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COI

Coin arrondi. Il y a plusieurs fruits dont les coins sont arrondis, c’est-à-dire, que leur arête est rabattue & arrondie. Dict. de James.

Coin se dit aussi de plusieurs ornemens qu’on met à diverses choses. Angulos, partes extremas vestire, tegere auro, vel argento. Il a fait mettre des coins d’argent à cette cassette, à cette table, à cette paire d’Heures ; pour dire, des plaques d’argent aux extrémités. Il a fait broder les coins de son bas de soie : c’est l’endroit qui est vers la cheville du pié, ou l’estame & le tissu se divisent.

Coins se dit aussi de petits ouvrages de marqueterie, armoires, ou tablettes qui se placent dans les angles des appartemens.

Coin se dit encore des faux cheveux que les hommes & les femmes ajoutent à leurs cheveux naturels, pour les faire paroître ou plus épais ou plus longs ; mais en ce sens il ne se dit guère qu’au pluriel. Mentiti capilli, falsa coma. Il a été obligé de prendre des coins, à cause que ses cheveux sont trop courts : ce sont des cheveux postiches, que les hommes mettent pour faire paroître leurs cheveux plus longs, & que les femmes portoient autrefois pour retrousser & enfler leurs coëffures. Comme Louis XIII aimoit les cheveux, on lui fit plaisir de les porter longs : ce changement embarrassa les Courtisans ; ceux de la vieille Cour, qui étoient à demi-rasés, furent contraints, pour se mettre à la mode, de prendre des coins ou perruques. Le Gendre.

Coin, en termes de Fauconnerie, se dit des plumes qui forment les deux côtés de la queue de l’oiseau. Latus. Les deux grandes pennes du milieu de la queue sont appelées les couvertes ; les deux premières de chaque côté sont les premières du coin, les suivantes, les deuxièmes du coin, & ainsi des autres.

Coin, terme de Doreur sur tranche. C’est un petit ornement autour des bouquets, qui sont sur le dos des livres reliés. Impressæ librorum teguminis notæ. Pousser les coins se dit aussi du petit fer qui est figuré, & qui ayant un manche de bois, sert à pousser les coins sur le dos des livres. Typus ferreus signandis librorum tegumentis.

Coin, en termes de Maréchallerie, se dit des quatre dents du cheval situées entre les mitoyennes & les crocs, qui poussent lorsque le cheval a quatre ans & demi. Dentes extremi.

Coins se dit aussi, en termes de Manége, des quatre angles, extrémités, ou lignes de la volte, lorsque le cheval travaille en carré. Ce cheval a fait les quatre coins. Anguli.

Coin signifie, dans les Méchaniques, une pièce de bois ou de fer, plate & fort aiguë, qui sert à fendre, presser, ou élever d’autres corps. Cuneus. Le coin est le second principe des Méchaniques, qui a la force de feux leviers inclinés l’un vers l’autre, & qui agissent à droit & à gauche. Les plus gros arbres se fendent avec des coins. Les cognées, couteaux & autres instrumens fendans & tranchans, n’agissent que par la vertu du coin. ☞ La hauteur du coin est toujours représentée par une ligne perpendiculaire tirée du sommet sur la base. Suivant les principes de la Méchanique, la vîtesse de la puissance qui se sert du coin, l’emporte autant sur la vîtesse de résistance, ou des parties qu’il faut diviser, que la hauteur du coin l’emporte sur sa base ; parce que le coin poussé par la puissance ne peut pas s’enfoncer de toute sa hauteur dans un morceau de bois, sans en séparer les parties de toute la longueur de sa base. C’est pour cela, sans doute, que les coins aigus qui ont beaucoup de hauteur & peu de base, augmentent considérablement la vîtesse de la puissance. Les Canonniers ont des coins de mire, qui sont des pièces de bois, minces par un bout, & épaisses par l’autre, qui servent à élever la culasse des canons pour les pointer. Les Menuisiers, les Tonneliers ont des coins pour serrer ou presser les chassis, les cerceaux, & autres ouvrages. Les Imprimeurs chassent des coins dans leurs formes pour les serrer & tenir en état. Les Maçons ont aussi des coins ou cales sur lesquels ils posent leurs pierres. Les Cordonniers en ont aussi, & ce sont de petits morceaux de bois pour hausser le cou du pié des souliers, lorsqu’ils sont sur la forme.

Coin, terme de Facteur d’Orgues. C’est un petit morceau de bois, de figure conique, qui sert à boucher le trou que l’anche & la languette des jeux d’anche laissent dans la noix.

☞ Chez les Jardiniers, le coin est un instrument qui sert, dans la greffe, à ouvrir la fente que le couteau a commencée.

Sur mer, on appelle coins du mât, des coins de bois traversé, des chevilles de fer, qui servent à resserrer le mât, quand il est trop au large dans l’étambraie du pont ; coins d’arimages, des coins qu’on met entre les futailles en les arimant ; coins de chantier, des coins qu’on met entre les tins & la quille, lorsqu’on la pose sur le chantier ; on les enfonce à coups de bolin, lorsqu’on veut lancer le vaisseau à l’eau. Les Serruriers appellent coins leurs tranchoirs à fendre.

On trouve quelquefois en Angleterre, en fouïssant la terre, des instrumens de cuivre, qui ont la forme d’un coin. Ils sont de différentes grandeurs, depuis trois jusqu’à quatre pouces de longueur, & larges d’un pouce & demi. Ils sont affilés par un bout comme une hache, s’élargissant un peu à ce bout-là ; & par l’autre bout, & tout le reste de leur corps, ils sont carrés. Ils sont creux & ouverts par le gros bout opposé à celui qui est tranchant ; à l’un des côtés de ce gros bout est une petite anse. Les côtés ont l’épaisseur d’une ligne environ, quelquefois plus & quelquefois moins. Ce n’est pas seulement en Angleterre qu’on en trouve, il y en a aussi en France. J’en ai vû dans le Cabinet de M. Foucault, qui ont été déterrés en Normandie, & j’en ai un qui en vient aussi. Il a quatre pouces de long, un pouce de large sur chaque face à l’endroit aigu, un pouce & sept lignes dans sa plus grandes largeur. Les Antiquaires sont partagés sur l’origine & l’usage de ces coins. Quelques-uns les ont pris pour des pointes de flèches, ou des haches d’armes des anciens Bretons ; mais, en vérité, ils sont trop gros pour des pointes de flèches, & paroissent bien petits pour des haches d’armes. D’autres ont cru que c’étoient des têtes de Catapultes des Romains. Speed, Historien Anglois, a cru que c’étoient des armes des anciens Bretons. M. Hearne, habile Antiquaire Anglois, n’est pas de ce sentiment, parce que ces coins n’ont aucun rapport à aucunes des armes des anciens Bretons que nous connoissons. De plus, puisqu’on en trouve en France, il ne paroît pas que ce soient des armes des Bretons ; car, de prétendre que les Bretons étant originairement Gaulois, leurs armes & celles des Celtes étoient semblables, & que les coins que l’on trouve en France sont des monumens des anciens Gaulois ; cela ne paroît pas vraisemblable, parce qu’aucune des armes gauloises, que nous connoissons beaucoup mieux que celles des Bretons, n’ont de rapport à ces coins. M. Hearne a cru d’abord que c’étoient des instruments servans aux sacrifices chez les Romains, mais ils ne ressemblent point à toutes les figures que nous en avons. Ainsi il conclut que c’étoient des ciseaux dont les Romains se servoient à tailler & à polir les pierres dont ils faisoient les murailles qui entouroient leurs camps. Le trou qu’on y voit servoit à les emmancher, & la petite anse à les pendre à la ceinture des soldats & ouvriers ; & en effet, les soldats sont ainsi représentés sur la colonne Trajanne. D’ailleurs, rien n’est plus commun parmi les Anciens que les instrumens de cuivre. Tous les Auteurs en parlent ; & Cambden prouve que non seulement les outils, mais aussi les armes des Grecs, des Cimbres & des Bretons, étoient de ce métal, auquel les Anciens savoient donner une trempe qui nous est inconnue. Un curieux Antiquaire, qui depuis quelques années, a trouvé de ces coins dans l’Île de