Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/527

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
519
CHE

la guerre, soit dans les tournois. Courageux. Illustris, egregius, nobilis.

Recevez-les, Prince chevaleureux ;
Pour faire vous (voire nous) bienheureux. Marot.

Les noms de bos Ayeux,
Depuis Hugues Capet toujours chevaleureux.

Rousseau.

CHEVALIER. s. m. Le premier degré d’honneur de l’ancienne milice, qu’on donnoit avec certaines cérémonies à ceux qui avoient fait quelque exploit signalé qui les distinguoit des autres gens de guerre. Eques. Ainsi on appelle Chevaliers, les gens issus de la haute & ancienne noblesse, ou qui ont été faits Chevaliers par les Princes. On faisoit bien des cérémonies pour la création d’un Chevalier. La principale étoit le soufflet, & un coup d’épée sur l’épaule. Ensuite on lui ceignoit le baudrier & l’épée dorée, & on l’ornoit de tous les habillemens militaires ; après quoi, étant armé Chevalier, il étoit mené en pompe à l’Eglise. Il falloit être Chevalier pour armer un Chevalier. Il y avoit des Chevaliers de robbe, aussi bien que d’épée ; il y en avoit même d’Ecclésiastiques. On trouve encore dans les Coutumes, qu’il étoit dû un certain droit par les vassaux à leur Seigneur, quand son fils aîné étoit fait Chevalier. On l’appelle aide cheval. Ce droit ne se paye plus que quand le Seigneur est fait Chevalier de l’Ordre du Saint-Esprit. Le Roi anoblissoit un roturier, en le faisant Chevalier : ce pouvoir étoit attaché à la personne du Roi : car ceux qui étoient faits Chevaliers par tout autre que le Roi, n’étoient point anoblis par le seul honneur d’être Chevaliers. Il paroît même qu’il n’étoit pas permis à d’autres de faire des roturiers Chevaliers. Deux Arrêts du Parlement de Paris, donnés en 1280 & 1281, condamnent Guy Comtes de Flandre, & Robert Comte de Nevers son fils, à une amende envers le Roi, pour avoir fait Chavaliers des gens qui n’étoient pas Gentilshommes. Les Coutumes de Paris & d’Orléans portent que si quelqu’un étoit convaincu d’avoir surpris le titre de Chevalier, on le déclaroit indigne de noblesse, & l’on brisoit ses éperons sur un fumier. Cette qualité de Chevalier s’avilit par le nombre, & par la facilité que l’on apportoit à faire des Chevaliers. Monstrelet rapporte que Charles VI en fit 500 en un seul jour. On chercha donc quelques marques de distinction pour relever le titre de Chevalier. Le Roi, au lieu de l’accolade, leur donnoit un colier d’or, &c. Ces vieilles coutumes sont abolies. Voyez l’Ordonnance & la manière de faire de nouveaux Chevaliers, qui est écrite par Du Cange sur le mot miles. Le Chevalier Bayard fut surnommé le Chevalier sans peur & sans reproche. Cette qualité est au dessus de la qualité d’Ecuyer, ou de simple Gentilhomme, & est encore prise à présent par ceux qui possèdent les premières charges & dignités, tant d’épée que de robbe. Un Duc, un Comte, un Maréchal de France, prennent le titre de Chevaliers. Le Chancelier, le premier Président tout de même. Boutilier écrit qu’au seul Chevalier appartient de porter harnois doré en tous états, & habits, tant à cheval qu’à pié. En vieux françois on disoit Chal, pour dire, Chevalier, d’où est venu le mot de Sénéchal, quasi fenex Eques ; pour dire, vieux Chevalier.

Armer quelqu’un Chevalier, pour le faire Chevalier. Incontinent après la réduction de Ceuta, le Roi de Portugal Jean I, fit consacrer la grande Mosquée, que l’on dédia avec beaucoup de solennité à l’Apôtre S. Jacques. Le lendemain de cette cérémonie il y alla entendre la Messe, à l’issue de laquelle il arma Chevaliers les Princes ses fils, aussi-bien que plusieurs autres Seigneurs, qui tous s’étoient glorieusement signalés dans cette conquête. Le Quien de la Neuv.

La plus haute dignité où l’homme de guerre put aspirer, étoit celle de Chevalier. Il n’y avoit que les Chevaliers que l’on traitât de Messire & de Monseigneur ; & on ne traite encore aujourd’hui le Parlement de Nosseigneurs, qu’en mémoire des Chevaliers qui le composoient autrefois. Il n’y avoit que les femmes des Chevaliers qui se fissent appelle Madame. La dignité de Chevalier étoit si grande, que le Roi s’en faisoit honneur ; les Chevaliers mangeoient à sa table, avantage que n’avoient point ses fils, ses freres, ses neveux, qu’ils n’eussent été faits chevaliers. On ne faisoit point de Chevalier, qu’il ne fût noble de pere & de mere ; le moins c’étoit de trois races. On n’en faisoit aucun qui n’eût servi avec éclat, & qui ne fût en réputation d’homme incapable de commettre un crime ou une lâcheté. Il se faisoit des Chevaliers en temps de paix & en temps de guerre. A la guerre, sans grande façon, le Roi ou le Général, en faisoit avant le combat, & plus ordinairement après. Pour lors, toute la forme étoit de leur donner sur une épaule deux ou trois coups d’épée, en leur disant à haute voix : Je te fais Chevalier, au nom du Pere, & du Fils & du saint Esprit. Lorsque pendant la paix, à l’occasion d’un mariage ou de quelque autre solennité, il se faisoit une promotion, c’étoit avec plus de pompe & bien des formalités. Le Novice, je veux dire, le Gentilhomme qui devoit être fait Chevalier, passoit la nuit d’auparavant à prier Dieu dans une Eglise. Son habit, en ce premier jour, étoit une soutane brune, toute unie & sans ornement. Le lendemain, il communioit, puis il alloit au bain, où il quittoit la robbe brune, qui étoit l’habit d’Ecuyer ; celui de Chevalier étoit d’une forme particulière & d’une étoffe bien plus riche. Après s’être baigné, le Novice se mettoit au lit, afin d’y recevoir les visites de cérémonie. Quand elles étoient finies, venoit deux ou trois Seigneurs qui lui aidoient à s’habiller. Sa chemise étoit brodée d’or par le col & par les poignets. On lui mettoit sur sa chemise une manière de camisole faite de petits anneaux de fer joints ensemble, en forme de mailles. Par dessus cette jacque de maille, autrement appelée haubert, il avoit un pourpoint de buffle, sur ce buffle, un cotte d’armes, & sur le tout, un grand manteau taillé comme est aujourd’hui celui du Roi & des Pairs. Le Novice en cet équipage, qui étoit fort embarrassant, faisoit serment à genoux, de n’épargner ni vie ni biens, à défendre la Religion, à faire la guerre aux Infidèles, à protéger les orphelins, les veuves, les indéfendus. C’étoit là le but principal de l’ancienne Chevalerie. Le serment prêté, les Seigneurs les plus qualifiés lui chaussoient des éperons dorés ; d’autres lui présentoient le ceinturon, où pendoit une longue épée dans un fourreau couvert de toile, & semé de croisettes d’or. Il falloit que cette longue épée fût bénite par un Prélat, & qu’elle eût posé sur l’Autel pendant un temps considérable. Le nouveau Chevalier, si c’étoit un Prince ou un Roi, alloit la prendre sur l’Autel. Quelquefois c’étoit un Evêque qui la lui mettoit au côté ; plus ordinairement le Souverains qui faisoit la cérémonie, mettoit lui-même au Novice l’épée & le ceinturon ; puis après l’avoir embrassé, il lui donnoit sur les épaules deux ou trois coups de plat d’épée, Cette cérémonie, la plus grande qui fût alors, se faisoit au son des trompettes, des hautbois & autres instrumens, & étoit suivie de festins, de ballets & de mascarades. Il y avoit des grands & des petits Chevaliers. Les grands s’appeloient Bannerets ; les petits, Bacheliers. Le Gendre.

Chevalier Romain, étoit le second degré de Noblesse parmi les Romains, qui suivoit celui des Sénateurs. Eques Romanus. Dans le temps de la fondation de Rome, toute la milice de Romulus consistoit en trois mille hommes d’infanterie, & trois cens hommes de cheval. Or ces trois Centuries d’hommes à cheval sont la première origine