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CRO

Pere Théodore, dit que ce jeune Baron s’étant croisé en 1188, & ayant été servir en Palestine, il y connut de ces Croisiers, institués, à ce que l’on prétend, par S. Clet, & conçut dès lors le dessein d’en instituer une Congrégation dans son pays. Ce qu’il y a de certain, c’est que Théodore, étant retourné de Palestine, fut engagé dans l’Etat Ecclésiastique par Raoul Evêque de Liège, qu’il alla en qualité de Missionnaire à La Croisade contre les Albigeois, qu’étant retourné en son pays en 1211, l’Evêque de Liège lui donna l’Eglise de Saint Thibault, située sur une collinne appelée Clairlieu proche de la ville d’Huy, que ce fut là qu’avec quatre compagnons il jeta les fondemens de son Ordre, qu’Innocent III & Honorius III, confirmèrent. Théodore envoya de ses Religieux à Toulouse qui se joignirent à Saint Dominique, pour combattre les Albigeois ; & cette Congrégation s’établit & se multiplia depuis en France. Les Papes ont voulu soumettre les Croisiers d’Italie à ceux de Flandre, dont le Général fait ordinairement sa résidence à Clairlieu, qui est le Chef-d’Ordre.

Ces Religieux portoient dans le commencement une soutane noire avec un scapulaire gris, & par dessus une grande chape noire avec un grand capuchon : ils changèrent la soutane noire en blanche, par une Bulle de Clément VIII ; & sur la fin du dernier siècle ils changèrent encore leur habillement, qui consiste à présent en une soutane blanche & un scapulaire noir chargé sur la poitrine d’une croix rouge & blanche. Lorsqu’ils sont au chœur, ils ont l’été un surplis avec une aumusse noire ; & lorsqu’ils vont en ville, ils mettent un manteau noir comme les Ecclésiastiques. Ils mettent encore dans quelques Provinces le surplis sur le capuchon, & le capuchon à la tête au lieu de bonnet carré ; &, en mémoire de leur ancien habillement, les Novices portent la soutane noire pendant deux mois.

Croisier, ou Porte-croix avec l’étoile. Autre Congrégation de Chanoines Réguliers de Sainte-Croix établis en Bohême, qui prétendent faire remonter leur origine jusqu’au temps de Quiriace, puisqu’ils disent qu’ils sont venus de Palestine en Europe, où ils ont embrassé la règle de S. Augustin, qu’ils bâtirent plusieurs Monastères ou Hôpitaux, entre autres celui de Sorzik proche de Prague ; que la bienheureuse Agnès de Bohème en tira des Religieux pour fonder celui de Prague ; & qu’afin que ces Croisiers fussent distingués des autres, cette Princesse obtint d’Innocent IV, qu’ils ajouteroient une étoile à la croix qu’ils portent. Mais ce que l’on dit de S. Quiriace n’est point fondé ; c’est la bienheureuse Agnès, fille de Primislas, ou d’Ottocare I, Roi de Bohème, qui institua cet Ordre à Prague en 1234, & leur donna l’hôpital qu’elle y fonda auprès du pont. Ils ont maintenant deux Généraux, l’un à Prague, auquel une partie obéit, & l’autre à Breslaw, auquel une autre partie des Croisiers de Bohême, & ceux de Pologne & de Lithuanie sont soumis. Voyez les Bollandistes dans la vie de la bienheureuse Agnès, T. I. de Mars, p. 518, &c. Voyez aussi sur tous ces Croisiers, l’Hist. des Ord. Mon. & Relig. P. II, C. 35.

Croisier avec le Navire. Le P. Anastase de S. Agnès, Augustin Déchaussé, fait mention de certains Religieux Croisiers en Bohême, qui ont sur le côté gauche un navire, & qu’il dit avoir été établis en 1400. Pontanus parle aussi de ces Croisiers avec le navire, qui, dit-il, ont trois maisons en Bohême. V. l’Hist. des Ordr. Mon. & Relig. P. II, C. 35. Pontanus, Bohemia Sacra.

CROISIÈRE. s. f. en termes de Marine, est une certaine étendue de mer, où les vaisseaux vont croiser & faire des courses. Infestæ piratis oræ. Statio, locus observationis. Cette frégate semble avoir établi sa croisière depuis Livourne jusqu’à Nice. Gazette, 1740, p. 530. Dès que le temps fut plus calme, je revins sur ma croisière. Forbin. En revenant sur ma croisière, j’eus ordre de retourner à Cadix. Idem. Etre en bonne croisière, c’est être en un bon endroit pour attendre les vaisseaux & pour les attaquer. Vaisseaux en croisière, sont des vaisseaux qui sont dans le parage qu’on doit ou qu’on veut tenir pour croiser.

CROISILLE. s. f. Terme de Cordier. Petite pièce de bois taillée en portion de cercle, qui est sur le rouet des trieurs, & qui porte les molettes.

Croisille. Terme populaire. Petite croix. Crucicula.

CROISILLON. s. m. Le bras, le travers d’une croix. Crucis brachia.

Croisillon, est aussi une partie, soit de pierre, soit de bois, qui sépare une croisée en deux par sa hauteur & par sa largeur. Fenestræ transversus scapus. Il signifie aussi une demi-croisée. On appelle croisillons de chassis, de petits morceaux de bois croisés qui séparent les carreaux d’un chassis de verre.

CROISOIRE, qu’on nomme aussi quelquefois peigne. Instrument de fer ou de bois, dont on se sert pour faire, sur les galettes de biscuit de mer, diverses façons en forme de croix.

CROISSANCE. s. f. Augmentation qui se fait de la taille ou de la hauteur des animaux, ou des arbres, jusqu’à un certain âge. Accretio, incrementum, accrementum. On pardonne aux jeunes gens, s’ils mangent beaucoup, jusqu’à ce qu’ils aient pris leur croissance. Les chênes sur leur retour ne sont plus en état de croissance.

Ce mot vient de crescentia, qu’on forme de crescere. Il vieillit un peu dans le propre, & dans le figuré, il est suranné. C’est un jeune esprit qui n’a pas encore pris toute sa croissance. L’amour & l’estime que j’ai pour vous, ont déjà pris toute leur croissance. Costard.

On appelle aussi croissances, certaines herbes congelées qui se prennent sur les rochers, & dans la mer, dont on orne les grottes. Il y a de ces croissances qui sont en forme de crête-de-coq, qu’on appelle croissances des Indes. Elles sont un très-bel effet.

☞ CROISSANT. s. m. La figure de la nouvelle Lune, jusqu’à son premier quartier. Elle présente alors un petit rayon de lumière aboutissant en pointe. Luna crescentis cornua.

On appelle improprement croissant, la même figure de la lune en décours ; mais alors les pointes sont tournées du côté de l’Occident, au lieu qu’elles sont du côté de l’Orient pendant le croissant. Voy. Lune.

Avant que les Turcs se fussent rendus maîtres de Constantinople, & de toute antiquité, la ville de Byzance avoit pris un croissant pour symbole, comme il paroît par les médailles des Byzantins, frappées à l’honneur d’Auguste, de Trajan, de Julia Domna, de Caracalla.

Croissant, se dit aussi de ce qui a la figure de cette nouvelle lune. Ainsi S. Amand a dit d’un fromage.

Pourquoi toujours s’appetissant,
De lune devient-il croissant ?

Croissant, se dit figurément & poëtiquement de l’Empire du Turc, qui a un croissant en ses armes, & qui le fait mettre sur tous les toits & lieux élevés, comme nous mettons les girouettes en Occident. Turcicum Imperium cujus luna crescens insigne est. Faire pâlir le Croissant. Boil. C’est-à-dire, Epouvanter les Turcs.

Croissant, est aussi un instrument tranchant, & fait en arc, dont se servent les Jardiniers pour tondre leurs palissades. Falcis genus crescentis in morem lunæ conformatum. On le dit aussi des autres ferremens taillés de cette manière, comme ceux qui servent à tenir la garniture du feu dans une cheminée.

On donne le même nom aux branches recourbées de fer ou de cuivre ordinairement doré, dont on se sert pour arrêter les portières & les rideaux de fenêtres.