude, s’appelle doute. Dubitatio.

Sans doute. Façon de parler adverbiale, qui signifie, Hors de doute, certainement. Sine dubio, dubitatione ; indubitatè, indubitanter. Vous avez sans doute bien pris vos mesures pour un si grand dessein. Voit.

Le Ciel s’est fait sans doute une joie inhumaine
De rassembler sur moi tous les traits de sa haine.

Racine.

DOUTER. v. n. Être en doute, être indécis. Dubitare. Quand on peut douter aussi raisonnablement que vous, l’on est capable de décider. Ménage. On a beaucoup avancé, si l’on a seulement appris à douter : ce n’est pas peu de chose que de savoir douter par raison & par esprit. Maleb. On peut douter par aveuglement, ou par brutalité ; mais on doute aussi par prudence & par pénétration. Id. Les ignorans sont d’ordinaire les plus décisifs, parce qu’ils n’apperçoivent pas les raisons de douter. La Plac. C’est un crime de douter de la foi, & des vérités que Dieu a révélées à son Église. Celui qui prend un ton affirmatif témoigne non-seulement qu’il ne doute pas de ce qu’il avance ; mais aussi qu’il ne veut pas qu’on en puisse douter. Nicol. Ma tendresse m’est si précieuse, & l’estime que je fais de vous m’y fait trouver tant de gloire, que je ne sais point de plus grand crime que de vous en laisser douter. Mais comment en douteriez-vous ? Tout vous le persuade, & dans votre cœur & dans le mien. Lett. Portug. Comment pourrions-nous douter du penchant que nous avons à la béatitude ? Nous ne sommes au monde que pour travailler à l’acquérir. On croit qu’il y a de la honte à douter & à ignorer ; & l’on aime mieux parler & décider au hasard, que de reconnoître qu’on n’est pas assez bien informé des choses pour en porter un jugement. Port-R.

Prends alors le milieu que doit prendre un Chrétien,
Entre douter de tout, & ne douter de rien.

Vill.

Après douter, on met si, ou que. Je doute fort que vous preniez bien le sentiment de cet Auteur ; ou, si vous prenez bien. Je ne puis douter si c’est-là sa résolution, ou que ce ne soit-là sa résolution, puisqu’il me l’a déclaré nettement. Quelques-uns mettent aussi quelquefois un infinitif ; mais cette construction est vicieuse. Il trouvoit Dieu si grand, il se trouvoit si petit, qu’il doutoit même d’avoir jamais pu former des doutes semblables. Pélisson.

☞ Le mot douter exige toujours le génitif ; c’est-à-dire, la préposition de. On ne doute pas une une chose, elle n’est pas doutée ; on doute d’une chose. Corneille a pourtant dit dans Héraclius :

Outre que le succès est encore à douter.

Mais c’est un solécisme.

Douter, se dit avec le pronom personnel, & signifie, Croire sur quelque apparence, conjecturer. Je me doutois bien qu’il feroit une folie. Il ne se doutoit pas qu’on lui feroit cette insulte. Il ne se doutoit de rien. Il est venu sans qu’on s’en doutât. Suspicari, præsentire.

Douter, s’est dit autrefois pour soupçonner. Suspicari. Et parcequ’il les doubtoit, les fit mourir. Joinville.

Ce verbe a été fait de dubitare ; d’où vient qu’autrefois on écrivoit doubter.

DOUTEUSEMENT. adv. D’une manière douteuse. Ambiguè, incertè, dubiè. On ne sait rien d’assuré d’une telle affaire, on en parle douteusement. On sait cela si douteusement, que j’aime presqu’autant n’en rien savoir. M. Scud.

DOUTEUX, euse. adj. Chose dont on peut douter. Voy. Doute. À parler avec justesse, douteux & incertain ne sont point synonymes. Douteux ne se dit que des choses : incertain des choses & des personnes. Une opinion douteuse, un homme incertain, un fait incertain. Un homme sage est incertain fut les opinions douteuses. Mais, dans l’usage ordinaire, où l’on n’est pas si délicat, on confond souvent douteux, incertain, obscur, ambigu. Dubius, incertus, ambiguus, anceps. C’est une question fort douteuse. Ce procès est fort douteux, difficile à juger. Les Oracles ne rendoient autrefois que des réponses douteuses. Dans une question parfaitement douteuse, on peut choisir le parti qui plaît davantage. P. Dan. Toutes nos qualités en bien, ou en mal, sont incertaines & douteuses ; elles dépendent des occasions. Roch. Les choses que nous connoissons par sentiment, plutôt que par raison, sont toujours un peu douteuses. Ch. de Mer. Cette femme a eu le malheur d’avoir une réputation un peu douteuse. M. Scud.

Loin ceux à qui du mal l’apparence douteuse
Donne pour leur prochain une horreur fastueuse.

Vill.

☞ On le dit aussi des personnes dont on ne peut pas trop s’assurer, sur qui l’on ne peut pas trop compter. Dans cette chambre il y a trois Juges qui sont pour moi, trois contre, & les quatre autres douteux. Acad. Fr.

Pièce de monnoie douteuse, c’est celle dont l’alloi n’est pas bien connu. Elles doivent être cisaillées.

Douteux, est aussi un terme de Grammaire, qui se dit des noms dont le genre varie, & que les uns sont masculins, & les autres féminins. Anceps, dubius.

Douteuse, Terme d’Anatomie, qui se dit d’une espèce d’articulation du corps humain, que l’on appelle aussi neutre, parce qu’elle n’est pas tout-à-fait diarthrose, n’ayant pas un mouvement manifeste ; ni tout-à-fait synarthrose, parcequ’elle n’en est pas absolument privée. Telle est l’articulation des côtes avec les vertèbres, & celle des os du carpe & du tarse entre eux, laquelle tenant de l’une & de l’autre est appelée amphiarthrose, & par quelques-uns diarthrose synarthroïdale. Dionis. Articulatio dubia, neutra ; amphiarthrosis, diarthrosis synarthroïdalis.

DOUTIS. Toiles blanches toutes de coton, assez grosses, que l’on apporte des Indes Orientales, particulièrement de Surate.

DOUVAIN. Terme de Marchand de bois. Planches minces qu’on fend dans les forêts pour faire les douves & les futailles. Lignum ex quo doliorum lamnæ, laminæ comparantur. Le millier de douvain vaut tant. Le millier de douvain à pipes est taxé à 35 liv. pour le droit de subvention. Les ouvriers nomment quelquefois douvain les billes de bois qui sont coupées de longueur pour être refondues en douves.

DOUVE. s. f. Piéce de bois merrain qui est propre à faire des tonneaux, des cuves, & autres vaisseaux. Dolii lamna, lamina.

Du Cange dit que ce mot vient de doga, qui signifie aussi chez les Grecs un vaisseau, un tonneau, & une fosse. On trouve aussi dogus dans la basse Latinité, pour signifier les ais dont on fait les tonneaux. Voyez les Actes de S. Tyrse & de ses compagnons martyrs dans Bollandus, Acta Sanctorum Januar. T. I. p. 821. En quelques endroits on dit Douvelle, en d’autres douelle, au lieu de douve. D’autres dérivent ce mot de l’Allemand daub.

Douve, est aussi le fossé d’un château. Fossæ castelli. Douve signifie encore le mur d’un bassin de fontaine, quand il n’est que d’une assise ou de deux, comme il l’est ordinairement. Margo.

En Touraine, on appelle douves les cavernes que les habitans du long de la Loire font dans le roc, & où ils se retirent.

Douve, est aussi le nom d’une plante qui croît dans les prés & dans les lieux marécageux. Sa tige est lisse, creuse, entrecoupée par des nœuds, & garnie de