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CIG — CIL

nie ; que les corpuscules qui en sortent sont chauds, provenans d’un sel volatil, & d’un souffre impur & puant ; que la rage qu’elle cause & les autres symptomes marquent des parties très-agissantes ; que si le sang se trouve coagulé après la mort, l’esprit de vin en fait autant.

La petite ciguë, cicuta minor, Petroselino similis, C. B. n’est pas moins venimeuse que la précédente ; on croit même que son effet est plus prompt & plus mauvais. On la reconnoît aisément par ses feuilles, qui ressemblent à celles du persil ordinaire, & qui ont une odeur vireuse ; sa tige est basse, & n’a guère plus de deux piés & demi ; elle est menue, chargée de feuilles, & divisée en quelques branches qui sont terminées par des ombelles de fleurs blanches, fleurdelisées, en quoi elles diffèrent de celles du persil. Sa semence est menue, & toute la plante a une odeur désagréable & vireuse. Sa racine périt dès que les semences sont mûres. Comme cette dernière espèce de ciguë approche du persil par ses feuilles, il est arrivé quelquefois de fâcheux accidens à ceux qui en avoient mangé par mégarde. Cette plante se trouve assez souvent dans les jardins, dans les vignes, &c.

Il n’est pas possible de découvrir quelle étoit la ciguë des Anciens, parce que cette plante n’est pas la seule des ombellifères qui soit dangereuse. Il y a quelques espèces d’œnanthes, une espèce de berle nommée sium. Erucæ folio, C. B. qu’on a reconnu être très-pernicieuse. Cette dernière plante a fait le sujet d’un ouvrage entier, & Wepfer a cru qu’elle étoit la ciguë aquatique. Cicuta aquatica.

Bauhin a distingué trois sortes de ciguë aquatique. La ciguë de marais, à feuilles larges & blanchâtres, la ciguë à feuilles rougeâtres, & la ciguë à feuilles étroites, ou ciguë aquatique de Gesner, qui est celle dont on parle ordinairement. Wepfer a fait un Traité intitulé Cicutæ aquaticæ Historia notis & commentario illustrata. Il est assez ordinaire de prendre les feuilles de la ciguë pour celles du persil, & ses racines pour des panais, ou pour des carottes.

Quelques-uns sont devenus fous pour avoir mis en leur potage des feuilles de ciguë au lieu de persil. La ciguë est ennemie du cerveau, comme les cantharides de la vessie, & le lièvre marin du poumon. La ciguë prise en breuvage cause des vertiges & convulsions, trouble la vue & l’entendement, rend les extrémités froides, & bouche les conduits de la respiration. La ciguë est un aliment pour l’étourneau, & un poison pour l’oie. La ciguë fait mieux son effet quand elle est prise avec du vin. La ciguë est moins dangereuse ici que dans les pays chauds.

On l’appeloit autrefois en françois feguë ou cocuë, mot qui, selon Isidore, vient de ce que la ciguë a des nœuds cachés. Habet cæcos nodos, id est, occultos. C’est pourquoi dans les Poëtes, cicuta se prend pour internodia cannarum ; pour l’espace qui est entre les nœuds des cannes de roseaux. D’autres disent que cicuta est dite comme circa cutem. Elle a une peau, une espèce d’écorce tout autour, mais elle est vide au dedans. Cicuta, d’où est venu ciguë, singifie en latin un tuyau fistuleux. Les Poëtes appellent cicuta, un chalumeau, un flageolet de berger.

Est mihi disparibus septem compacta cicutis
Fistula. Virgile, Eclog. II, v. 36.

Hac te nos fragili donabimus ante cicutâ. Id.
Exlog. V, à la fin.

Ciguë se dit aussi du jus, du suc de la ciguë ; d’un poison, d’un breuvage fait de ciguë. Cicuta. Socrate, condamné à mort, but de la ciguë. Platon remarque dans son Dialogue de l’Immortalité de l’ame, que le Bourreau avertit Socrate de ne point parler, de peur que le poison n’opérât trop lentement. M. Petit, dans ses Observations miscellanées, ne croit pas qu’il fit cela par un principe de compassion, qui n’est pas la vertu des Bourreaux, mais par avarice, & de crainte d’être obligé d’acheter encore de la ciguë ; car on n’en fournissoit au Bourreau qu’une certaine quantité, au de-là de laquelle il étoit obligé d’en acheter à ses dépens ; ce qui est confirmé par un passage de Plutarque dans la vie de Phocion ; car le Bourreau n’ayant point assez de ciguë, parce qu’il l’avoit employée à d’autres criminels, Phocion lui donna de l’argent pour en acheter, en disant que c’étoit une chose étrange, que dans Athènes il fallût acheter jusqu’à sa mort.

CIL.

CIL. Pronom. Vieux mot qui signifioit autrefois celui. Il n’est plus en usage en ce sens. Ille. Cil a été dans ses beaux jours le plus joli mot de la langue françoise : il est douloureux pour les Poëtes qu’il ait vieilli. La Bruy.

Certes, mon Dieu, tout ce qu’il te plaira
Je souffrirai comme cil qui sera
Le tien subject. Marot.

Cil signifie aussi le poil qui sort des cartilages situés aux extrémités des paupières. Cilium. Il se dit plus ordinairement au pluriel. Cilia, palpebrarum pili. Les cils sont de petits poils recourbés en arc, ceux de la paupière supérieure sont plus longs, & courbés en dehors. Ceux de la paupière inférieure sont courbés en sens contraire. Ces poils sont destinés à écarter des yeux la poussière & les ordures légères qui pourroient y entrer. On appelle les cartilages qui sont aux extrémités des paupières, tarses.

Nicod dérive le mot de cil, de cillere, qui signifie mouvoir. On peut le faire venir aussi de celo, quòd celent oculos.

CILIAIRE. adj. Terme d’Anatomie qui s’applique à différentes parties de l’œil. Ciliaris.

On appelle ligament ciliaire une rangée de fibres noires, disposées en rond, par lesquelles plusieurs Anatomistes croient que le cristallin est suspendu dans le globe de l’œil. M. Mariotte soutient que ces petites fibres ne sont point attachées au cristallin, & ne servent aucunement à le soûtenir.

Muscle ciliaire. Musculus ciliaris. C’est la partie du muscle orbiculaire des paupières, la plus voisine des cils, à laquelle Riolan a donné ce nom, parce qu’il la prenoit pour un muscle entier. Dict. de James.

Ciliaire. (Procès) Voyez Procès.

Ce mot vient du latin ciliaris, mot impropre, qui signifie, ressemblant aux cils, ou poils des paupières.

☞ CILICE. s. m. Espèce de vêtement fait d’un tissu d’une matière rude, de poil de chèvre ou de bouc. On croit que ce nom lui a été donné, parce que les anciens habitans de la Cilicie en faisoient usage. C’étoit aussi l’habit des anciens Moines, & des Hébreux dans les calamités publiques. Cilicium. Aujourd’hui on entend par cilice, une petite camisole faite d’un poil rude & piquant qu’on porte sur la peau par mortification. Porter la haire & le cilice. On le vit quelquefois, lorsqu’il devoit aller en compagne, se revêtir d’un cilice, comme pour s’armer contre l’ennemi dans ces occasions si dangereuses. P. Verj.

D’où vous vient cet air sombre, & ce cilice affreux,
Et cette cendre enfin qui couvre vos cheveux ?

Rac.

Dans le Chevœana on demande si le cilice est la même chose que le sac, que les Juifs avoient cou-