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des, les uns restèrent à l’hôtel de Bourgogne, & les autres allèrent à l’hôtel d’Argent au Marais. Les vieilles pièces devinrent fades, & la comédie étoit tombée, lorsque Corneille parut, & commença par sa Mélite. Tels furent les commencemens & les progrès de la comédie en France. En 1609 une Ordonnance de Police défendit aux Comédiens de représenter aucunes comédies, ou farces, qu’ils ne les eussent communiquées au Procureur du Roi. Voyez sur tout ceci Pasquier, Rech. L. VII, C. 5. de la Mare, Tr. de Pol. L. III, T. III, c. 2 & 3. & Naudé, dans son Mascurat, p. 214, 215.

Comédie se prend plus particulièrement pour les pièces qui représentent des choses agréables, divertissantes, & non sanglantes : comme les Comédies d’Aristophane, de Térence, le Menteur de Corneille, les Fâcheux de Molière, les Plaideurs de Racine. La Comédie, prise en ce sens, est opposée à la tragédie, dont les sujets sont graves & sérieux. C’est proprement l’imitation des mœurs mise en action.

La Comédie est un Poëme ingénieux pour reprendre les vices & les rendre ridicules. Boursaut. Aristote a défini la Comédie, une imitation des plus méchans hommes dans le ridicule. Corneille n’a nullement approuvé cette définition ; car il prétend que les actions des Rois mêmes y peuvent entrer, pourvu qu’il s’agisse simplement d’intérêts d’Etat, sans aucun danger considérable, ou d’une intrigue d’amour. Il soûtient qu’un Poëme où il n’y a bien souvent d’autre péril à craindre que la perte d’une Maîtresse, n’a pas droit de prendre un nom plus relevé que celui de Comédie. Il a seulement ajouté à ces Comédies, où il introduit de grands personnages, une épithète pour les distinguer des Comédies ordinaires. Il les appelle Comédies héroïques. M. Dacier blâme fort cet expédient. Il prétend que la Comédie ne souffre rien de grave & de sérieux, à moins que l’on n’y attache le ridicule ; parce que le comique, & le ridicule, sont l’unique caractère de la Comédie. La Comédie est l’image, ou la représentation de la vie ordinaire des hommes ; on y représente leurs actions les plus communes, & on y répand du ridicule sur leurs défauts, afin d’en préserver les spectateurs, ou de les corriger. Quelqu’un a dit, la Comédie ne réforma jamais que les grands canons & les précieuses ridicules.

☞ La Comédie doit représenter au naturel les mœurs du peuple pour lequel elle est faite, afin qu’il s’y corrige de ses vices & de ses défauts, comme on ôte devant un miroir les tâches de son visage. Rac.

A cause des divers changemens qui arrivèrent anciennement à la Comédie, on a distingué la vieille, vetus Comædia ; la moyenne, media ; & la nouvelle Comédie, nova : la vieille, où il n’y avoit rien de feint, ni dans le sujet, ni dans les acteurs ; la moyenne, où les sujets étoient véritables, & les noms supposés, & la nouvelle, où tout étoit inventé, le sujet & les noms. Dac. Quelques-uns contestent à la Comédie le nom de Poëme, sous prétexte qu’elle n’a ni majesté, ni élévation : c’est une pure conservation. Id. La Tragédie & la Comédie ne furent d’abord qu’une seule & même chose. Mais après que le grave & le sérieux furent séparés du burlesque, on s’attacha au premier, & on négligea le dernier. La Comédie demeura dans son premier chaos, ou ne reçut que des changemens médiocres, pendant que la Tragédie fit de très-grands progrès. Après que la Tragédie eut reçu sa perfection, on pensa à cultiver la Comédie. La vieille Comédie succéda à Thesphis & à Eschyle ; Aristophane y travailla avec succès. On y reprenoit publiquement les vices, & l’on n’épargnoit personne. Cette liberté déplut, & l’on défendit de nommer les personnes qu’on jouoit. Alors les Acteurs supposèrent des noms : mais ils désignoient si bien les personnes, qu’on les reconnoissoit sans peine ; c’est ce qu’on appelle la moyenne Comédie. On dut encore obligé de réprimer cette licence : & cette réforme donna lieu à la nouvelle Comédie, qui ne porta sur le théâtre que des avantures feintes, & des noms inventés.

La Comédie, aussi-bien que la Tragédie, a ses parties essentielles & ses parties intégrantes. Les parties essentielles sont dans le langage des Anciens la Protase, l’Epitase, la Catastase & la Catastrophe : la Protase est le commencement où l’on entre dans la sujet ; on connoît le caractères des Personnages, & l’intérêt qu’ils ont, ou la part qu’ils prennent à l’action. Dans l’Epitase les intrigues commencent ; elles continuent & se fortifient dans la Catastase, la Catastrophe contient le dénouvement. Les parties intégrantes sont les cinq actes dans lesquels on divise une Comédie, suivant le précepte d’Horace.

Neve minor quinto, neu sit productior actu.

Précepte qui n’est pas rigoureusement observé. Voyez Actes.

Les actes se divisent en scènes, dont le nombre n’est point fixé, ni par la raison, ni par l’usage ; il dépend des choses qui doivent se faire dans chaque acte, & du nombre de personnes qu’il faut y employer. Les Anciens ajoutoient à leurs Comédies un prologue, un chœur, & des mimes. Voyez la Poëtique de Scaliger, les Antiquités Romaines de Rosinus, le P. Le Bossu, la Pratique du Théâtre de l’Abbé d’Aubignac, &c.

Des succès fortunés du spectacle tragique
Dans Athènes naquit la Comédie antique ;
Là le Grec né moqueur, par mille jeux plaisans,
Distilla le venin de ses traits médisans.

Boil.

Enfin de la licence on arrêta le cours…
Le Théâtre perdit son antique fureur ;
La Comédie apprit à rire sans aigreur. Id.

Comédie. Quelques-uns dérivent ce mot de Κῶμος, comessatio, banquet, festin ; mais il paroît sûr qu’il vient de Κῶμη, un village, & qu’il fut donné la Comédie dans son invention, parce que Thespis & ses premiers Auteurs alloient jouer leurs farces de village en village, montés sur un charriot ou tombereau.

Comédie signifioit aussi l’art de composer des Comédies. On dit d’un Auteur qu’il entend bien la Comédie, les règles de la Comédie, qu’il est le premier Auteur pour la Comédie. Du temps de Molière la Comédie fut portée à sa perfection.

Comédie signifie aussi le lieu où l’on joue la Comédie pour le public. Il loge vis-à-vis de la Comédie.

Comédie se dit, par extension & dans un sens figuré, de toute action hypocrite, ou déguisée, ou plaisant ou ridicule. Simulatio, similationis artificium. L’amitié n’est plus qu’une Comédie : elle n’est qu’en gestes ou en grimaces. S. Evr. Cet homme est un extravagant, qui donne la Comédie à tout le monde. Ils ont eu une dispute, une contestation, qui nous a fait rire, qui nous a donné la Comédie.

Les hypocrites se mocquent intérieurement de la Religion, & en font une Comédie. S. Evr. La vie des Courtisans est une Comédie perpétuelle, ils sont toujours sur le théâtre, & ne quittent guère le masque. Bell. Le monde est une Comédie, chacun y joue son rôle. S. Evr. Catherine de Médicis en France, & Elizabeth en Angleterre, surmontant la foiblesse de leur sexe, ont fait voir dans leur gouvernement deux chefs-d’œuvres de politique, quoique fort différens ; l’une sur une mer orageuse & toujours troublée ; l’autre sur un théâtre assez tranquille, où il n’y avoit que des Comédies à jouer. Vign. Marv.

COMÉDIEN, IENNE. s. m. & f. Qui fait profession de représenter, de jouer des pièces de Théâtre en public. Comædus, Mimus. Comédiens François, Italiens. Comédiens du Roi. Comédiens de campagne. Le mot est dit comme ὁ κατὰ κώμας ᾄδων, chantant, récitant ses pièces par les bourgades,