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DIS

règle nos actions & nos paroles. Consideratio, prudentia. Quand on est constitué en dignité, il faut se conduire avec une grande discrétion. Quand on parle devant des inconnus, ou des ennemis, on ne le sauroit faire avec trop de discrétion. Il a été discret tant qu’il s’est cru malheureux, mais une pensée d’un bonheur, même incertain, a fini sa discrétion. P. de Cl. La discrétion est une des principales parties d’un Galant. Voit. Les gens sages blâment un zèle sans prudence & sans discrétion. S. Evr.

☞ Le substantif discrétion, disent les Encyclopedistes, paroît avoir une toute autre acception que l’adjectif discret. Discrétion ne s’entend guère que de la tempérance dans les discours & dans les actions : la vue de l’esprit ne se porte plus sur l’idée de secret. Il semble que la discrétion marque la qualité des actions de l’homme prudent & modéré.

Discrétion vient du Latin discretio, que quelques-uns dérivent du mot Grec διὰκρισις.

On dit, en termes de Guerre, qu’une place se rend à discrétion ; pour dire, à la merci du vainqueur, par la confiance qu’on a qu’il usera bien de sa victoire. Victori se permittere nullâ propositâ conditione.

☞ Dans le discours ordinaire, se mettre à la discrétion de quelqu’un, c’est se livrer entièrement à sa volonté.

☞ Et, se remettre à la discrétion de quelqu’un, c’est se rapporter au jugement de quelqu’un pour une affaire, dans la confiance qu’on a en sa sagesse. Permittere se fidei, ou in fidem alicujus.

On dit des soldats, qu’ils vivent à discrétion, lorsqu’ils vivent en liberté chez leurs hôtes, sans règle & sans discipline. Vivere alienis impensis, milites suo arbitrio permittere. Le vrai moyen de ruiner une ville, c’est d’y laisser des soldats vivre à discrétion.

Il s’emploie aussi, figurément, en ce même sens. Si l’on abandonne la passion sur sa foi, & si on la laisse faire à discrétion, quels ravages ne fera-t-elle point dans la société civile ? Balz. Cupiditati alicui effrenatae laxare frena.

☞ En termes de jeu, discrétion signifie ce qu’on gage ou ce qu’on joue, sans marquer précisément ce que c’est, & qu’on laisse à la volonté du perdant. Jouer, gagner, perdre une discrétion.

DISCRÉTOIRE. s. m. Lieu où s’assemblent les Mères Discrètes dans les Couvens des Religieuses, ou les Supérieurs & Pères Discrets dans les Couvens des Religieux.

Les yeux en pleurs, les sens d’horreurs troublés,
En manteaux longs, en voiles redoublés,
Au Discrétoire entre neuf Vénérables :
Figurez-vous neuf siècles assemblés.

Poëme de Vert-Vert de M. Gresset.

Il paroît que Discrétoire est un terme usité dans quelques Couvens, pour marquer l’assemblée des Notables, & l’endroit où elle se tient. Feu M. l’Abbé Le Gendre, Sous-Chantre de l’Eglise Métropolitaine de Paris, l’a employé en la première signification dans son Testament. Si la fondation des Prix n’est point, dit-il, acceptée par le Discrétoire du Grand Couvent des RR. PP. Cordeliers de Paris, je supplie très-humblement Messieurs les Gens du Roi du Parlement de la placer où ils le jugeront à propos. Mercure d’Octobre 1734.

DISCRIME. s. m. Vieux mot. Danger, du Latin Discrimen, qui veut dire la même chose.

DISCRIMEN. s. m. Espèce de bandage dont on se sert pour la saignée du front. Discrimen est un mot Latin qui signifie division, séparation ; nom qui a été donné à ce bandage, parce qu’en passant le long de la suture sagittale, il divise la tête en deux parties égales, ou parce qu’il y a des séparations entre ses tours. Voyez le Dict. de M. Col de Villars.

DISCULPER. v. a. Justifier quelqu’un d’une faute qu’on lui impute. Aliquem purgare, culpu libertare. Il s’emploie souvent avec le pronom personnel. Il s’est fort bien disculpé de cette accusation. On lui fit un crime de sa passion ; &, voici comme il se disculpa. Man. de penser. Si celui qui le connoît parfaitement, & qui l’aime avec tendresse, ne laisse pas de le condamner, comment pouvons-nous le disculper & l’absoudre, disent les Chinois, quand on paroît étonné de ce que chez eux, si un père accuse son fils de quelque faute devant le Mandarin, il n’a besoin d’aucune preuve. P. le Comte.

Ce mot vient du Latin Disculpare. Du Cange. Le P. Bouhours le dérive de l’Italien discolpare, & dit que nous devons peut-être ce mot, & quelques autres qu’il rapporte, à M. le Cardinal Mazarin ; ce qui fait connoître depuis quel temps ces mots sont en usage.

DISCULPÉ, EE. part.

☞ DISCURSIF, ive. adj. Terme de Logique. Qui tire une proposition d’une autre, par le raisonnement. Differendi facultate præditus. L’homme a la faculté discursive.

☞ Ce mot s’applique aussi aux sciences qui emploient le raisonnement, & les règles de la Dialectique. Discursivus, a, um. La Théologie, dont l’Eglise se sert pour la défense & l’établissement des vérités, est essentiellement discursive & n’est, à proprement parler , qu’une Logique qui raisonne juste sur les dogmes révélés, & qui en déduit clairement les vérités qu’ils contiennent. Lamy.

Discursif, est aussi un terme de dévotion mystique ; & alors il signifie Actif, inquiet, agité. Discurrens. La contemplation active est celle qui est encore mêlée d’actes empressés & discursifs. Fenel.

DISCUSSIF, ive. adj. Terme de Médecine, qui se dit des médicamens qui ouvrent les pores, & qui font évaporer par la transpiration insensible les humeurs inutiles du corps, principalement en atténuant, en résolvant. Discussoria medicamina. Ce sont les mêmes que ceux qu’on appelle diaphorétiques & résolutifs. Les intestins étant boursouflés, ont besoin de remèdes carminatifs & discussifs pour les désenfler. Dionis.

Ce mot & les deux suivans ont la même origine.

DISCUSSION. s. f. Examen exact & en détail, action de discuter des questions, des affaires, des héritages. Alicujus rei accurrata consideratio. Le peuple n’entre dans aucune discussion des choses mêmes dont il juge le plus criminellement. C’est une affaire d’une grande discussion, que de rendre un compte exact de sa conduite, quand on a manié les deniers publics.

Discussion. En Médecine, signifie la dissipation de la moitié d’une tumeur, & sa sortie au travers des pores. Voyez Discuter.

On dit, en termes de Palais, qu’un homme, qu’une caution n’est point tenue de payer, sinon après discussion faite des biens du débiteur. Bonorum debitoris cum aere alieno collatio. Et c’est pour cela qu’on fait apposer cette clause dans les contrats. Ils se sont obligés solidairement l’un pour l’autre, & un seul pour le tout, sans division ni discussion, & ont renoncé au bénéfice d’icelles. Faire la discussion d’un débiteur, c’est faire la perquisition, & ensuite la vente en Justice de tous ses biens, meubles & immeubles. Debitoris bona cum alieno aere adducere in contentionem. On appelle bénéfice de discussion une exception dilatoire, par laquelle le débiteur empêche, ou retarde sa condamnation, en renvoyant le demandeur sur les biens du tiers.

Discussion, se prend aussi pour Dispute, contestation. Contentio, jurgium. Ils ont une grande discussion ensemble. Il a eu une discussion au jeu.

Ce mot vient du Latin discussio, qui vient de discutere.