Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/990

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
982
COU

Courier Apostolique. Cursor Apostolicus. Viator Apostolicus. Les anciens Romains avoient des Officiers, qu’ils appeloient Viatores, qui faisoient leurs commissions, & qu’ils envoyoient par-tout où ils avoient des ordres, des lettres, des avis, des nouvelles à porter ou à quérir. Les Empereurs en eurent aussi, & dans l’Empire de Constantinople on les appela Cursores. Il y eut aussi dans le premiers temps des Couriers dans l’Eglise. Cursores. Ils étoient chargés, dans le temps de la persécution, de porter les lettres des Evêques, & d’avertir les Fidèles du temps & du lieu où se devoient faire les assemblées pour célébrer les saints Mystères. C’est à ces Couriers de la primitive Eglise qu’ont succédé les Couriers Apostoliques. Leur devoir est d’avertir les Cardinaux, les Ambassadeurs & les Princes du Trône, de se trouver aux Consistoires, aux Cavalcades & aux Chapelles que tient le Pape. Leur habit d’ordonnance est une robe violette, & ils portent un bâton d’épine en main. Chaque Cardinal est obligé de leur donner audience sur le champ, en quelque état qu’il soit ; & il les écoute debout & à découvert. Le Courier lui parle un genouil en terre. Aux Ambassadeurs & aux Princes du Trône, ils ne mettent point de genouil en terre. Ils convoquent encore le sacré Collège & les quatre Ordres Mendians aux obsèques d’un Cardinal. Ils assistent aux Cavalcades où le Pape se trouve, & entourent la litière montée sur des mules, vêtus de leurs robes violettes, & portant en main une masse d’argent. C’est eux aussi qui ont soin d’afficher les Bulles, les Décrets, les Constitutions du Pape aux portes de S. Jean de Latran, de S. Pierre de Rome, du Palais de l’Inquisition & de la Chancellerie Apostolique, & au champ de Flore. Ils sont dix-neuf. Il y en a un qui, pendant trois mois, exerce l’office de Maître, comme autrefois dans l’Empire parmi les Couriers Palatins, Cursores Palatini, il y avoit le Prévôt des Couriers, Præpositus Cursorum, comme on le voit sur d’anciennes inscriptions. C’est au Maître seul des Couriers que sont adressées les commissions signées par le Pape, ou par le Cardinal Préfet de la signature de Justice. Voyez Piazza, Eusebolog. Rom. Tract. II, chap. 16.

Au reste il faut dire en notre langue, Courier Apostolique, & non pas Curseur Apostolique, comme font les Auteurs du Morery. Toutes les traductions françoises que j’ai vues des Bulles ou Constitutions des Papes disent Courier, à la réserve d’une, qui dit Curseur.

Il y en a aussi qui signent Courier de N. S. P. le Pape, & de la sainte Inquisition ; en latin, Sanctiss. D. N. Papæ, & sancliss. Inquisitionis Cursor ; ce que la traduction de la Censure du Catéchisme de la Grace appelle Huissier de N. T. S. P. & de la sainte Inquisition. Cela ne se trouve qu’aux Décrets de l’Inquisition.

COURIÈRE se dit poëtiquement de l’aurore qui vient annoncer le jour. Lucis prænuncia. Et de la lune, qu’on a appelée, la courière des mois, l’inégale courière des nuits.

Déjà des sombres nuits la changeante Courière
Trois fois avoit fourni son obscure carrière. P. Le Moine.

☞ COURIR & courre, v. n. quelquefois actif. Aller de vîtesse pour avancer chemin. Il se conjugue de la manière suivante. Je cours, tu cours, il court. Je courais. J’ai couru, je courus, je courrai. Je courois. Cours, qu’il coure, que je courusse. Currere.

☞ Il ne faut pas se servir indifféremment de courir & de courre. Ce dernier n’a lieu que dans quelques façons de parler que l’usage a autorisées, comme quand on dit courir ou courre le lièvre ; courir ou courre la bague, & dans quelques autres occasions dont nous parlerons plus bas.

Courre, dit M. l’Abbé Girard, est un verbe actif. C’est poursuivre quelqu’un pour l’attraper. Courir est un verbe neutre. C’est aller fort vite pour avancer chemin.

☞ On dit courre le cerf ; courir à toute bride ; & il me semble que ce ne seroit pas mal de dire, que pour courre les bénéfices & les emplois, il faut courir aux ruelles & audiences.

☞ Excepté ces cas, & ceux dont nous parlerons, on doit toujours dire courir, & l’on peut même s’en servir par tout où l’on a le moindre doute. En disant courre, on peut faire une faute ; en disant courir, on n’en fait jamais. C’est un homme qui court bien, il court comme un Basque. Il court à toutes jambes, à bride abattue. On y court comme au feu, comme à la noce. Concurritur. La mort étant la dernière de toutes les choses, c’est bien assez qu’on aille à elle d’un pas assuré, sans que l’on y coure. Vaug.

Oui toujours un ami sçait plaire quand il aime ;
Au secours d’un ami, toujours prêt à courir,
Il ne garde ses biens que pour le secourir.

Que dit-il, quand il voit avec la mort en trousse
Courir chez un malade, un assassin en housse ? Boileau.

Quand les Officiers de la Porte vont prendre séance au Divan, ils n’en approchent qu’en courant, y ayant des Capidgis qui crient à ceux qui marchent d’un pas trop lent : seghyrt, qui signifie cours, voulant faire entendre par cette précipitation avec laquelle tous valets en Turquie approchent leurs Maîtres quand ils sont appelés, la prompte obéissance qu’on doit aux commandemens de la justice. Du Loir, p. 78.

Courir pris activement signifie, poursuivre avec dessein d’attaquer. Insequi, persequi. Courir quelqu’un pour le prendre. Courir quelqu’un l’épée dans les reins.

Courir se dit, en ce sens, des incursions, hostilités & ravages qui se font à main armée. Prædari. Cette garnison vient de courir jusqu’à nos portes. Les Corsaires vont courir les Mers, Les troupes ont couru cette Province.

Courir se dit aussi des courses qui se font par jeu & par exercice. Decurrere, stadium currere. Alexandre ne voulut pas courir aux jeux Olympiques : à moins que des Rois n’y courussent. Dans les Académies on court la bague, les têtes, le faquin. Equestri ad annulum trajiciendum decursione astare. En Espagne on court les taureaux. Courir une lance.

Courir ou Courre, en termes de Chasse, signifie, poursuivre le cerf, le lièvre, le chevreuil. Persequi, sectari. Laisser courre les chiens, c’est les découpler après la bête ; & l’on appelle le laisser courre le lieu où l’on découple les chiens, en faisant un substantif des deux infinitifs ; on dit encore d’un pays commode pour la chasse, que c’est un beau courre.

Courre un cheval dans les manèges, signifie, faire galopper un cheval de toute sa force, le faire courre à bride abattue, étant monté dessus. Effusis habenis agitare, concitare. Vous avez trop couru ce cheval, c’est-à-dire, vous l’avez outré, fait courir trop vîte & trop long tems.

Courir signifie encore, voyager, aller çà & là, parcourir. Peregrinari, errare, vagari. Cet homme a bien couru par mer & par terre. Il a couru les quatre coins du monde. On dit en ce sens qu’un homme a bien couru le monde, ou simplement qu’il a bien couru : pour dire, qu’il a beaucoup voyagé. On dit des gens inquiets, qu’ils courent de tous côtés, & cependant qu’ils ne viennent d’aucun endroit, & ne vont nulle part. La Bruy.

L’insensé qu’il étoit ......
S’en alla follement, & croyant être un Dieu,
Courir comme un bandit qui n’a ni feu ni lieu. Boil.